dimanche 23 octobre 2022

[Nola - IV] Whoever you are, I have always depended on the kindness of strangers

 

Ce qui m'a tant plu, à Nola, c'est de me sentir hors du temps. Aux USA mais entourée d'Histoire qui remonte à plusieurs siècles. A me faire adresser la parole dans la rue par des gens juste parce qu'il y avait un arc-en-ciel derrière nous, comme si tout le monde avait tout le temps du monde. On dirait le sud, I know.

Et quoi de plus sudiste que le bayou ? Nous sommes parties à la chasse aux alligators en prenant l'option tranquille, c'est à dire la barge tranquille par rapport aux AirBoats rugissants. Quelque part, je me disais qu'ainsi on verrait plus de tortues, d'aigrettes et autres oiseaux, et surtout, de gros crocos.

Dans notre hôtel, il y avait foultitude de brochures pour nous vendre des expéditions, excursions et autres dans les tréfonds de la Louisiane et je dois avouer que j'avais un peu peur d'avoir attiré Chick dans un traquenard quand j'avais fini par abandonner mon benchmark et opté pour l'une des compagnies.

Force est de constater qu'au final, on a eu un des guides les plus épatants (wesh, il est même cité dans le générique de La Princesse et la Grenouille)(hi, Régie, si tu passes ici).

 

Non content de faire venir les Gators en les appelant à la voix (et en français dans le texte !), il fait monter en flèche le taux de diabète chez eux en leur lançant des Marsmallows. C'est ainsi qu'on peut voir les bestioles tout près du bateau. C'est l'animal qui décide de venir ou non et ainsi on n'a pu voir une bonne demi douzaine d'entre eux.

Mais Regie gardait le meilleur pour la fin, dans une glacière, et non, je ne parle pas d'une bonne Coors Light mais de ce petit animal trognon qu'est un bébé alligator.







Je vous épargne la photo de moi tenant le baby dans les mains et de mon sourire extatique, mais elle existe ! 

Je ne suis pas née de la dernière pluie, et je sais bien où finira Baby - dans les assiettes et en sac à main, mais pouvoir l'approcher de si près m'a assurée encore plus qu'au moins ces industries ne passeraient pas par moi.
(Je tiens à dire qu'on ignorait totalement que Regie allait sortir Babygator de son placard lorsqu'on a réservé l'excursion).


Nous avons aussi joué le jeu de la gastronomie, qui existe bel et bien ici, j'insiste. C'est un des rares coins des USA où il y a presque autant de restos que d'habitants et les Néo-Orléanais prennent très à coeur leurs repas.

D'abord le petit-déjeuner, là-bas, la moitié des restos étaient des restos de petit déj, ouvrant à 6h et fermant à 15h, spécialisés dans les oeufs, les french toasts, les pancakes et les beignets (on y reviendra), on s'est régalé avec Chick tant les produits étaient frais, la plupart du temps bien dosés et servis avec chaleur humaine et sourire omniprésent (aaaah le paiement au pourboire !) 

Pour la nourriture du midi et du soir, plus compliqué pour la végétarienne que je suis, même s'il y avait toujours au moins une option, parfois je tombais sur les énièmes pâtes sauce alfredo ou un erzatz de truc pas végé imité sans être égalé. Bien sûr, j'ai souffert du "trop salé" compensé par les boissons botomless (franchement, on devrait importer le système dans notre pays de soiffards). 

Dans mes coups de coeur : le gumbo vegan, de la vraie soul food qui tient au corps, cette soupe de légumes incarne le Sud et ne saurait être imitée. 

Chick n'a pas tenté la saucisse d'alligator (et je la comprends) mais a multiplié les po-boys et autres plats à base de crawfish ou encore le fameux jambalaya (plat à base de riz épicé). 


Mais la vraie spécialité de Nola, ce sont les beignets servis chez Café du monde que nous n'avons malheureusement pas pu tester tant l'endroit est pris d'assaut, à la place, on a beaucoup - mais alors beaucoup - fréquenté les concurrents direct : Café Beignet, puisqu'il se trouve que notre hôtel avait des brochures offrant des café au lait (l'autre spécialité) gratuits et que je suis un gros rat. 

En plus y avait des chats. Ou de la musique live.


On reparlera musique dans le prochain article consacré à... la culture !




jeudi 20 octobre 2022

[Nola - III] A Streetcar named Desire

 

Pour aller et venir en dehors du Vieux-Carré, il convient de prendre le plus vieux tramway du monde, non pas celui nommé "Desire" et qui n'existe plus, mais celui nommé "St Charles" et qui vous mènera du côté ouest, à travers les quartiers bourgeois bordés des attractions touristiques. 

C'est une véritable plongée dans le passé où le temps s'arrête. La modernité rencontre la tradition quand nous montrons nos pass une journée sur nos smartphone à un chauffeur obligé de redémarrer manuellement son engin quand celui-ci pète littéralement un plomb.

C'est l'occasion pour nous de discuter avec des gens du cru même si on ne pige pas toujours l'accent sudiste mâtiné de créole ou cajun, c'est selon. 



On se laisse porter la première fois pour parcourir Garden District, d'abord au nord de St Charles vers St Louis cemetery #3 puis au sud, vers les résidences d'Anne Rice, Lafayette Cemetery et The Rink, un centre commercial bâti sur les restes d'une patinoire, qui vaut le détour, autant pour son coffee shop paisible que pour sa librairie très bien foutue.


Au retour, c'est une autre sorte de plongée dans le passé. Il se trouve que la Nouvelle-Orléans est le domicile du musée national de la seconde guerre mondiale, c'est à dire un groupement de bâtiments immenses, capables de contenir à la fois une barge du Débarquement et des avions d'époque. 



Une belle gifle dans la figure comme savent si bien le faire les américains quand il s'agit d'entertainment. Mais aussi l'occasion de plonger dans une propagande bien éloignée de la nôtre, où les camps de concentration édifiés sur le sol US pour y emprisonner leurs ressortissants d'origine japonaise ne sont qu'un "détail de l'histoire" et où, selon eux, les détenus des camps de concentration libérés auraient tous crié "gloire à l'Amérique". 


Clairement, ce n'est pas très glorieux d'être français, et l'expo géante ne fait quasi aucune mention de la résistance, des FFL ou d'autre chose que "ils se sont laissés marcher dessus et se sont mis dedans tous seuls".


Bref, c'était intéressant, mais il faut avoir un socle de connaissance bien en place pour ne pas être complètement perdu face à la réappropriation de l'Histoire, notamment dans le film en 4D commenté par Tom Hanks qui passe une vitesse supérieure dans la réécriture et le côté "America First".


C'est toujours grâce au tramway magique que nous nous rendons au charmant parc Audubon dans le but de rejoindre le Zoo du même nom. Le parc est en fait un immense golf en plein milieu de la ville qui sert également d'abri pour oiseaux de toutes sortes et d'écrin pour un arbre multi centenaire surnommé "The Tree of life".





Le zoo en lui-même, est surtout remarquable pour sa reconstitution du bayou et son alligator albinos, autres parties notables : la naissance récente d'un bébé orang-outan en plein âge des conneries qui vous divertira plus que la moitié des comiques français, et un tigre de Sumatra opiniâtre qui vous regardera droit dans les yeux avant de vous feuler dessus.



[Ceci n'est pas une réplique en plâtre défraichie, c'est un vré]





Concernant le bayou, nous n'allions pas aller en Louisiane sans y mettre les pieds, mais ce sera pour la prochaine fois !












lundi 17 octobre 2022

[Nola - II] Evil is always possible.

 

[ And goodness is eternally difficult]

J'ignore quand a commencé ma passion pour la figure du vampire, mais ça remonte à très loin. Bien avant que je découvre Anne Rice, Richard Matheson, Stoker and co. Bien avant que j'en fasse mon sujet de mémoire de fin d'étude. 

Déjà, au collège, pour chasser les affres d'une vie aussi bien chahutée chez moi qu'auprès de mes "camarades", j'écrivais une série de romans vampiriques.

J'ai toujours été fascinée, mais je ne saurais pointer du doigt quelle oeuvre fut révélatrice pour moi. 

C'était plutôt quelque chose d'intangible, de flottant, une créature qui a toujours existée et qui existera toujours. 

Ma bibliothéque vampirique, loin d'être exhaustive, est quatre fois plus grande que ma bibliothèque féministe, ou que celle où je range mes classiques de la littérature "blanche". 

Mais quel est le lien avec la Nouvelle-Orléans ? 





Hé bien, les vampires y sont partout. Et je ne saurai dire qui a précédé qui, entre les héros des Chroniques des vampires d'Anne Rice et ceux peuplant le folklore déjà bien ancré dans la région, mais pas une rue ne passe sans qu'un magasin ou une échoppe ne fasse mention des vampires.

Tous les bookshops ont leur rayon "vampires, ghosts & other creatures". Ils sont bien plus présents que n'importe quelle autre figure, même celle de la sorcière pourtant associée très fort au Voodoo, à New Orleans et à Anne Rice également. 





Quand j'ai eu 15, 16 ans, il est devenu évident, pour moi, que je devrai aller à New Orleans, me rendre compte pas moi-même de tout cela. Visiter la maison d'Anne Rice, qu'elle ouvre au public et à ses fans, visiter le cimetière Lafayette #1 où nombre de films vampiriques ont été tournés... 




Oui mais voilà, les USA, c'est loin, c'est cher et ma stabilité mentale étant mise à rude épreuve quand je voyage seule, je ne voulais pas m'y aventurer en solo. C'est alors que Chick est arrivée et a rendu tout ça possible.



Chick est beaucoup de choses, mais pas une magicienne, et je savais en mettant les pieds dans l'avion que mes rêves d'ado seraient quelque peu mouchés - par la récupération capitaliste des mythes, avant tout mais aussi par un détail fâcheux, la mort de celle qu'on aurait pensée invincible, la si grande Anne Rice.



Voici deux de ses maisons dans Garden District, la première étant celle qu'elle ouvrait au public. J'ai pu aussi visiter la librairie où elle venait dédicacer ses livres en se faisant transporter dans un cercueil. Ici, bien loin de la remiser dans le rayon "tourisme" ou dans un obscur rayon fantastique bien poussiéreux comme dans le meilleur des cas en France, toutes les librairies la mettent en avant comme une autrice ayant changé la face de la littérature, au même titre que Faulkner ou Tennessee Williams. 

J'en vois déjà se gausser devant leur écran. 
Et je vois les autres, ceux qui savent. 





Nous avons choisi la saison de Halloween pour en avoir encore plus plein les yeux et aussi parce que nous espérions une météo douce. Résultat, nous avons eu une temps de plein été, chaud, humide et doux la nuit avec des décos tout autour de nous et des voisins qui rivalisent d'ingéniosité pour se faire remarquer. 




Pas de chance non plus du côté du cimetière mythique de Lafayette, dont nous n'avons pu faire que le tour de l'extérieur, celui-ci est fermé depuis quelques lustres sans date de réouverture annoncée. Heureusement, ce ne sont pas les cimetières qui manquent et, pour me consoler, Chick m'en a laissé faire pas moins de quatre. Dont le dernier, celui de Metairie, qui clôturera notre séjour pour aller rendre un ultime hommage. 





C'est ainsi que nous avons parcouru les allées de St Louis #3, une cimetière perdu dans les quartiers nords d'Uptown, où les rues bourgeoises cèdent vite la place à des rues abandonnées, en voie de gentrification, où toute vente se paie cash. 











C'est une cimetière quasiment laissé à l'abandon, où les édifices semblent au mieux branlants au pire sur le point de s'avachir sur nos petites têtes brûlantes du soleil qui tape, tape, tape.




Autre quartier, autres moyens. Il faut débourser pas moins de 25 dollars pour pénétrer l'enceinte de Saint Louis #1 qui fait la jonction entre le French Quarter et Tremé. Notre guide nous fait le tour à la hâte et nous avons à peine le temps de nous arrêter pour nourrir le chat des lieux, Esmeralda, que la visite est finie.

Ci-gira Nicholas Coppola dit Cage qui a racheté à coup de gros billets le caveau familial originalement présent à cet endroit pour y construire le sien, en toute modestie. 











En ai-je eu pour mon argent, pour mes espérances d'ado clôturée en Normandie rêvant d'ailleurs glauques et sanguinolents ? Je dirais oui et non. La figure vampirique, surtout en période d'Halloween, est une excuse pour faire du business. La plupart des légendes racontées sont enflées et montées de toute pièce pour satisfaire les touristes se pressant toujours plus dans les tours guidés qui font frissonner. Pour le côté gothique authentique, mon regard se tournera toujours vers Prague, et ses rues embrumées d'où pourraient surgir à tout moment un Golem en furie. Mais j'ai quand même touché du doigt des éléments qui viennent combler le patchwork de mon territoire mental. J'ai rajouté des pièces au puzzle de mon imaginaire et j'ai compris pourquoi un tel endroit avait donné de telles oeuvres.

Car New Orleans est aussi rien de moins que le berceau du Jazz (malheureusement, c'est un genre qui ne m'a jamais séduite), mais aussi d'autres grandes œuvres sudistes.



Mais ça, c'est une autre histoire.



[Je ne le fais jamais mais instant pub, si vous ne l'avez pas déjà, jetez vous sur Vampirologie l'ouvrage d'Adrien Party, le créateur et rédacteur principal de Vampirisme.com]