jeudi 26 juillet 2012

The Point of no return

Allongée sur la table de l'échographiste, je me concentre très fort pour ne pas remuer, pour ne pas faire de geste brusque ou pousser de petit cri.

20 minutes avant, à peine avais-je foutu les talons dans la salle d'attente que j'avais croisé son regard.

J'avais baissé les yeux, par réflexe. 
Blouse blanche. Franchement tanqué.
Mieux valait complétement tourner la tête. 

Je me suis présentée à l'accueil en priant pitié pitié pas le beau pas le beau pas le beau.

La litanie a continué tandis que, pour passer le temps, j'écrivais dans mon cahier de liaison avec Oscar Wilde. 

Et puis une femme a crié "JOHNSON !" et je me suis levée comme un seul homme. 

J'ai pensé : Yes ! Une femme, pas le beau !

Et me voilà, allongée sur la table du beau. Ils m'ont eu. C'était une secrétaire. Et c'est lui qui m'attendait derrière la porte. D'ailleurs il m'accueille avec un sourire en coin - ceux que je préfère. J'essaye de ne pas me focaliser sur ce qu'il est entrain de se dire.
Je m'allonge. Je prie Dieu, Bouddha et Bob l'éponge pour ne pas rougir, pour ne pas exploser, pour ne pas lui rouler une grosse pelle dire de connerie.

"Alors, racontez moi tout." euh... tout ? 
Je fais trois phrases. De ces phrases qu'on fait en s'entendant parler de l'intérieur. Comme si un étranger les prononçait. Comme lors d'une soutenance. D'un entretien d'embauche. Ou dans la dernière phase de la cuite, juste avant le point de rupture.

Je ne veux plus croiser ses yeux. Beer gooood boys baaaad.

Je vide ma tête. 

C'est donc un grand moment d'introspection, au propre comme au figuré, lui s'apprête à voir à travers moi et moi, je tente de faire pareil avec le plafond, couvert de tâches d'humidité qui, dans une telle situation, s'avèrent drôlement passionnantes. 

Je calme mon rythme cardiaque comme je le peux, surtout quand son bras se repose contre ma cuisse.

Il étale du gel sur mon ventre. 

Je pense à ma vie ces trois derniers mois. A tout ce qui m'a conduit ici et maintenant.

Je suis loin, loin, dans mon monde intérieur quand sa voix me parvient : "4 cm quand même !"

J'ai un sourire débile, mais seulement parce qu'il a commencé.

Il me montre l'écran, je ne discerne pas grand chose, on dirait un sismographe plutôt que l'intérieur de mon ventre mais, soit, s'il était témoin de Jéhovah ou qu'il voulait me vendre un abonnement à Sanglier Passion, je hocherais la tête en demandant "je signe où ?". 

Je me souviens des jolis docteurs de la salle de réveil, bien des années plus tôt. Je pense à Grey's Anatomy et aux Harlequin blancs de feu ma mamie. Je repense à tous les beaux garçons de ma vie et je réalise qu'ils n'étaient que jolis.

Il lève son bras, j'expire un bon coup, il a re son sourire en coin. 

"Voilà ce qu'on va faire..."

En boucle mon coeur, celui qui est un peu débile, matraque : beau beau beau BEAU beau beau beau BEAU. 

 J'ai 16 ans à nouveau. A un détail près.

Il commence à m'essuyer puis me laisse terminer. J'ai comme un moment de faiblesse. Je fuis littéralement. Mon pantalon et mes chaussures à la main. Je ne dis pas merci - parce que merde, hein, on dit pas merci pour ça.

Dans le sas, mon front se colle à la paroi du mur. Je rumine deux trois trucs en araméen, je crois. 

De retour dans la salle d'attente, c'est comme si la vieille en phase terminale n'avait jamais interrompu le récit de son cancer, et de sa rémission, et de sa rechute et de quel hosto était le meilleur et de ses chimio et ses 30kilos perdus en 4 mois. 

Le vieux à côté en est à son deuxième litre d'eau.
Je m'enfonce comme une kaïra dans mon fauteuil inconfortable. J'ai mal aux reins. Enfin non. J'ai appris la veille que les reins étaient vachement plus hauts que ce que je croyais.

Je fixe la reproduction d'un Jackson Pollock en attendant qu'une femme hurle "JOHNSON." et me soutire 80 euros. 

Je repense à mon arrivée dans la salle d'attente, à quand j'ai rempli mon dossier en prononçant très distinctement les 10 chiffres de mon numéro de portable, et qu'il écoutait d'une oreille attentive. 

Je me vois lui demander "c'est une bonne position ça échographiste ?"

La dame me hurle "JOHNSON." et me soutire 80 euros.

Je sors. Il fait 33°. Aujourd'hui j'ai 24 ans et 4 mois. Bientôt 3 mois que je suis célibataire. 8 ans que je n'ai plus 16 ans. Et je ne suis, en fait, différente que de 4 cm.

 



samedi 21 juillet 2012

After hours

Où que j’aille, quoi que je fasse, je n’arrive pas à fuir cette histoire comme j’ai pu le faire avec d’autres. Et j’ai enfin compris pourquoi.

Les informations qu’on m’apporte sur l’ex sans que je demande quoi que ce soit sont toutes mauvaises.
Mauvaises pour moi, mais surtout - et ça me fait horriblement chier que ça me fasse chier - mauvaises pour lui.

J’ai pu fuir et couper toute connexion avec des personnes par le passé, car, la plupart du temps, ils avaient largement dépassé les bornes, et, généralement, c’était après moult essais de rabibochages, des efforts, souvent unilatéraux, mais des efforts quand même. Des relations en bout de course dont il ne restait plus rien de bon à prendre.

J’ai pu fuir et couper net des relations parce que, aussi, je n’en avais plus rien à foutre.

Je l’ai souvent répété, mais la rupture idéale aurait été une séparation au carrefour de nos vies, où on aurait avancé chacun de notre côté. Maintenant, je sais que ça ne serait jamais arrivé.

J’aurais plus facilement accepté la fin en sachant qu’on allait être très heureux, ou du moins, très occupés à nos projets, à nos choix de vie.

Si je suis au fond du trou et que je parviens chaque jour à creuser un peu plus loin, je n’ai pas l’impression que sa position soit plus enviable.

Ca aurait été tellement plus pratique pour moi, que tout lui réussisse. J’aurais pu le maudire en paix. Mais là, au fond de moi, j’ai juste un profond malaise.

Ce réflexe de vouloir aider les gens perdus, surtout quand ils sont proches de moi, semble s’appliquer inconsciemment à lui aussi.

Bien sûr, loin de moi l’idée de lui pardonner. Mais, j’aurais beaucoup mieux vécu tout ça en sachant que jouer à « HULK ! SMASH ! » avec mon cœur l’avait, au moins, rendu plus heureux.

mardi 17 juillet 2012

Let your mind start to journey through a strange new world

(Beware : moults private jokes inside)

Dans tout pile 2 mois je serai à nouveau au chômage, et, quand je pense à mes retrouvailles avec Pôle Emploi, ça donne à peu près ça :

_ Vous cherchez dans quelle branche ?
_ L'opéra.
_ Et plus exactement ?
_ Phantom de. 
_ C'est quel code métier ?
_ Cherchez dans les 666. ...ou entre "Ghost Busters" et "Portier à la maison hantée de Disneyland".
_ Et quelles sont vos qualifications ?
_ Alors tout d'abord, j'ai eu une enfance très malheureuse, ce que j'estime être indispensable pour le poste, l'adolescence a été encore pire, et ma vie d'adulte commence pas mal mal aussi. Que dire de plus ? Oui : j'ai l'habitude de coacher artistiquement les jeunes gens qui me plaisent physiquement et qu'ils se barrent après avec le premier joli-coeur venu, ça aussi, je pense, c'est primordial. Je n'ai rien contre les cordes à noeud et je suis capable de faire tomber un lustre sur une assemblée de bourgeois blasés sans trop de remords.
_ Je vois que la moitié de votre visage n'a jamais brûlé ou connu de jets d'acides, ne pensez-vous pas que ce sera un handicap dans votre future carrière ?
_ Ah non mais le masque c'est juste pour le swag en fait. C'est pour faire peur aux gosses, toussa.
_ Avez-vous votre permis barque ?
_ J'ai beaucoup ramé oui. Et dans plein de secteurs.
_ C'est une voie très bouchée, vous savez.
_ Moins que l'amour et l'édition.
_ Bon, j'ai bien un poste vacant depuis les années 20. 
_ A l'opéra Garnier ?
_ Celui-là même. Par contre l'uniforme ne sera pas à votre taille.
_ J'amène ma propre cape : j'ai été vampire pendant 17 ans.
_ Vous avez lu le manuel ?
_ Oh oui, je connais bien Leroux.
_ Avez vous hanté de célèbres édifices parisiens au préalable ?
_ Je ne sais pas si les bars comptent, mais sinon, oui, les cimetières généralement, vous n'avez jamais entendu parler de moi ? "Le bossu de Notre-Dame", "Le Fantôme de l'opéra"... "La Johnson du Père-Lachaise."
_ Euh non.
_ Ah bon. Mais j'ai un blog qui est lu par au moins 30 personnes, je comprends pas.
_ En même temps c'est mieux que vous soyez inconnue, rapport à l'anonymat et au mystère de l'emploi.
_ Et avoir le coeur brisé avant d'entrer en poste, ça posera problème ?
_ Oh non, ils sont fracassables à l'infini, c'est bien pratique d'ailleurs !
_ Je pourrais commencer quand ?
_ Ah mais dès maintenant. La période d'essai se terminera le 21 décembre prochain.
_ Pourquoi le 21 décembre ?
_ C'est confidentiel.
_ Oh, ok. Et pour le contrat ?
_ Signez là, une croix à l'envers, de votre propre sang s'il vous plait.



lundi 16 juillet 2012

Wickedness must be punished


Ce qui a inspiré Notre-Dame de Paris à Hugo est une simple inscription, Anarkia, sur un des murs de la cathédrale. Il l'a traduit par "Fatalité". 
Depuis que j'étais gamine, me baladant toujours avec mon exemplaire sous le bras, je voulais y aller et essayer de retrouver cette inscription comme si ma vie en dépendait (il s'avère qu'en fait c'était probablement une pure invention d'Hugo).

Je suis monomaniaque.
Ce n'est un secret pour personne. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.

J'essaye d'identifier mes obsessions et les schémas associés que je répète inlassablement, histoire d'arrêter d'être malheureuse sans même l'effet de surprise qui va avec.

Quasimodo. Elphaba. Le Fantôme de l'opéra :
Bonsoir, je m'appelle Johnson et je suis persuadée d'être un monstre incompris.

Entre le premier ex qui m'a dit que j'étais tellement manipulatrice que je lui ai retourné le cerveau jusqu'à lui faire croire qu'il m'aimait.

Le second qui ne m'a carrément jamais assumée et qui ne me voyait que chez moi/nous.

Et le dernier qui a réalisé un peu trop tard mais beaucoup trop tôt ce que j'étais et qu'il n'en voulait pas... 

Tous ces traumatismes ont, bien entendu, été entrecoupés par des passions à sens unique aussi déchirantes que débiles profondes, sinon ce serait encore trop simple.

Le rejet est ma véritable monomanie - et non l'amour. 
Mais, pour être avec quelqu'un, il faut prendre le risque d'être rejeté.

J'ai écris tout un roman sur une fille ne supportant pas d'être seule (au sens propre : elle avait des accès de violence à chaque fois qu'on la laissait) où on la suivait après une rupture.

J'ai longtemps été persuadée de ne pas être aimable. Ou pas en l'état. Et le fait que le Tinman m'ait préféré quand je jouais le rôle d'une connasse sans coeur ne fait que rajouter de l'eau à mon moulin.

Il y a eu une évolution, tout de même : si au début je pensais que c'était physique (comme Quasi et Elphie), j'ai réalisé (il n'y a pas si longtemps) que ça n'était pas le cas. Je ne suis pas digne des canons actuels, mais je me conviens. Et j'ai plu à assez de garçon que j'estime pour savoir que ce n'est pas le problème. 

Beaucoup de gens se demandent pourquoi je dis tout, tout le temps, ici, sur twitter, dans la vie. 
Mon honnêteté est simple : c'est un avertissement aux gens qui voudraient de moi. Je leur dis clairement "je suis ça" pour ne pas qu'ils se plaignent après. Pour ne pas qu'ils se sentent manipulés. Pour ne pas qu'ils me cachent. Pour ne pas qu'ils rebroussent chemin. 

L'échec avec le Tinman en est d'autant plus cuisant et insurmontable. 

Ca a été le plus immense rejet de toute ma vie, parce qu'on ne se connaissait pas, et qu'il est parti dès que j'ai été moi. Parce que j'ai été moi. 

Je suis bientôt au chômage d'un métier fait de rejets, autant vous dire que l'automne prochain va être fun fun fun

C'est aussi pour ça que mes amis sont tout pour moi : ce sont ceux qui, par définition, ne m'ont pas rejetée. 

Le souvenir du texto envoyé à ma meilleure amie quand je suis sortie avec le Tinman me revient régulièrement. Je ne lui ai pas dit "Ayé j'ai un copain" mais "Il veut de moi !", avec presque autant d'étonnement que cette autre amie qui pensait vraiment, quand je lui ai annoncé avoir passé la nuit avec un garçon, que je parlais d'un énième de mes amis gays.

Et quand on voit pour qui, pour quoi, pour quel idéal, pour quelle tranquillité, les gens nous rejettent... Rien ne fait sens. 

Pour leur propre bien.
Pour leur image.
Pour leur passé généralement. 

Comme ce sera le cas quand je dirai non au prochain qui voudra mon coeur : parce qu'on mon passé m'aura entraîné dans le cercle vicieux du rejeté rejetant. Mais moi, quand je rejette, je le fais tout de suite : être entretenue dans mon espoir est toujours ce que j'ai subi de plus cruel.

I thought I told you to breathe when you're going through a star-crossed memory, look what you've done to me...
I thought I told you to breathe when you're going through a star-crossed memory, don’t laugh when you lie to me !
It’s no wonder… we're so easy…






jeudi 12 juillet 2012

This is what you get when you mess with us


C'est la première fois de ma vie où j'ai été heureuse.

Vraiment heureuse.

Alors je me pardonne d'être aussi perturbée.

Bien sûr, j'ai eu des moments de joie intense, souvent liés à des backstage de concerts et à mes rockstars. Parfois au football (si). Souvent à mon chat. La plupart du temps induits par un mélange d'alcool et de musique.

Mais voilà. Ca se résume à ça.

Je n'avais jamais connu ce sentiment de vivre au jour le jour, sans que rien n'importe vraiment, les ennuis au boulot n'existaient plus, mes problèmes de santé de janvier me semblaient bien loin, je me foutais de l'avenir et de tout ce qui allait plus loin de quand j'allais le revoir. 

Et le pire, c'est que j'ai toujours su quelque part en moi que je ne serai jamais heureuse seule. Je vis plus facilement seule, mais pas plus heureuse. Et je n'aime pas spécialement les choses faciles. 

Ca me fait bien chier de le réaliser maintenant. Maintenant, je sais que l'amour a totalement changé de sens de nos jours, et que, s'il existe sans doute toujours, il n'a plus grand intérêt. Du moins, pour moi. 1 mois de bonheur par ci, par là, pour 3 mois de profonde tristesse, haine & dégoût.

Je ne sais pas ce qui vaut mieux. Je sais juste que voir les gens autour de moi passer d'un lit à un autre en ne sachant même pas qui est la personne en face me rend implacablement triste. 

Je sais aussi que je ne donnerai plus jamais sa chance à un garçon comme j'ai pu me livrer avec l'ex. 

Je me retrouve donc dans le no man's land des relations humaines. Celui des one night stand mais pas des plans cul (et encore moins réguliers)(l'hypocrisie de ce système n'en finira pas de me faire fulminer). 
Enfin... c'est de la jolie théorie. Si l'ex s'est empressé de festoyer et de se vanter un peu partout quand il roulait des pelles à des inconnu(e)s, moi, je suis au point mort de la choppe.

Je suis revenue à la Johnson qui grogne presque quand un garçon l'approche. Car, oui, on m'a draguée, et j'ai même dragué, mais sans envie, sans passion, sans volonté, presque mécaniquement.  Mais quand on a connu un hôtel 5 étoiles, on n'a pas forcément envie de s'enfermer dans un motel miteux.

Je suis à nouveau celle qui a son radar à connards réglé sur la sensibilité maximum et qui voit ses copines se les taper sans comprendre pourquoi. Comment. Et surtout, moi, pourtant antiféministe par excellence, je ne comprends pas comment on peut encourager un mec qui a un comportement de connard en lui cédant sexuellement. On lui montrant qu'en agissant comme ça, il obtient ce qu'il veut.

Comme je ne pardonnerai jamais à mon ex d'être quelqu'un d'aussi bien et d'avoir agi comme un connard sans coeur au moment de notre rupture. Et c'est aussi pour ça que je ne laisse pas tomber, s'il avait voulu une rupture tranquille, qui se passe bien, il fallait s'en donner les moyens. Donc je vais continuer à en parler et à faire ma connasse en espérant (avec beaucoup d'illusions) qu'il retienne la leçon et qu'il largue la prochaine avec un peu plus de franchise, de ménagement et de face à face.

Point WWWASD (WhatWouldWeAreScientistsDo) : If you're the nice guy, act like the nice guy.

Mais, malgré ma désillusion de l'amour, je suis tout de même très fière de n'avoir rien perdu de ma morale moyen-ageuse. De mon respect envers moi même (délirant quand on sait combien je peux me haïr parfois). De ne pas être devenue la traînée de service pour oublier un garçon.


mercredi 11 juillet 2012

Those demons, the silence, you’ll learn to block them

[Je ne peux regarder There are no innocent bystanders qu'une petite dose à la fois]

La plupart des gens autour de moi ne comprennent pas ma réaction post-rupture. 
Sa longueur. Son intensité.

C'est parce que la plupart des gens autour de moi ne me connaissent que depuis très peu de temps. Pas assez, en tout cas, pour m'avoir vu avoir une crise de panique. Or, c'est le seul moment où ils sont confrontés avec ma "maladie", avec le côté "incontrôlable" de la situation. 

Généralement ils se disent que je suis très sensible, que je grossis le trait, mais ne s'inquiètent pas plus que ça. Et puis, quand ils me voient enfin recroquevillée dans un coin, le visage tordu, muette et incapable de respirer : ils ne peuvent plus se mentir. Ils sont amis avec quelqu'un de malade, d'imprévisible et de faible. 

Ce n'est pas facile à assumer.

J'ai perdu des gens à cause de ça, pas de vrais, bons amis, certes, mais depuis je n'en parle plus, à personne. 

Et donc, je n'en ai pas parlé au Tinman... Jusqu'au jour où je lui en ai parlé. 

D'abord un peu, et c'est ce qui lui a fichu la trouille, et puis clairement, avec les détails techniques. 
Il m'a plaquée 24h après. 

Comme nous n'en avons jamais discuté, je ne saurai jamais quel rôle a réellement eu cette révélation.

Mes amis ont tendance à me caser "dépressive" un peu vite. Je ne crois pas l'être : je l'ai été, longtemps, fort, puissamment. Ma dépression était un long tunnel noir, toujours égal, sans rien pour l'éclairer, jamais. 

Je ne suis pas dépressive car j'arrive à sourire, à sortir, à voir des gens. 

Je suis juste putain d'hypersensible, et il me faut mille fois plus de temps pour me remettre de tout. D'une simple bousculade dans le métro à un rendez-vous annulé à la dernière minute. 

Je suis l'homme de verre des sentiments : une simple tournure de phrase peut me provoquer une angoisse persistante.

Les gens pensent que ma réaction n'est pas "normale", mais je m'attendais à peu près exactement à ça. J'avais d'ailleurs prévenu un peu tout le monde : il ne faut pas qu'il me quitte avant New York. Ils me disaient "mais si ça va te changer les idées". 

On ne peut pas quitter quelqu'un dans mon état alors qu'elle s'apprête à se couper de tous ses repères, de ses "personnes", de ses médecins.

Je n'ai parlé de New York à personne.

Je n'ai parlé de New York à personne car, la vérité, c'est que j'ai failli ne jamais revenir de New York.

Mon retour à Paris, les repères brouillés, la vie qui avait continué, mon décalage par rapport à la réalité, a fait sortir tout ce que j'avais à dire, tout ce que je pensais, tout ce que New York a cadenassé : on m'a dit, samedi, que cela avait été interprété comme un "pétage de plomb.".

Non, c'était très sain. Plus sain que mon silence borné, mes sourires de façade et mon jeu parfait de la fille qui se remet.

Et, tout comme la dépression, j'ai connu des pétages de plomb : j'ai ravagé mon appartement Havrais quand j'ai appris que le garçon que j'aimais s'en était tapé une autre, alors que je dormais à l'étage, et que tout le monde savait depuis 15 jours, sauf moi.

A l'époque où je n'avais qu'une seule amie et qu'elle m'a annoncé, après un été à me jurer qu'elle était ma best friend forever, qu'on était juste "potes", pas amies, et que sa meilleure amie était une autre, j'ai pris son sac à dos et je l'ai balancé dans les escaliers, et j'aurais souhaité très fort qu'elle y soit accrochée, au sac à dos, croyez moi.

J'ai à moitié assommé un garçon quand je l'ai vu avec une autre, quand j'ai compris, quand cette meuf m'a toisé avec un air vicieux et lui a glissé à l'oreille un truc salace assez fort pour que je l'entende quand même. Ma main a écrasé la joue du garçon qui a valdingué sur la tête de sa copine qui elle même s'est pris un mur. Et après, c'est moi que j'ai jeté dans les escaliers. 

Donc oui, je sais ce que c'est qu'un pétage de plombs. Je pète les plombs quand on ne me dit pas les choses, quand je les apprends après. Quand je les apprends mal. 

Mon pétage de plomb aurait pu avoir lieu quand mon ex a joué à Confessions intimes avec un type qu'il détestait, un "pote" à moi dont il pouvait être sûr qu'il allait tout me répéter. Lui révélant à lui ce qu'il n'avait pas osé me dire à moi. Ce qu'il ne me dirait jamais. Le pourquoi ? qui m'obsède tant.

Mais samedi, on m'a aussi dit que je ne saurai jamais pourquoi, et qu'il faudrait m'y faire.

Sauf que, les personnes saines peuvent s'y faire. Moi, pas vraiment. 

Je pense qu'à 88 ans, quand j'aurai oublié mon propre nom, je me souviendrai toujours de ce mot : "pourquoi ?"



lundi 9 juillet 2012

What would We Are Scientists do ?

[Oui, c'est très, très, très mauvais signe quand je n'écris plus pendant un long moment ici en temps de crise, mais rassurez vous : tant que j'aurais ça autour du bras, tout ira.]

Mon coeur est le demeuré consanguin de mon corps.

On a tous nos faiblesses et nos forces, et si mon cerveau est un produit high tech dont je n'ai jamais eu à me plaindre, mon coeur, lui, est profondément débile.

S'ils interviennent dans ma vie de tous les jours, c'est quand je suis au repos qu'ils se font omniprésent, et ça se passe à peu près comme ça :

_ ..............
_ Hey, Johnson, tu dors ?
_ Non Cerveau, pour ça il faudrait que tu fermes ta gueule.
_ Ouais, non mais faut qu'on fasse quelque chose pour Coeur là, il déconne à fond les ballons.
_ Genre ?
_ Ah bah attends, tu vas voir.
_ Hey ! Vous dormez pas ?
_ Grâce à vous, non.
_ Il est où le garçon ?
_ What ?
_ Like I said.
_ Le garçon, il est où ?
_ Il est parti, Coeur.
_ Non mais il comprend pas, hein.
_ Il est parti où, il revient quand ?
_ Il est parti parti. "Parti" entre le "il est mort" parti et le "est-ce qu'on est sûrs qu'il a vraiment existé ?" parti.
_ ...Et on sait que t'es tombé en rade juste après le mail de rupture mais quand même, les playlists de chansons cheesy qu'on s'est enfilés depuis auraient pu te mettre sur la voie...
_ ....
_ Ca va aller ?
_ Je lance les larmes ou pas ?
_ ...Il est où le garçon ?
_ Avec tout plein de radasses, je suppose.
_ Mais nan mais nan, on a de meilleurs goûts que ça en matière de mecs, Johnson.
_ C'est quand la prochaine fois qu'il vient le garçon ?
_ Quand son fantôme sera coincé par sa culpabilité entre ce monde et le prochain.
_ Écartelé entre deux trolls alors que j'aurais dû être prix Nobel à 20 ans. Non mais VRAIMENT ?
_  Je l'aime bien le garçon.
Non : on aime les chats, la musique et l'alcool et notre bonheur ne dépend pas d'autrui.
_ On aime Modigliani, Wilde & Alexandre le Grand, on n'aime pas les petits bourgeois insensibles blasés de l'amour.
_ Je veux pas un autre garçon.
_ Ah bah moi je veux bien un vendeur Abercrombie&Fitch, maintenant qu'on en parle.
_ Je pense que ce n'est pas sérieux de continuer à fréquenter quelque garçon que ce soit, nous avons mieux à faire : écrivons un roman.
_ Il nous aimait le garçon.
_ Mais bien sûr.
_ SI.
_ Putain mais t'es aveugle et sourd en plus d'être con ?
_ SIII !!!
_ J'ouvre les vannes ?    
_ Ouais, je l'entendrai moins.
_ Je m'en fous j'aimerais plus personne de toute notre vie.
_ C'est ça et dans deux ans on est reparties comme des cons à aimer le premier qui nous aimera pas. J'avoue que là question unilatéralité on a battu des records, mais je pense qu'on peut encore aller plus loin dans la connerie relationnelle.
_ On n'est PAS cons.
_ C'était bien avec le garçon. 
_ C'était faux.
_ C'était pas vrai.
_ C'était comme ça sera jamais plus.
_ Ouais. 
_ Ah ça...
_ ...
_ Je ferme les vannes ?
_ Jusqu'à demain.
_ Bonne nuit les copains.
_ Fais gaffe aux rêves que tu m'envoies, Coeur. Je te surveille.
_ Reposez vous vraiment pour une fois, sinon j'éteins le courant pour de bon.
_ Même pas cap'
_ Oh bah non, ils vont être tristes les gens et...
_ ZZZZZZzzzzzz