lundi 26 décembre 2022

Another chapter in the history of wrong guys



*

Je me charge au café pour calmer ce que je ressens. 
Un tourbillon absolument inarrêtable. 

Ce mois de décembre se difracte, jamais il ne s'est passé tant de choses dans ma vie en une poignée d'années et pourtant les secondes succèdent aux secondes dans un long égrènement qui me frustre au plus haut point.

J'aimerais faire avance rapide. Être fixée. En finir avec 2022, si possible en beauté. 

Car Décembre a décidé que c'était le bon moment pour revenir bibliquement aux hommes. 
Mon démon intérieur a pris ma ceinture de chasteté et l'a jetée sous les roues d'un train à grande vitesse. 

J'ai mis treize jours - et le 13, en décembre, est éminemment important - à retourner le problème dans tous les sens et à finir par céder.

Aux conseils pour une fois malavisés de mon psy, à mon démon intérieur donc, et à ce type, dont la beauté m'a frappée en plein pic alcoolémique. 

La perdition est une simple porte que l'on pousse pour revoir quelqu'un par un hasard incertain. 
Aussi simple qu'un France-Maroc gagné, ou perdu, c'est selon. 
Aussi simple que des blagues bien placées, des sourires, et des yeux bleus dans des yeux noirs.

J'ai glissé, très vite et très lentement, sans vraiment vouloir me rattraper désormais. 

J'ai vécu en accéléré, comme toutes mes relations hétéros, celle-ci. Aussi foudroyante que crucifiante. 
Je suis devenue obsédée, dans le mauvais sens du terme, mon trouble de la personnalité a rejailli de manière quasi incontrôlée et l'homme en question en a, comme tant d'autres, profité. C'était le surf sur le déraillement. Une tentative de me maintenir bien fort sous une botte de self-hatred.

Je me suis réveillée, saoule encore, au son de sa voix qui, comme une litanie, pendant une heure a enchainé tout ce qui ne va pas chez moi, tout en me proposant et un plan à trois et une date en bonne et due forme. 

J'en ai parcouru du chemin. Parce que tout cela a glissé sur moi aussi sûrement que sur une patinoire olympique. 
Pourtant, il y avait toujours ce besoin vif et vivifiant de chaos. De bousculer mon quotidien beaucoup trop chiant.

Et c'est là que les amitiés interviennent. Qu'une en particulier, qui a été sauvée par la peau du cou il y a quelques mois, entre en scène.

 Elle m'a secouée par les épaules et m'a dit "il ne te mérite pas". Des mots que je savais par coeur mais qui font tant de bien quand on les entend prononcés. 

Alors j'ai poussé la porte, il aurait pu être là, ou pas, ça ne change plus rien maintenant. Il fait parti de ma longue History of Wrong Guys.  

L'amitié en a remis une couche en m'invitant à passer une soirée loin du frein que j'avais à ronger. Loin des instagrams de l'autre à éviter. Loin de ma solitude. Loin du bar maudit, à deux pas, au-delà de la place. 

En toute innocence, je voulais me saouler une fois de plus, danser jusqu'au bout de la nuit.

Et puis deux yeux bleus sont arrivés.

Pas vraiment de nulle part, non. On s'était déjà croisés au détour d'une pizza écroulée sur le sol d'une cuisine. Une histoire brève, mais mémorable, qu'on se reraconte au détour de shots et de mouvements de danse un peu foutraques. 

Rien ne peut m'arriver, je n'ai d'yeux que pour une créature aux cheveux bleus que j'ai déjà réussi à hameçonner pour qu'elle rejoigne notre groupe sur les conseils d'une autre personne queer. Je ne me méfie pas du garçon. Car c'est ce qu'il est. 
Il a l'âge de ma nièce. C'est un bébé.
Je ne manquerai pas de lui répéter, encore, encore et encore. Il en fera une blague. S'en fichant sûrement comme de ses dents de lait qu'il n'a perdues qu'il y a trop peu de temps. 

Je ne sais plus ce qui s'est passé. Juste qu'il a tenté. Que j'ai trop peu résisté. 
Bref, c'est dans ses bras, sur le piste, que je me suis réveillée.
Lui écartant de moi le verre de trop. 

Des bras qui assument de m'enlacer en public, qui me font tournoyer, extérieur et intérieurement. 
Je voudrais garder l'instant figé. La musique dans l'air. La chaleur. Les mouvements. Ses questions sur mon bord politique, tout à fait incongrues et si pertinentes. 

Mais le temps avance, et dévore, inexorablement, les moments suspendus. Les baisers d'adolescents que je ne suis plus depuis presque 15 ans. 

Il se rhabille et m'accompagne dehors. J'aurais aimé que le froid et la neige nous entourent. Ca aurait beaucoup plus pittoresque. Mais il fait bon et ma chemise me suffit. On se met en quête d'un noctilien providentiel de la façon la moins efficace du monde. C'est à dire en suivant scrupuleusement google maps mais en s'arrêtant tous les deux mètres pour explorer nos bouches sur tous les trottoirs du 11e arrondissement, se plaquant sur des murs, des voitures, des poteaux et enfin, l'abribus tant espéré. 

La suite appartient à l'histoire. Je n'assumerai sans doute jamais tout à fait lui avoir dit à quel point il me rappelait le Christian de Moulin Rouge. 

Je me souviendrai, par contre, du coup d'éponge qu'il a mis sur ma vie sentimentalo-sexuelle, en étant tout l'inverse de son prédécesseur, en se comportant comme un homme, un vrai. Consentement & all. 

J'oublierai les yeux noirs et je me souviendrai des bleus. 
 









*René Duvillier, Viol de la Vierge, musée des Beaux-Arts de Lyon.











jeudi 8 décembre 2022

The stormy days ain't over



Il met une paire de grosses lunettes blanches sur son nez, comme une rockstar. 
Je passe ses cheveux derrière ses oreilles, comme s'il n'était pas une rockstar. 

C'est irréel.

Je suis avachie sur lui dans le canapé, pendant que ma pote baise son producteur dans la pièce d'à côté.
L'autre type de la maison de disque essaie de me faire rêver en brandissant le 06 de Pete Doherty et je dois lui faire une clé de bras pour ne pas qu'il l'appelle. 
Quelqu'un remarque l'étendoir à linge et les petites culottes de notre pote et la coloc du lieu et d'un coup, il est curieux de la rencontrer.
On a tenté de la réveiller en lui disant qui on avait péché, mais peu l'en chaut. 

On passe au lit. Je refuse les avances de Producteur 2 et je m'endors tout habillée, pas sûre de pas être déjà endormie.

Le lendemain matin, une fois que ma pote a enlevé sa langue de sa bouche et nous a laissé enfin seuls, pour la première fois depuis qu'on a échangé ce moment d'un autre monde à l'arrière du taxi, je ne pense qu'à moi.

Je transgresse toutes les règles que toutes les groupies se sont toujours fixées. 
Je déballe tout. 
C'est sale, mais je lui dis que sa chanson m'a aidé à prendre mon premier envol, quand je n'avais que 11 ans et que je m'apprêtais à rejoindre ma famille américaine de l'autre côté de l'océan. 
Je lui dis tout ce qu'il a fait battre de mon cœur. 
Je sais pas si je lui dis que ses paroles sont le mot de passe dont j'utilise des variations depuis 15 ans. 
Il secoue la tête, sans doute pour ne pas entendre. Pour rester un humain, après tout. 
Oui c'est dur, je brise un peu sa bulle de normalité. Mais moi, je n'aurai pas d'autre occasion (enfin, si, et je pourrai lui souhaiter notre anniversaire partagé, ce qui est quand même badass, je trouve)(mais à ce moment-là, c'est un all-in comme rarement).
Je pense qu'à ma gueule, et ça fait du bien.
De dire tout à l'artiste du groupe de ma vie. Je dis ça, je dis rien. C'est juste une vérité vraie, ils ont été là tout le temps et le seront toujours. De mon premier avion, aux années lycée, jusqu'aux rues du Havre puis aux appartements parisiens et oui, jusqu'à cette nuit au Truskel, ils étaient presque la famille.

Il ne faut pas rencontrer ses idoles, après, elles deviennent humaines, mais lui l'avait toujours été. Je ne l'avais jamais parfait dans ma tête. Je lisais mes livres trop compliqués en écoutant sa musique comme je discuterai avec un coloc faisant la vaisselle. Me réveiller à côté de lui m'a presque paru normal avant que la fan en moi ne prenne le relais. 

Non, ce qui a été compliqué c'est de lui trouver une place dans ma vie après
Il y a eu les grammys, son angine carabinée et sa cuite d'enfer, vécue par textos interposés avec un des mecs de la maison de disque. La gamine en moi était trop fière. La fêtarde d'une vingtaine d'années avait une nouvelle mini explosion de cerveau en les voyant sur son écran. 

Il y a eu les albums suivants, et toujours un sourire en coin en y repensant. Il y a eu des années où je les écoutais moins, où je ne les écoutais plus. Il y a eu ce Bataclan de Mac Demarco, où je l'ai recroisé et où il m'a reconnue sans me remettre.

Et puis il y a eu cette amie qui au creux de l'été m'a proposé une place pour un Olympia loin, loin dans le temps, mais un Olympia auquel je ne pouvais pas dire non.

Et je me suis retrouvée, à 34 piges, à le regarder depuis le parquet flottant, des grosses lunettes de soleil sur la gueule, les cheveux absolument pas derrière les oreilles, à jouer du clavecin pour son pote de toujours. 
Quelque part, une brique s'est ajoutée à notre histoire ce soir-là. Une brique que je vais m'empresser de ne pas étiqueter parce que j'ai passé l'âge. 

Il flotte, lui et ses potes, quelque part dans mon cœur, où il y aura toujours une place pour eux.