[@BentonConnor]
Je n'aurais jamais pensé qu'un jour il serait statistiquement possible que je meure dans un attentat.
Ca a du mal à entrer dans mon cerveau.
Et pourtant, croyez-moi, il a des années d'entraînements quand il s'agit de penser à des trucs morbides.
J'ai eu 16 ans. Des seize ans gothico-emo où Daria Morgendorffer était mon icône. Je n'ai découvert la joie de vivre qu'à 24 ans (et c'était en Hongrie, au Sziget festival).
Avec une amie ayant eu le même parcours de vie, on se demandait si ce que nous traversons était plus "facile" pour nous. Etant donné qu'on a toujours vu la mort comme quelque chose de là, de pleinement là, qui fait partie de nous, de nos vies et qui est presque... un compagnon.
Quelque part, les pensées suicidaires avaient ça de positif (si !) qu'elles me redonnaient possession de ma vie. Ce qui me paniquait, c'était l’inéluctable. Que le temps passe sans que rien ne change jamais vraiment, en tout cas pas en mieux. Que ma vie se résume à subir, pour toujours.
J'ai grandi, je suis devenue indépendante, je le suis pleinement, et plus que jamais aujourd'hui.
Et c'est grâce à la liberté d'expression, aux concerts, aux bars, aux feux d'artifice et même, si on y réfléchit, à Rouen et sa banlieue, où je suis née, d'où je viens.
Donc non, ce que je ne supporte pas, ce n'est pas l'idée de la mort à un coin de rue, une bière à la main, mais celle qu'on vienne pisser sur ma joie de vivre durement acquise.
Je reviens de loin. Je suis presque une rescapée de moi-même. Je m'en suis fait tellement baver que rien de ce que j'ai pu affronter n'était à la hauteur de ce dont moi-même j'étais capable de me faire.
Là, pourtant, mon cerveau a du mal.
Ce n'est pas la mort le problème, c'est la terreur.
Depuis novembre je m'étais forgé un sarcophage nucléaire autour du cerveau, à coup de sorties, de concerts, de garçons, d'alcool et de belles choses en général.
Mais il faut bien financer tout cela.
Alors j'ai accepté un deuxième job pour six mois où, dès le premier jour, juste après "bienvenue" on m'a dit "tu vas bosser sur les attentats !"
Oh, chouette alors.
On m'a attribué un joli bureau avec vue sur deux drapeaux : celui de l'Europe et celui de la France.
Autant vous dire qu'eux et moi, entre le Brexit et le 14 juillet, on n'ose plus trop se regarder en face.
Un bureau dans un gratte-ciel, qui m'a rappelé mon premier moment d'incompréhension totale de grande.
J'avais 13 ans le 11 septembre 2001. Je comprenais un peu mieux que tout le monde ce qui se passait (parce que j'avais CNN à la maison, que la famille maternelle est aux US, parce que j'ai toujours un peu mieux tout compris que tout le monde, aussi).
Dans les manuels d'histoire des décennies à venir, on verra ça comme le début de la fin.
Ce midi, je déjeunais avec mon père (avec qui j'ai tellement de bons rapports que je l'ai présenté comme "le monsieur" à notre serveuse) et je m'étonnais du fait que pour la première fois depuis que j'ai quitté la maison (à 17 ans, il y a 11 ans), personne ne me rebattait les oreilles avec la reproduction de notre patrimoine génétique.
J'en ai donc profité pour dire que tout ce qui se passait me confortait dans l'idée de pas avoir d'enfants. De pas imposer "ça" à qui que ce soit. Et il a juste répondu un faible "Si j'avais su, à l'époque..."
Alors voilà, peut-être que les générations futures seront mieux armées (sans mauvais jeu de mot) face à tout ça. Reste qu'on sera les pionniers de cet occident fissuré, nous qui avons été élevés à coup de disneys et de pokémons. Je sais qu' "il en faut peu pour être heureux" et que le type eau est faible face à l'électricité, mais il n'y a rien dans la case "guerre à la maison".
Si vous me cherchez, je suis au jardin des plantes, l'autre jour j'y ai attrapé un Porygon et ça m'a rendu un peu de mon bonheur.
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