C’est ma 20ème rentrée.
J’ai les mêmes bouclettes que pour ma première année de
maternelle, seulement maintenant, elles sont parsemées de cheveux blancs que
j’arrache devant le miroir de mon ascenseur.
La boule au ventre est la même, la peur de l’inconnu, d’être
déçue, plus de ne pas être à la hauteur, car j’arrive toujours à l’être, même
s’il faut pour ça me contorsionner.
On me dit « courageuse » de reprendre mes études.
Je ne sais pas si c’est une formule vide de sens en mode « Tous mes
vœux » « A tes souhaits » ou « Faut trop qu’on se fasse un
déj ! »
C’est pas vraiment du courage. C’est plus une assurance,
même.
Boulot #1 m’a foutu au semi-chômage technique, boulot #1
n’étant pas salarié, j’ai du temps, mais pas d’allocs, mais du temps.
Alors autant le passer le cul sur une chaise en bois à
écouter des gens s’aimer beaucoup trop et nous apprendre quelques petits trucs
quand leur ego leur en laisse le temps.
C’est une excuse pour me rapprocher du cinéma et y passer
mes heures de creux, lovée dans les bras d’un fauteuil de velours rouge, les
seuls bras qui vaillent de nos jours.
C’est aussi l’abandon de mes privilèges : se confronter
à un ascenseur qui ne veut pas s’ouvrir à une simple étudiante, à des
professeurs paternalistes vous expliquant ce que c’est la vraie vie et ce qu’il
y a dans l’âme noire des professionnels du milieu.
Mais n’oublions pas l’apport inattendu de sourires :
devant les tenues folklo des gens de la fac, de la goth sur talons compensés de
8 centimètres aux poètes maudits et leurs éternelles écharpes jaune moutarde à
bouloches, devant les tags anar dans les cages d’escalier, qui se multiplient
de jours en jours, devant la dame du Crous, parce que LE CROUS.
Mes camarades sont de toutes sortes d’horizons, mais on ne
peut pas dire que l’ambiance soit sex, drugs & rock‘n roll. D’ailleurs
quand le prof de littérature a sorti « moi, ce qui m’intéresse ce sont les
mineurs » (comprendre « les auteurs » of course), j’étais la
seule à arborer un sourire plein de vice et à avoir l’œil qui frise.
Ce sont de minuscules semestres, un mémoire plutôt ludique,
et un stage dans un milieu que j’ai déjà dans la poche qui m’attendent.
Décidément, il n’y a rien de courageux à cela, si ce n’est les kilomètres de
vélib aux heures de pointe qui m’attendent.
Sans mes lunettes je confonds tous les garçons que je
croise. Ils sont tous habillés pareils, ont la barbe châtain réglementaire et
les manches retroussées. Ils sont jolis-oubliables. – 100 points à tous ceux
qui pensaient que j’allais lâcher le cougar qui grommelle en moi.
Je suis très contente de tuer le temps chez Gibert. De me
plaindre de mes creux d’emploi du temps de 6 heures. Du fait que l’architecte
devait être sous champis quand il a rendu les plans de ce bousin.
Je parle toujours aussi peu. Aux gens. Aux profs. Même quand
on m’interroge. Un regard noir, d’abord, toujours. Qui ose troubler mon monologue intérieur ?
Ca me fait rire d'être deux choses si opposées. Pro et étudiante. La meuf qui distribue ses cartes de visite à la fin des conférences. Qui vient en talons tailleur à la fac et en baskets jean trop grand au boulot. Etre celle qui calme les angoisses de ses camarades de 10 ans de plus qu'elle quant aux conditions de travail dans le milieu qu'elles visent.
Je voulais me changer. Forcer mon cerveau à redémarrer. Me bouger.
On en prend bien la voie.
Bref, I'm going to fac.
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