Des manuscrits à la pelle.
Le compteur affiche 36 nouveaux wannabes à la porte de ma boîte mail d'éditeuse rentrant d'une semaine de congés.
Je
les traite à la chaîne. Je sais repérer en un millième de seconde ceux
qui vont être écrits avec un français approximatif, avant même
d'ouvrir le doc word.
Mais je l'ouvre.
J'ai raison.
Tout le temps.
Tout le temps.
C'est mon boulot.
Je suis plus coulante avec les hommes qu'avec les femmes, c'est vrai. Avec les très jeunes auteurs qu'avec les vieux.
Coulante,
ça veut dire que je permets à leur manuscrit de vivre un peu plus
longtemps. Je les fais lire à d'autres. Au cas où. Généralement c'est
non. Et si ça a fait perdre du temps à tout le monde, c'est un acquis de
conscience, de mon côté, qui me permet de continuer à tailler dans le
gras.
Il y a les purs WTF transcendantaux.
Il y a ceux que je télécharge directement dans mon kindle, trop rares.
Il y a ceux écrits par des auteurs qui ont tout compris, et qui séduisent. Qui emballent leur
manuscrit comme on packagerait un produit de grande conso. A côté de la concurrence, ils ont trois tours de stade d'avance.
Et
puis, il y a ceux, un peu spéciaux, dont je connais les auteurs sans
les connaître : nous avons échangé un mail, deux paroles, trois minutes
au téléphone. Je découvre leur manière de se présenter, de parler de
leur texte.
Enfin,
une fois, ou deux, il y a un nom qui accroche l'oeil et fait stopper le
coeur. Une grimace, parfois, un sourire, souvent.
Je
suis bien protégée et inaccessible. J'ai une tour d'ivoire et, même
quand je leur parle, ils ne peuvent être totalement sûrs que c'est bien
moi tant que je ne me suis pas présentée. Tant que je n'ai pas un
contrat à leur faire signer.
D'aucuns dirons que je suis un Phantom d'opérette cachée derrière mon ordinateur quand lui avait un masque.
Je fais la pluie et le beau temps avec une certitude qui me dépasse.
C'est ma collection.
Je sais. C'est tout.
Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?
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