lundi 23 décembre 2019

Don't suffocate my heart, I don't know what I'm feeling


C'est le bilan de 2019, c'est le bilan de l'empouvoirement (peut-être qu'à force, un jour, quelqu'un trouvera ce mot joli).


Tout a commencé par un 31 plutôt cosy entre amis, sans trop d'excès. J'étais focus sur la reconstruction, mon diagnostic en poche, à nouveau sous médicaments, je faisais mes valises pour un court séjour à Brighton qui fût pour le moins revivivivifiant.


Je pense développer un habitus "stations balnéaires hors saison", ce qui correspond parfaitement à ma misanthropie et mon amour du glauque.




A mon retour, a commencé la grande valse des colocs 2019, et ce fut haut en couleur, tant et si bien que ça m'a dégoûté à mort de vivre à deux (enfin si on compte pas les Maine Coon de 6 kilos) - la phase "embourgeoisement" était lancée.

Puis Notre-Dame a brûlé et je ne pouvais pas rêver mieux que la compagnie de Meor pour y assister. Une atmosphère de fin du monde qui n'allait plus nous lâcher jusqu'à la fin de l'année.


Là-dessus, je suis partie à Amsterdam en solo - mais j'y avais pour guide le meilleur sosie d'Elvis de toute l'asie du sud-est : Escrivaillon.

C'était un très chouette voyage, où je me suis rendu compte que j'avais à la fois le mal de mer sur les canaux ET après 3 shots de vodka et 4 pintes.

#KnowYourself




[Ils ont des chouettes musées à Amsterdam]



[Vraiment.]

Mai fût secoué par un trop plein de boulot et un être qui n'écoutait pas trop quand je lui disais que j'étais crevée, surbookée et pas dispo beaucoup plus qu'une soirée par semaine pour ma propre santé mentale. Il ne m'écoutait pas trop non plus quand je lui disais que je ne prenais pas la pilule visiblement. Du coup, ne m'étant pas aperçue de l'incident consciemment, c'est mon inconscient qui s'est chargé de me faire avoir des crises d'angoisse à chaque fois que je le voyais.

[Ceci est un serpent du british museum, si]

C'est alors que je me suis dit "mais Johnson, pourquoi tu t'entêtes à fréquenter des mecs en fait ? au moins, avec des meufs, plus de pilule du lendemain, et vraisemblablement moins de viols et de violences aussi."

J'ai commencé à me renseigner doucement mais sûrement au sujet du lesbianisme politique. J'en parlais au début sur le ton de la plaisanterie à mes proches afin de tâter le terrain, mais le problème, c'est que quand ça s'est précisé dans ma tête, tout le monde (OU PRESQUE)(oui je vous vois broncher les deux, là-bas) en est resté au stade de la vaste blague.


Bon. Je vous cache pas que le premier été lesbophobe de la ma vie a pas été "sea, sex & sun".


En juin, j'ai rendu ma première traduction de roman, ce qui a achevé mon PC et m'a fait rencontré un vendeur Fnac qui m'a fait comprendre que c'est pas parce que ma tête avait décidé d'arrêter les hommes que les hormones avaient capté le message et qu'il était très dangereux de sortir de chez moi en période d'ovulation.


Professionnellement, ce fut l'année où j'ai été la moins pauvre de toute ma vie, à force de cumuler un trois-quart temps, un mi-temps et un traduction ainsi que deux ou trois rewritings de romans. Je n'ai pas vraiment vu le jour, mais ne plus avoir à compter quand on dépense : ça n'a pas de prix. (En fait, si, mais...)(c'est une expression)(je pourrais en changer, c'est pas comme si je gravais mes notes de blog sur du vélin)(bon, si vous êtes pas contents, allez lire d'autres blogs qui sont restés bloqués dans les années 2000)(voilà.)(donc be kind, don't whine)

[Viktor Wynd Museum, London]

Ces rentrées d'argent m'ont permis de sortir ma meilleure poker face à mon banquier - les banquiers m'aiment bien parce que nombreux sont ceux qui, du moins au niveau directeur d'agence, sont des littéraires refoulés, et ils adorent mes jobs, jusqu'à en oublié que je suis indépendante et mon revenu des plus fluctuants. Et c'est ainsi que j'ai acheté l'appartement dans laquelle je suis en train de vous écrire, sous les yeux du petit chat noir des voisins qui m'épie jour et nuit (mais la nuit je le vois pas, car il est noir).


Ca a été le feuilleton de l'été également, de quoi m'occuper pendant que mes proches me ressassaient "mais n'abandonne pas si vite (la bite), il y a encore de l'espoir (d'être l'élue d'un mââââle) !" et que je me tapais sur le front à maintes reprises.


Une fois que l'affaire fut dans la poche, j'ai donc commencé à empaqueter. C'est là que ma psychiatre m'a dit que j'étais guérie de ma dernière dépression en date et qu'elle m'a dit bye-bye.


Comme un peu de mon temps s'était libéré et que mes idées féministes affluaient toujours tels des poneys nains au galop, j'ai effectué ma première action de bébé activiste le 1er septembre, à l'occasion du 100ème féminicide par compagnon ou ex répertorié. Le changement qui s''était amorcé en mai a fini de s'installer et de prendre toute la place qu'il a pu trouver dans mon cerveau.




La semaine d'après, je m'engageais auprès des colleuses anti-féminicides, qui venaient de lancer le mouvement, et je ne l'ai plus quitté ensuite.
Même quand je me suis fait arrêter avec un autre collectif et que ça a été le début d'un drama de trois mois impliquant la "policeuh nationale bonjour".


Septembre fut aussi l'occasion d'un séjour lisboète assez oubliable, où j'étais plus frustrée de ne pas participer à des actions avec mes soeurs de lutte que dans le bamos a la playa spirit.




Et depuis octobre, ma situation professionnelle ne fait que se détériorer, de part et d'autre, ce qui me plonge dans un abîme de doute et de conflits internes existentiels. Heureusement qu'il y a eu la rétrospective Vampires à la cinémathèque et un dernier séjour à Londres avant le Brexit pour me remonter le moral.


[Allégorie du gouvernement #dénonce #blogengagé]

Cette année se termine dans une grève que je soutiens, avec des préoccupations qui dépassent de loin ma petite personne. On rit moins, quand même, ces dernières temps. Alors j'espère juste ça, pour 2020, trouver des gens avec qui rire franchement, pour oublier le désarroi du dehors, ou se foutre cordialement de sa gueule.

jeudi 12 décembre 2019

It's our darkest blackout, it's our final end




Les deux premières semaines de décembre, jusqu'au 13, je suis toujours dans cet état déplorable.
Qu'il neige ou vente, que je sois au comble de ma réussite ou tout en bas de la pente. 

Je mets quelques temps à retrouver pourquoi : suis-je en plein syndrome pré-menstruel ? est-ce que mon spider-instinct détecte une fin du monde à l'approche ? est-ce parce que je n'aurai jamais de retraite et que le gouvernement préfère dépenser son fric en surveillance et renseignement (coucou toi !) que pour prendre les plaintes de victimes de violences ou les accompagner dignement dans un processus de justice serein et efficace ?

Non. C'est tout con : mon cœur saigne. 
C'est la période de l'année où je ne peux ignorer l'odeur du vent, le picotement du froid sur toute la peau que je refuse de couvrir, où je revois ces lumières, cette ambiance, ces rires et lui.

Je passe désormais mon temps libre à lutter contre les affreux, les violents, les connards et les non-repris de justice, mais comment lutter contre celui qui ne m'a strictement rien fait ?

Si ce n'est me laisser avec ces souvenirs sensoriels encombrants vers lesquels mon cerveau fuit, chaque année, pendant cette quinzaine mesquine.

Mon cerveau fait le grand huit, je lui en veux, non, je l'aime toujours, pas du tout, il me manque, n'importe quoi, où est-il ? on s'en fout. 

Mon cœur refuse de passer à autre chose alors que les années deviennent longues à compter. Je sais que mon souvenir de lui, de cela, du "il-ne-s'est-rien-passé", sont forcément erronés, désormais. Que ces élans d'émotions sont à l'encontre d'un lointain fantôme recréé par mon imagination un peu plus chaque année.

Je le sais car j'ai consulté pour ça. Alors c'est cool, je suis tombée sur une super psy (qui a eu l'outrecuidance de me plaquer pour un boulot plus stable... en même temps vu qu'elle encaissait qu'un quart de mes chèques, je pense qu'elle a bien fait d'arrêter de bosser à son compte), qui était aussi franche du collier que moi et qui m'a dit que c'était bien simple : parfois, les choses, les gens et le vécu restaient, pour la vie, et qu'il était inutile de se battre.

Alors je baisse les armes, pendant cette première quinzaine de décembre. Je laisse mon esprit aller où il veut, et tant pis si c'est avec lui.
Tant pis s'il refait l'histoire, si j'en sors essorée. 

Il fait autant partie de moi que cette bougie que j'ai serrée si fort en lui parlant de la fête des lumières, de la Sainte Lucie et du fait que j'avais appelé Lucifer, mon chat, à cause de ça, parce qu'il est arrivé à moi un 13 décembre et de la flamme qui s'est animée dans ses yeux quand j'ai dit tout ça.
C'était notre dernier soir.

Enfin, c'était le sien. Car je crois bien que de mon côté, il ne m'a jamais quittée.

mardi 3 décembre 2019

Rebellion




On a commencé par me demander si j'étais Gilet Jaune, ce à quoi j'ai répondu "Non", mais après avoir quand même réfléchi un moment. C'est vous dire à quel point j'avais l'esprit aiguisé. Je m'apprêtais à peser toutes mes réponses, à réfléchir très vite aux tenants et aboutissants des questions que l'on me poserait.

J'étais prête à répondre "Je n'ai rien à déclarer" à tout ce qu'on me demanderait.

Le commissariat est digne des meilleures prisons désaffectées que j'ai pu visiter dans les pays de l'est. Les officiers sont entassés et des piles de dossiers menacent de s'écrouler. Sur le mur, une affiche vante les mérite d'un déjeuner raclette. Je garderai mon esprit focalisé dessus car la raclette, après tout, ne m'a jamais trahie jusqu'ici. 

Arriver jusque sur cette chaise de bureau était déjà toute une aventure. Une fois libérée, la nuit de la manif, j'ai mis bien 15 jours à me remettre de la crève contractée à cause des chauds et froids incessants - et du stress, j'imagine. Puis vint le temps du brief de l'avocat - genre si vous saviez quel avocat vous seriez guaca-jaloux - de continuer la lutte tout en étant un peu plus dans la précaution, dans la peur de passer à nouveau 4h dans un bus qui sent la pisse, mais on y va quand même, parce que les femmes meurent, les plaintes sont classées sans suite et les agresseurs font des films et que c'est bien pire que l'amende qu'on risque. 

Et puis je me suis préparée mentalement et le jour J... je ne suis pas allée à l'audition. Parce que l'officier de police judiciaire avait confondu "novembre" et "décembre" (oui bah 12 ça fait beaucoup de mois à retenir). Donc, j'ai refait d'autres actions en blaguant encore et toujours sur ma nuit dans le bus-qui-sent, et les soeurs de lutte de me dire "c'est toi la casserole ?". 

Donc un mois après, je me suis pointée devant une porte noire semblant tout droit sortie d'un escape game tandis que des poutrelles métalliques du chantier adjacent me survolaient gaiement. J'ai mis 10 plombes à trouver la véritable entrée et j'ai fini par comprendre et rentrer dans ce blockhaus aux sièges en plastique ma foi pas si pire.

La dame de l'accueil ne sait pas trop qui doit s'occuper de moi et je vois défiler tout un tas de jeunes hommes d'une vingtaine d'année à tout casser, je me fais la réflexion qu'on pourrait faire au moins 4 épisodes de 21 Jump Street, et puis une voix appelle  : "Madame Johnson, veuillez me suivre."

Je suis déçue qu'il n'ait pas l'accent marseillais. C'est là que je m’assois en face du poster de la raclette et que je me focalise sur le chantier dehors, et les baies vitrées qui volent devant mes yeux, pendant que l'officier officie sur son ordinateur. 

Le temps me paraît long à cause de mon extrême concentration. Jean-Comico donne un coup de pied dans l'éléphant dans la pièce et me dit "bon, j'imagine que comme vos consoeurs vous n'avez "rien à déclarer"", je lui souris de toutes mes dents (que je suis en train de faire refaire d'ailleurs, mais là n'est pas la question), et on commence par la partie où je dois répondre : le prénom de mon reup, le nom de jeune fille de ma génitrice - je pense le mec va tout tenter pour récupérer mes infos de questions secrètes de mot de passe. Jusqu'au moment où il me demande à combien s'élève le remboursement de mon prêt immo et où je le regarde en pinçant la bouche signifiant très clairement "Là, tu pousses le bouchon un petit peu trop loin, Maurice." je lui explique donc ne pas trop trop savoir et il s'étonne "m'enfin, vous ne faites pas vos comptes ?" "Je suis atteinte de dyscalculie, je n'ai aucune mémoire des chiffres." (true story). 

Il m'a demandé ce que je faisais dans la vie et quels étaient l'intitulé de mes master 2, je lui ai sympathiquement demandé s'il cherchait à pourvoir des postes au sein de sa noble institution et il m'a dit que non, à la suite de quoi je me suis permis un petit "oh dommage, ça commençait à ressembler à un entretien pôle emploi." 

J'ai dû ensuite dire quinze fois "Je n'ai rien à déclarer" puis est venue l'heure du sermon sur l'incompétence de mon avocat et le fait que garder le silence n'était pas une bonne idée (si, gardez toujours le silence) et qu'en faisant cela je ne me défendais pas (yes, mais je m'incrimine pas non plus, gadjo), et qu'il était là pour me comprendre (non, ça c'est mon psy et je le paie avec autre chose que mes impôts). 

Il m'a demandé de lui parler de mon job, j'ai lâché des monosyllabes et attrapé mon sac l'air de dire "bon, c'était sympa, mais je crois que nos routes vont se séparer ici" déjà bien contente de pas m'être vue faire relever les empreintes et prendre en photo pour finir dans un classeur intitulé "fichée féminazie". 

Mais Jean-Comico tient à me dire combien il est important qu'il comprenne ce qui m'a poussé à faire ça. Pour cela, il utilise ses grands yeux verts de mec pas dégueu du tout physiquement - Jean-Comico ignore manifestement que j'ai arrêté les mecs et leurs grands yeux verts - et fait des blagounettes qui ne sont pas drôles du tout du genre "vous savez, c'est même pas votre parole contre la mienne, si je voulais je pourrais dire que vous m'avez frappé et on me croirait moi" (J'avoue, j'ai eu une pensée pour les soeurs de lutte chiliennes à ce moment là.)

Et puis, commence la propagande anti-avocat, tentant de convaincre à travers moi les autres filles incriminées de s'éloigner de la ligne directrice du silence total. 

A la fin, après avoir tenté de me faire la parlotte "hors audition" pendant 30 min, il me raccompagne, et attend vraisemblablement que je le remercie en tentant hein "j'étais sympa, j'aurais pu vous passer un savon", j'ai un pied dans la rue donc je tente un "C'eut été un tantinet paternaliste.", alors, pour la dernière fois, Jean-Comico bat de ses grands yeux et tente de m'attendrir "mais enfin, on a le même âge !" (Ouais, mais pas la même passion...) 

Je m'en vais les mains dans les poches de mon imper, le soulagement que ça soit fini, mon destin désormais entre les mains d'une autre instance, et me disant que, décidément, le monde des hommes ne me manquera pas. 

mardi 22 octobre 2019

I love the quiet of the night time




Jean-Mascu aime bien qu'on sache qu'il a un gros cerveau, donc il parle de ce qu'il pense, et il en parle fort.
Ce soir, Jean-Mascu est de sortie. Etudiant en ciné, il avait le choix entre un James Gray ou A girl walks home alone at night
Manque de bol pour moi, c'est cette seconde option  que Jean-Mascu et sa chemise proprette ont choisie.
Quand Jean-Mascu s'est assis à côté de moi, il a fait comme si le siège était celui de sa daronne et m'a foutu un coup de coude, avant de carrément s'asseoir en tailleur et de parler à la personne derrière lui tout en restant dirigé vers l'écran.
Un peu comme si Jean-Mascu et sa petite vingtaine étaient les C.E.O de la cinémathèque. 
Alors qu'il gueulait en cherchant à savoir comment il allait faire pour contourner la volonté de son co-scénariste pour faire passer ses idées à lui (d'ailleurs, il comprenait pas trop pourquoi l'autre s'entêtait à en avoir des différentes, et il était bien emmerdé par l'existence de ce putain de droit d'auteur), ses compagnons ont tenté de recentrer le sujet sur le film qu'on allait voir.
D'un coup, même si je ne pouvais pas ne pas entendre, j'étais déjà plus intéressée. J'allais savoir ce que Jean-Mascu foutait dans une séance d'un film indé tourné en persan et en noir et blanc qui puise ses références vampiriques du côté féministe de la force (mais bon, peut-être qu'après tout, je me trompais complètement sur Jean-Mascu.)
C'est alors que sa réponse se fit limpide "bah un western iranien avec des vampires, moi ça me dit bien."
Je souris en coin, et je prie pour qu'il arrête ses bruits de bouche quand le film commencera - oui, parce qu'en plus de parler fort, il parvient à tuer le silence quand il se tait. 
J'imagine que Jean-Mascu s'est déjà pris un coup de poing dans le nez, parce qu'il respire si fort qu'il ne peut qu'avoir le septum dévié.
Le film commence et je me concentre quatre minute avant de l'entendre mastiquer puis ouvrir très lentement un paquet de biscuits.
Au bout de 15 minutes, il s'agite, se tord, souffle, soupire, rouspète. 
Je pense que Jean-Mascu comprend que claironner son avis est socialement inacceptable mais que c'est pas pour ça qu'il se prive de le donner.
Plus Jean-Mascu bougeotte, plus son eau de Cologne (il en a trop mis, comme tout bon Mascu) me parvient par bouffées et entre ça et les effets de caméra, ma tête tourne bientôt.

Mais Jean-Mascu n'aura pas réussi à m'enlever la jouissance de voir ce film.
Du meilleur chat acteur de tous les temps (Masuka <3 blanc.="" de="" du="" et="" i="" noir="" somptueux="">Death
 et de toute la scène enveloppée par White Lies. De Dracula et de sa cape. De l'envie de faire du Skate dans une ville déserte.
C'est un film féministe plus qu'un film de vampire, c'est un film d'amour plus qu'un film politique. C'est un film sur la fragilité de ce qui peut sauver une vie. Sur chaque geste, chaque mouvement, qui compte. C'est un film où les regards en disent plus que les mots.

...alors bien sûr, quand les lumières se sont rallumées, Jean-Mascu a bondi, et avant que quiconque lui ait demandé son avis a gueulé : "ET BEN J'AI DÉTESTÉ, OHLALA QU'EST CE QUE JE ME SUIS ENNUYÉ CA FAISAIT TRÈS LONGTEMPS QUE JE M’ÉTAIS PAS ENNUYÉ COMME CA. C'EST TOUT CE QUE J'AIME PAS."

J'ai laissé Jean-Mascu s'époumoner et surtout ne jamais remettre en question ses goûts ou sa vision du monde car, après tout, pourquoi faire ? Qu'aurait-il à y gagner ? 
J'ai mis mon casque et je suis partie, j'ai pris la ligne 6 et j'ai marché seule dans la nuit. 

mercredi 16 octobre 2019

Black Tie White Noise




Assise dans l'estafette des CRS, alors qu'ils se passaient des mitraillettes sous mon nez, sous-estimant donc grandement le fait que j'aurais pu la chopper en deux mouvements et par là même prouvant qu'ils sont moyens formés tout de même, j'ai pu profiter du moelleux des sièges financés par mes impôts. 

Il fallait bien que ça arrive, me dis-je, alors qu'on me fait décliner mon identité et que je sers mon meilleur stand up à toute la horde de robocops qui m'entourent. Non pas parce que je viens de faire une action illégale, et que j'en fais quand même des tas depuis le début de mon militantimsm, mais parce que je me demandais quand, exactement, on allait me dire symboliquement "aller, ferme ta bouche et rentre à ta maison, femme".

C'est à peu près dans ces termes, d'ailleurs, que m'a invectivée le CRS qui venait de m'empoigner moi et ma casserole - destinée à faire du bruit pour "réveiller" notre cher président et attirer son attention sur les chiffres terribles des femmes mortes en France des mains de leurs compagnons ou exs - il m'a regardé avec de la rage dans les yeux et a craché "Les casseroles, ça reste dans la cuisine". On sentait que tout son corps se retenait d'ajouter : "Et les femmes aussi". 
Alors que je soutenais son regard, pas totalement inconsciente du danger mais carrément habituée à l'auto-destruction, j'ai senti qu'il était à deux doigts de me mordre. C'est alors que ses collègues l'ont forcé à partir et s'éloigner de la situation. 
M'est avis que le monsieur n'en est pas à sa première bavure. 

Donc me voilà dans l'estafette, à demander des nouvelles de ma casserole, à déclarer que c'est bien bête qu'on me l'ait confisquée, parce qu'on aurait pu conclure cette charmante soirée par une bonne bouffe eux et moi, et à tenter de m'inviter à manger chez le chef de la troupe, tentant de garder haut les cœurs des pioupious autour de moi qui étaient là à leur première action, certains à peine majeurs. 

Je suis pas bien plus vieille qu'eux question militantisme, mais je sens bien que ce soir, mon rôle, c'est de maintenir le calme et d'éviter que ça se passe trop mal. Parce que mon intuition me dit qu'on est pas sortis le cul des ronces.

Un des policiers m'avait dit de me dépêcher à sortir ma carte d'identité, que sinon c'était quatre heures au poste et que ni eux ni nous n'avaient envie de ça. Je me suis exécutée puis je me suis avancée vers une femme qui m'a fouillée et m'a demandé "Et dans vos poches ?" 
"Oh, bah, vous savez sur les vêtements féminins, y a jamais de poches..."
"Oh la la m'en parlez pas..."
Et d'un coup d'un seul on était deux femmes en connivence, même si elle avait un peu droit de vie et de mort sur moi à cet instant là.

Les journalistes gravitaient toujours autour de nous, mais tout était flou, à ce moment-là, je croyais que le mec disait vrai, qu'ils allaient pas nous embarquer pour "avoir fait du bruit dans la rue". Et puis, quand je suis sortie du fourgon et qu'on m'a parquée avec interdiction de sortir mon téléphone, j'ai senti le vent tourner.

Les blagues, plus ou moins drôles, fusaient. Je n'avais pas vraiment peur, j'étais profondément amusée de l'absurdité de la situation : avoir quasi 2 crs par militants, voir une étudiante en journalisme enfermée avec nous alors que son équipière n'avait pas été inquiétée. 

Le chef m'a aussi fait parler de pourquoi on était là, sans pouvoir dire qu'on avait raison, il a tout de même dit que nos motifs étaient compréhensibles. Alors pourquoi s'en prendre à nous, 16 meufs, avec acharnement (car la soirée, qui avait débuté avec l'action à 21h45, s'est terminée à 2h du mat')

Quand on a appris qu'on allait être embarquées, les choses se sont transformées : on s'est concentrées sur les infos à retenir quand on est en garde à vue, on s'est écrit des numéros d'avocat sur les mains et on a récupéré bien sagement nos papiers.

Le voyage dans ce bus en plastique, aux vieux relans d'urine de gilets jaunes enfermés là avant nous, s'est fait cahin-caha jusqu'au comico du 17e où on nous a arrêté sans mot dire pendant un long moment, dans le noir. 
Entre chants militants, prises de selfies et interview données à la presse, le temps est passé plutôt vite au départ, jusqu'à ce que certaines d'entre nous éprouvent les premiers signes de faiblesse.

Quand on a signalé que certaines avaient des tampons à retirer ou des éco cups à retirer, nos gardiens ont vite laissé leur place à "une meuf" parce que, voyez, les règles toussa... elle nous a distribué des serviettes hygiéniques puis s'est cassée. Nous étions à nouveau seuls pour une demi heure, nous demandant s'ils s'attendaient vraiment à ce qu'on se changent les unes devant les autres, sans moyen de se laver les mains ? 

Puis on a insisté fort fort pour aller aux toilettes chacune notre tour, jusqu'à rendre fou notre préposé pipi-room. 

Finalement, 3h30 après, je suis passée 25 secondes devant une dame qui m'a remis une convocation pour une audition libre sans garde à vue, le mois prochain. Tout ça pour ça. 

Ce que je retiens ? Que quelqu'un a forcément donné l'ordre de faire de nous un exemple, de saper notre moral pour qu'on ne récidive pas. 
Que beaucoup de moyens (énormément, même) sont mis à dispo de la protection d'un seul type dans son château (peut-être qu'il regrette d'avoir demandé aux foules de "venir le chercher") quand il y en a zéro pour prendre les plaintes (souvenirs de cette après-midi d'été passée à attendre mon tour dans un préfabriqué pour porter plainte pour agression devant un homme dubitatif qui a tout mis sur le compte de l'alcool). 
Qu'au nom de l'état d'urgence, on peut être embarqués quatre heures et se voir priver de tous droits, parce qu'on a usé de son droit de manifester.  
Qu'à seize (quinze meufs et un mec)(et une casserole), on s'est sacrément serré les coudes, que cette épopée intergénérationnelle m'a appris énormément, a donné la rage de continuer aux plus jeunes et celle de crier un peu plus fort, encore, à toutes.

Alors RIP petite casserole, ta disparition n'était pas en vain. Peut-être seras-tu adoptée par un policier, peut-être seras-tu récupérée par quelqu'un dans le besoin. J'espère que ta seconde vie sera paisible, loin de moi. 

jeudi 10 octobre 2019

I wish you'd swallow all your lingering doubts




Je pensais pouvoir commencer à chiller dans mon nouvel appart si durement acquis quand, tout à coup, le ciel s'est assombri.
Alors l'apocalypse ne m'aurait pas plus surprise que ça, vu les événements mondiaux actuels, mais quand même, il était 10h du mat' et aucune éclipse n'était annoncée.
Bon, un lever de tête plus tard et je me rendais compte qu'un carton venait de boucher le puits de lumière de ma salle de bains exposée plein sud.
Je me suis alors dit que ça devait avoir un rapport avec l'échelle qui venait d'apparaître devant ma fenêtre et qui était assez judicieusement placée pour que les ouvriers puissent me voir dans la douche par les 10 cm de fenêtre non obstrués par un floutage.
J'ai alors ouvert la dite fenêtre et découvert Jean-Barbe et Jean-Con, Jean-Barbe avait l'air d'être le chef, donc je lui ai parlé, lui demandant courtoisement quel était le fuck tandis que Jean-Con tenait, en arrière-plan, plus ou moins ce langage : "gnégnégnégnégnégné t'as qu'à allumer la lumière si t'es pas contente".

En gros, le nouveau mec du syndic (que je paie donc avec mes deniers de proprio), était passé le vendredi d'avant pour les autoriser à grimper sur MON toit et danser dessus pendant trois semaines.
J'ai refermé la fenêtre et appelé Jean-Syndic à qui j'ai laissé un message rouge sang, avant d'aller vaquer.

En gros, quand il m'a rappelé, il a confirmé que ce serait Johnson-journée-techno pendant les trois semaines à venir mais qu'il allait veiller à ce qu'aucun dégât ne soit fait. J'ESPERE BIEN JE TE PAYE POUR CA, JEANNOT.

C'est ainsi que depuis, mon gros chat passe ses jours le cucul sur le carrelage, le museau en l'air à se demander quelles sont ces grosses souris qui galopent sur notre toit. (J'ai beau lui expliquer, tant qu'elle a pas les visuels, elle me croit pas).

Bref, j'étais déjà de méchante humeur et puis là je me suis aperçue que j'avais plus mon porte-monnaie. Tout d'un coup, ça a fait tilt, j'étais rentrée éméchée la veille et un type inconnu m'avait ajoutée sur FB. J'avais décliné l'invitation en grommelant "mort au patriarcat" et en m'endormant bouche ouverte.

Vite fait bien fait, je le recontacte et bingo : il avait retrouvé mon porte-monnaie. Fort heureusement, ma CB y était toujours car j'avais choisi le moment où les fonds pour le paiement des travaux étaient sur mon compte courant pour faire ma connerie.

Je rentre chez moi en me jurant qu'on ne m'y reprendra plus et je me fais de la purée (si, c'est important pour que vous compreniez à quel point je suis un chat noir).
Je mâchonne en regardant un peu dans le vide tout en écoutant France Info et ses joyeusetés quand tout à coup CRACK.

La purée était devenue dure et carrée.

Ou alors ma couronne venait de tomber.
Pas ma couronne de princesse, mais celle qui m'avait fait un mal de chien quand on me l'avait posée, en 2010, genre plus mal encore que mon opération des deux pieds en 2006.
(Oui, tu sauras tout, petit lecteur)

Dans ma tête, c'était "FUUUUUUUUUCK", mais j'ai quand même mis la dent dans un tupperware et la purée dans une petite boîte (ou l'inverse) avant de parcourir Doctolib à la recherche de qui serait ma sauveuse.

Miracle des miracles, je trouve un rendez-vous pour plus tard dans l'aprem dans le 5e arrondissement, ce qui est pas trop trop loin et pas trop trop tard, donc je me dis que ma chance a tourné comme du lait qu'on aurait laissé sur le rebord d'une fenêtre en plein soleil de midi.

Je m'autorise une petite sieste où je grogne et rumine puis je me mets en route, sous une pluie torrentielle, vers le cabinet.

Une fois sur place, quand la porte s'ouvre, c'est le 9e cercle des enfers. Les assistantes dentaires courent dans tous les sens les bras en l'air, la salle d'attente est pleine de kékés en plein manspreading, l'un d'eux finit par me laisser sa place et on m'annonce que les fusibles ont sauté.
Ah.
Que se passe-t-il dans ce cas là ? On répare les dents à la faucille et au marteau ?
On vient m'informer qu'on pourra peut-être pas me prendre, et je repense à mon optimisme, au lait tourné et à toussa pendant 50 longues minutes.

Au final, on me reçoit, et on m'annonce que le chantier dans ma bouche va me coûter à peu près autant que celui de mon chez-moi ce à quoi j'ai envie de répondre "Yeah, no surprises".

Bref, c'est pas parce qu'il y a eu une accalmie que j'ai perdu ma guigne. 

samedi 5 octobre 2019

And we keep loving anyway




Les cartons vides viennent de partir dans les bras d'un jeune couple. Molly ne leur a presque pas grogné après. Ca marque la fin de mon déménagement, même si j'ai toujours du mal à réaliser. 

Il faut que je réfléchisse dans quelle rue tourner, depuis une semaine, pour rentrer. J'ai un moment de stress au moment d'entrer le digicode. Je n'ai pas encore repéré où étaient toutes les poubelles et quels jours passaient les éboueurs. Je me bagarre quotidiennement avec la serrure de la boîte aux lettres.

Mais les livres sont sortis de leurs carcans et tout a trouvé sa place, si bien que ce matin, à genoux devant une table basse défoncée, j'ai commencé à peindre des lettres. Pour l'instant je n'avais la place pour faire sécher que "FEMMES VICTIMES DE" alors je suis partie à la recherche d'épingles à linge pour pouvoir compléter "VIOLENCES : ON VOUS CROIT" avant d'aller l'apporter à notre nouveau QG. 

Je me suis octroyé le petit kiff d'aller coller en face de mon boulot, sur un rond point très fréquenté. Courir sur les pavés déformés entre deux feux à la lumière des réverbères a été une délivrance.
Dimanche dernier, alors que le camion de déménagement tournait quasi sur deux roues sur cette même place, j'ai senti un appel d'air sur ma droite : si ma pote n'avait pas mis sa ceinture, elle aurait peut-être roulé sur la chaussée, si elle avait tenu mon chat dans ses bras, je n'en aurais plus. 

C'est pour ça, et parce que le déménageur que j'ai engagé a provoqué un dégât des eaux dans l'appart dont je partais, que j'ai fini le déménagement à tenter de contrôler une crise d'angoisse qui montait inexorablement.

Je n'en avais plus eu de telle depuis des mois. 

Entre la réorganisation du mouvement, le déballage des cartons, les états des lieux, les dons d'objets et le boulot, je n'ai pas vu la semaine passer. J'ai couru d'un endroit à l'autre, d'une cause à l'autre, que ce soit celle de ma gueule ou d'autres moins égocentrées. 

J'ai vissé mon plus fake smile devant ma boss pour éviter qu'elle trouve quoi que ce soit à redire au fait que je ne vienne plus aussi souvent. Pour autant, je n'ai plus la motivation d'avant concernant ce job qui a tant compté. 
Un jour viendra où la culpabilité d'être à 90% de mes capacités au lieu des 120 habituels prendra le dessus, mais ce n'est pas le moment, pas quand j'ai 20 ans de dette à rembourser et du matos à payer pour aller retapisser les rues et espérer faire frémir les choses. 

Bouger autant m'empêche de réfléchir trop, notamment au fait que j'ai 31 ans, accompli à peu près tout ce que je rêvais d'accomplir dans ma vie, et que je n'ai pas la moindre idée de quoi faire, de quoi vivre ensuite.





mercredi 2 octobre 2019

Pretty eyed, pirate smile




Maintenant que je suis une féministe de la rue (you can call me "Jean-Luc"), je passe sacrément de temps dans les magasins de bricolage. Ca aussi, c'était un endroit où j'aurais pas eu idée de traîner. Où je suis allée à pas de loup, sans avoir les réf, en me faisant bousculer par des gros bras et des petites vieilles aussi perdues que moi. 

Et puis j'ai fini par prendre mes marques. A savoir quelle marque de peinture glisse mieux sur une feuille A4 et fait les lettres qu'on voit le plus loin. Quel pinceau est végan (chut). Quelle colle pour papier peint fait moins de grumeaux. 
Et puis, l'autre jour, j'ai tellement pris la conf, que je suis carrément allée avertir un vendeur qu'ils étaient bientôt à cours de peinture noire (et c'est pas avec du "corail" ou du "satin ajouré" qu'on va peinturer nos slogans) et qu'on allait lui en acheter plein dans les jours à venir.

C'était un risque. Parce qu'il allait forcément me demander pourquoi. Et qu'il allait falloir que je m'explique, sur mon activité. Activité illégale. BREF, c'était pas tant ça le problème que le décompte qui s'est formé dans ma tête quand j'ai expliqué qu'on était une "asso" (alors que bon, pas du tout officiellement), et ça faisait genre "3... 2... 1... MANSPLAINING". Ca n'a pas loupé, il m'a dit qu'on ferait mieux d'aider les vivantes, et qu'on s'y prenait mal, et que... Il a dû voir que j'écoutais plus trop et que mon regard s'était étrangement fixé sur les abattants à chiotte depuis le début de sa litanie, parce qu'il a fini par comprendre que c'était pas cool, ce discours, alors il en a changé et m'a expliqué que dans "son pays" ils avaient un encore plus gros problème de violences faites aux femmes, et que les victimes de viol étaient systématiquement accusées de l'avoir cherché, et qu'on différenciait femmes et femmes et que l'omerta régnait. J'ai été hyper surprise, j'avais des a priori, des préjugés même sur le fait de parler à un homme mûr dans un pré carré de menly men et voilà que j'échangeais à coeur ouvert sur le féminimsm avec le dit homme (même s'il avait fallu dépasser la case "paternalisme"), il m'a même proposé de récupérer les produits abîmés qui pourraient servir, et c'est le coeur léger et le seau à colle au vent que je me suis dirigée vers notre nouveau Q.G.

Une ambiance de vieilles routardes commence à s'immiscer, entre celles qui ont connu les premières heures de cette action phénomène, l'ancien Q.G, les questions qui fâchent et celles qui unissent et les nouvelles qui débarquent fraîches comme la rosée malgré les injonctions à "arrêter d'envoyer 12 000 messages sur les groupes de conversation bordeldecul". 

Former la relève, c'est du boulot, mais c'est extrêmement motivant aussi. On se dit que notre boulot a touché des gens, a inspiré et que si on flanche, tout ne s'arrêtera pas. 

Parce que j'ai paniqué, quand on m'a annoncé que le semblant d'orga qu'on avait toujours connu (toujours ici se résume à un mois, mais le militantisme, c'est du temps long) volait en éclat et qu'il fallait tout reconstruire (ce qui n'est pas vraiment vrai, pas "tout", la base est là, la base est forte, le concept est simple, efficace, et le problème terriblement actuel). 

C'est déstabilisant que cette petite routine me fasse tant de bien. Que je me sente vide si je ne pose pas mon cul régulièrement dans la crasse pour peindre des lettres épelant des exactions commises sur mes semblables, dans mon pays, dans mon présent. 
C'est dur à gérer, comme émotion, mais c'est toujours mieux que de regarder le vide en scrollant sur les internets, les larmes aux yeux. 

On ne pleure plus, on agit. On ne perd pas de temps en parlotte : on écrit, on peint, on colle et on recommence. 

Alors oui, tout n'est pas parfait, mais, pour une fois dans ma vie d'éternelle pessimiste, je retiens surtout la bienveillance des gens, et leur éveil aux problématiques qu'on soulève. 
On n'a aucun laurier sur lesquels se reposer, mais, en même temps, il n'est plus question de fermer les yeux, et encore moins de dormir. 


lundi 16 septembre 2019

I fought the law

[Chat féliniste pas content]

Mon tote-bag tête de mort a beau être rigolo, parfois il est très premier degré. 
C'est pour ça qu'il se retrouve plein de traces de colle séchée (qu'on dirait autre chose, mais j'ai arrêté les hommes donc bon). 
A Lisbonne, je me prends à rêvasser devant des murs vides qui n'attendent qu'un coup de brosse de mes mains agiles pour que je le recouvre de messages anti-féminicides.

Mais bon, les copines sont pas là, et l'attirail passait pas à la sécu d'Orly, alors je me contente de participer à la lutte sur whatsapp (I KNOW c'est pas sécurisé, lâchez moi les ovaires).

J'étais assez chonchon de partir en vacances au milieu de nos vagues d'action qui prennent place pendant tout le grenelle de Marlène S. mais les billets étaient pris avant que je ne me mette à parcourir les rues pour y réclamer notre place. 

Juste avant de mettre les voiles, je voyais aussi pour la dernière fois ma psychiatre, qui m'a déclarée sortie de la zone d'état d'urgence mentale. (En même temps, une meuf suicidaire qui s'endette sur 20 ans, c'est plutôt bon signe). Elle m'a glissé que ce qu'on faisait avec un réel impact sur sa patientèle et que de plus en plus de femmes parlaient de leurs situations de violences conjugales grâce à nos témoignages et notre volonté de péter les dents au silence.

Alors voilà, c'est un peu rapide pour beaucoup de gens, mais j'ai vécu l'agression de trop, celle du non-retour, celle qui me pousse à me prendre de la colle dans les cheveux et peut-être une amende ou deux. 

Si j'ai viré les mâles non déconstruits de mon chez-moi, le boulot est loin d'être fini : la rue est à moi aussi. Grâce à ma pote Slou, j'ai un casque pour écouter de la musique qui sert de repousse lourdeaux, mais parfois, ça ne suffit pas. Et, les gars, maintenant que j'ai décidé de ne plus me laisser faire, mieux vaut que vous compreniez que si j'ai quelque chose sur les oreilles, un sourire de bull-dog et que je vous fusille du regard. 
Parce que j'ai aussi un poing américain électrique à la maison.

Il n'y a pas de good guys, seulement des mecs qui ne réagissent pas quand leur pote agresseur leur raconte ses méfaits. 

Et si tu sens agressé par cette phrase, c'est que tu fais très certainement partie du problème.

Je crois même que les mecs les plus dangereux sont ceux qui se consolent en se disant qu'eux sont au-dessus de ça. Vous ne l'êtes pas. Je ne suis pas sûre qu'un quart d'entre vous agirait s'il voyait une femme se faire harceler dans la rue, mais sans aller jusque là, combien seraient prêts à aller voir leur patronnat pour réclamer des paies égales pour leurs consoeurs et eux-mêmes ? 
Oui, c'est bien ce que je pensais.
Non pas que j'aie énormément de mecs non-déconstruits dans mes lecteurs. 

La bagarre de la rue c'est aussi la rendre plus propre : pourquoi sentent-elles la pisse ? pourquoi nous ne pouvons pas nous balader le nez en l'air au clair de lune sans craindre de s'entendre siffler (ou bien pire) ? pourquoi est-ce qu'on évite certains quartiers ? qui nous harcèle dans le métro ? 

Vous avez la réponse.

Parce qu'on a jamais vu une femme baisser son pantalon pour se frotter le clitoris en regardant lascivement un ado se rendant au collège.
L'inverse est quotidien. 

Donc mon tote-bag tête de mort, mes fringues pleines de colle et moi, on revient à Paris dès demain.
Et on récupérera la rue.

dimanche 15 septembre 2019

Their eyes look like my eyes

[Chaõ, seul mâle dont j'ai requis l'attention depuis a long long time]


Il a fallu attendre un dimanche pour passer enfin une chouette, très chouette, journée lisboète. 

Bien sûr, si j'avais été dans mon état "normal", je n'aurais jamais pris des vacances censées être reposantes dans un endroit pareil.
Je ne supporte pas la chaleur (et la chaleur commence pour moi après 25°), je déteste le bruit, la crasse et les villes pentues. 

J'ai été servie, moi et mon cerveau complètement en vrac qui avons fait notre valise de manière totalement anarchique et bigarrée. C'est à dire que mes chaussures ouvertes les plus confortables ont été portées et reportées et leur semelle est légèrement lisse.

Autant vous dire que les ruelles à pic de Lisbonne c'est un peu l'aquaboulevard pour yours truly. 

Ça et le fait que je suis arrivée par une compagnie low coast dont le personnel ne sait pas si notre destination était dans l'espace Schengen ou non, avec 30 minutes de retard, en plein cagnard, dans une station de métro où tous les escalators/ascenseurs étaient en panne. J'ai donc porté ma valise (ciel, que c'est dur d'être une femme célibataire et globe-trotteuse !) en faisant un détour d'1 km dû à une sombre histoire de mauvaise sortie de métro.

Une fois arrivée à mon adresse, j'étais seule dans un gigantesque appartement découpé en plusieurs chambres, seule avec Jean-Porto, le proprio, qui, dans son petit polo bleu, adorait répéter mon prénom (première cause de jugement de ma part, continuez, je vous trie comme ça) et d'inventer la moindre occasion de me toucher. 

Jean-P m'a dit qu'il me fournirait des serviettes de toilette "plus tard", moi j'ai hoché la tête, mais sans savoir que, de guerre lasse, j'allais me résoudre à me sécher à l'air libre car pas de serviettes avant le lendemain matin.
Pas de savon non plus. Nulle part.
Même pas pour les mains.

J'ai failli voler le liquide vaisselle - parce qu'étant venue en avion LOW COAST j'avais pas ma panoplie l'Oréal voyez-vous - et puis finalement j'ai repéré la salle de bains sur les trois où un nigaud avait oublié de remballer ses shampoings. Je me suis donc servie allègrement et depuis je sens le Axe XXX for menly men (les mouches adorent). 

Bref, après plusieurs déconvenues - des restos pas aussi bons que les guides le prétendent, rien de végé nulle part, des trucs fermés ou semi-fermés où on t'informe de ça qu'après avoir payé ton billet, j'ai fini par passer une journée fantastique, ce dimanche.

Je me suis réveillée en stress, comme depuis mon arrivée. Je n'arrive pas à me détendre et je fais des rêves étranges. J'ouvre la fenêtre et m'aperçois que pour la première fois depuis mon arrivée il n'y a personne dans les rues et tout est extraordinairement calme.

La température est également plus clémente, et je vois des nuages à l'horizon. 
J'ai du mal à me décoller la croupe de mon lit Qwing Size (je rentre de toute ma longueur dans sa largeur, c'est génial comme concept) et finis par mollassement me traîner au jardin botanique où un premier quiproquo a lieu avec le mec de la billeterie (car le billet est obligatoire, c'est écrit en gros et en rouge) qui me dit "it's truie" je m'apprête donc à repêcher trois pièces d'un euro quand il me répète "it's truie" je lui fais signe que j'ai bien entendu, mais que j'ai des petits doigts potelés et non agiles et que ça se pêche pas on demand trois pièces de un euro. Je remets le nez dans mon porte-monnaie et il s'énerve : "IT'S TROUIE YOU DONNE AVE TOUPET !" 
Alors je suis quasi sûre que ça se voit que je n'ai pas de perruque, donc je le regarde d'un œil obscur et il me fait signe de passer.
Donc le billet est obligatoire pour une entrée obligatoire et TROUIE veut dire "free" en anglais portugais. 
Je suis beaucoup plus instruite quand je parcours les allées pleines de succulents (avec la voix de Mr Burns disant "Exceeellent" dans la tête pendant toute la balade). Il y a aussi des gros cactus (cacti ? cactem ?) et des WC publics qui sentent pas le muguet.



[J'en profite pour chopper des idées déco pour mon appartement de propriétaire]






Bien sûr, les serres sont fermées et en travaux, comme 80% de ce pays. 
Là, j'ai un choix à faire, soit je sprinte sa race pour arriver au premier cimetière de la journée (que personne ne me juge je vous préviens) soit je dois revenir demain et c'est tendu lulu. 
Me voici donc avec mes chaussures glissantes et google maps au poing, en priant St Vincent de pas péter mon smartphone sans qui je serais incapable de rentrer à l'hôtel ou chez moi. 

J'arrive finalement dans un charmant petit cimetière britton nommé logiquement "Cimeterio des inglese" qui a la bonne idée d'être ouvert seulement 2/3h par jour, si bien que les lève-tards comme moi arrivent échevelées pour profiter pleinement du calme et de la quiétude des lieux. 









C'était chouette. C'était petit et chouette. Et ça tombait bien parce que je commençais à avoir faim. Comme on est dimanche et qu'ici tout le monde est à la messe de 7h à 22h, je me dis que le mieux à faire c'est de sandwicher dans le parc attenant. Oui, au milieu des enfants qui ont une semaine d'énergie accumulée à dépenser.
En fait, ça s'est super bien passé.

Je me suis quand même éloigné dans le second point snack du parc pour prendre café et ginger ale (il n'y a qu'en France qu'on ne voue pas un culte au gingembre, je pige pas pourquoi). L'espace d'un moment, je me relaxe vraiment, et je vis un chouette moment... jusqu'à ce qu'un touriste fasse peur à un pigeon qui fonce dans mon verre et me le renverse dessus. 

Maintenant je sens le Axe et le gingembre. Les mouches m'aiment d'autant plus.





Je fais un détour par une église avec puits de lumière plutôt badass avant de tracer jusqu'au 2e cimetière de la journée, comparé, comme tous les cimetières monumentaux, au Père-Lachaise (mais ils ne l'égalent jamais)(bisous bisous Oscar). 

Je passe le portique gigantesque et le premier truc que je vois après le gardien patibulaire, c'est un chat. Je m'écrie donc "Chat !" en me dirigeant peu gracieusement vers lui telle un bébé d'un an. Bien sûr, il se réfugie sous une voiture et me voilà à quatre pattes en train d'appeler ce chat "chat" dans plein de langues pour voir laquelle fonctionne le mieux (il s'avère que c'est "mushi mushi", eh oui). 

Puis je me dis qu'il est temps de se poser un peu, je me dirige donc vers un banc, mais je vois qu'un autre chat y est affalé. Je ne veux pas le déranger alors que c'est l'heure de la sieste alors je vais vers un second, qui est aussi occupé par un félidé, et ainsi de suite. Je finis par m'asseoir à côté d'un chaton noir qui ne semble pas avoir confiance quand je lui affirme que je viens en paix. Ce banc est trop petit pour son fessier et le mien, alors il s'en va, en me jugeant fort, sa maigre carcasse roulant du cul entre les caveaux.







Ce cimetière était très beau mais un peu trop propre à mon goût et somewhat malaisant. En effet, les caveaux monumentaux ont des portes vitrées. Jusqu'ici c'est plutôt classique. Mais pour une raison (que je suppose être les mouvements de sol) ou une autre, les morts sont entreposés en lits superposés sur des étagères à la vue de tous.
Dans leurs cercueils sous des napperons faits mains par tata Amalia, mais tout de même.
Je baisse les yeux et discute avec les chats et les pigeons, qui ont signé un traité de paix pendant les heures les plus chaudes et se partagent les coins d'ombres sans sourciller.

Puis je tombe sur Jean-Chaõ, qui est comme les petits fantôme dans super Mario : il s'approche de moi seulement quand j'ai le dos tourné. Je comprends que c'est pour chiper dans mon sac, mais je n'ai aucune bouffe pour lui malheureusement, et on finira par jouer ensemble et lui me parlera beaucoup mais sans que je puisse le toucher.









J'en croise une bonne vingtaine, tous amochés, faméliques ou atteints de maladies dégénérescentes. Ils ont l'air d'être entretenus ici, alors j'ai le coeur moins gros que si je les avais croisé en pleine rue. 

Je me dirige vers la sortie quand je vois un caveau entouré de rubalise, je m'aperçois que le toit est à l'envers, à terre, je l'examine vite fait avant de m'apercevoir que les cercueils en coloc et leurs napperons sont... à ciel ouvert, tout simplement.

Gros gros malaise s'en suit.

Je suis un dédale de rues jusqu'aux rives du Tage. Le quartier est fort joli, et je m’assois à la locale, sur une marche devant une porte pour reprendre mon souffle et profiter. 
Lisbonne c'est beaucoup de cardio. Là, un moment de silence époustouflant me prend. Tout est en phase. Ca ne dure qu'une poignée de secondes, mais je suis définitivement en vacances.

Les petites rues deviennent de plus en plus escarpées jusqu'à me larguer devant la porte du musée d'art Antique qui, comme tous les musées, est un méli-mélo de trucs n'ayant à peu près rien à voir les unes avec les autres, dans d'imposantes et de très belles bâtisses remplies de surveillants à moustache qui jugent autant que les chats (ça doit être une histoire de faciès pileux).

On retiendra le magnifique jardin qui donne sur leur golden gate et leur christ rédempteur (oui....) et plein de grues. Mais ça me va. Mon Pépé, il aimait les grues, alors je décide de boire une bière en face d'elles. Je suis tellement bien qu'un moustachu viendra me secouer pour me dire "on fermaõ".


Je me dirige avec le peu de batterie qui me reste vers un miradouro (point de vue), bien sûr, il est en travaux et fermé à 80% comme tout ce putain de pays, mais je prends quand même quelques photos badass et je poursuis ma route jusqu'au resto que j'ai repéré (au prix de nombreuses recherches parce que, encore une fois, ici c'est poisson, spaghettis bolo, ou crève). Je suis en avance et je pense avoir fait fausse-route quand je me retrouve dans un cul-de-sac rempli de garçons se pressant tous vers des "bains publics" en tenue très, euh, estivales.  

Finalement, je repère la petite porte de ce resto spécialisé dans le HOUMOUS (oui ça mérite des caps) et je me remplis l'estomac (ou plutôt, je créée une île de pois chiche dans la bière qui y flotte).

Mon portable n'a plus de batterie, alors je lis mon bouquin de érotico-vampirico-lisboète à la lumière de la bougie. Je me demande bien comment je vais rentrer. D'autant que j'ai repris une bière, mais je finis par retrouver le chemin le moins chiant (c'est-à-dire le moins casse-gueule X le moins en pente) jusqu'à mes penattes où je roule sur mon lit géant le temps de récup un peu de batterie et de ressortir me reprendre une bière chez les petits pioupious du Duque Brew pub qui est devenu mon rade aussi vite que j'y ai posé mes fesses (et qui est à 40m de ma chambre, donc pas trop de risques de me prendre un mur). 

C'était ENFIN une journée réussie, pleine de rebondissements et de surprises, j'ai pas chômé. Demain, je prends enfin le tramway (si je réussis à comprendre comment le bousin fonctionne) pour aller zoner à Belèm et puis il sera déjà l'heure de rentrer libérer les cat-sitters qui s'occupent de Molly-la-sanguinaire.