jeudi 8 décembre 2022

The stormy days ain't over



Il met une paire de grosses lunettes blanches sur son nez, comme une rockstar. 
Je passe ses cheveux derrière ses oreilles, comme s'il n'était pas une rockstar. 

C'est irréel.

Je suis avachie sur lui dans le canapé, pendant que ma pote baise son producteur dans la pièce d'à côté.
L'autre type de la maison de disque essaie de me faire rêver en brandissant le 06 de Pete Doherty et je dois lui faire une clé de bras pour ne pas qu'il l'appelle. 
Quelqu'un remarque l'étendoir à linge et les petites culottes de notre pote et la coloc du lieu et d'un coup, il est curieux de la rencontrer.
On a tenté de la réveiller en lui disant qui on avait péché, mais peu l'en chaut. 

On passe au lit. Je refuse les avances de Producteur 2 et je m'endors tout habillée, pas sûre de pas être déjà endormie.

Le lendemain matin, une fois que ma pote a enlevé sa langue de sa bouche et nous a laissé enfin seuls, pour la première fois depuis qu'on a échangé ce moment d'un autre monde à l'arrière du taxi, je ne pense qu'à moi.

Je transgresse toutes les règles que toutes les groupies se sont toujours fixées. 
Je déballe tout. 
C'est sale, mais je lui dis que sa chanson m'a aidé à prendre mon premier envol, quand je n'avais que 11 ans et que je m'apprêtais à rejoindre ma famille américaine de l'autre côté de l'océan. 
Je lui dis tout ce qu'il a fait battre de mon cœur. 
Je sais pas si je lui dis que ses paroles sont le mot de passe dont j'utilise des variations depuis 15 ans. 
Il secoue la tête, sans doute pour ne pas entendre. Pour rester un humain, après tout. 
Oui c'est dur, je brise un peu sa bulle de normalité. Mais moi, je n'aurai pas d'autre occasion (enfin, si, et je pourrai lui souhaiter notre anniversaire partagé, ce qui est quand même badass, je trouve)(mais à ce moment-là, c'est un all-in comme rarement).
Je pense qu'à ma gueule, et ça fait du bien.
De dire tout à l'artiste du groupe de ma vie. Je dis ça, je dis rien. C'est juste une vérité vraie, ils ont été là tout le temps et le seront toujours. De mon premier avion, aux années lycée, jusqu'aux rues du Havre puis aux appartements parisiens et oui, jusqu'à cette nuit au Truskel, ils étaient presque la famille.

Il ne faut pas rencontrer ses idoles, après, elles deviennent humaines, mais lui l'avait toujours été. Je ne l'avais jamais parfait dans ma tête. Je lisais mes livres trop compliqués en écoutant sa musique comme je discuterai avec un coloc faisant la vaisselle. Me réveiller à côté de lui m'a presque paru normal avant que la fan en moi ne prenne le relais. 

Non, ce qui a été compliqué c'est de lui trouver une place dans ma vie après
Il y a eu les grammys, son angine carabinée et sa cuite d'enfer, vécue par textos interposés avec un des mecs de la maison de disque. La gamine en moi était trop fière. La fêtarde d'une vingtaine d'années avait une nouvelle mini explosion de cerveau en les voyant sur son écran. 

Il y a eu les albums suivants, et toujours un sourire en coin en y repensant. Il y a eu des années où je les écoutais moins, où je ne les écoutais plus. Il y a eu ce Bataclan de Mac Demarco, où je l'ai recroisé et où il m'a reconnue sans me remettre.

Et puis il y a eu cette amie qui au creux de l'été m'a proposé une place pour un Olympia loin, loin dans le temps, mais un Olympia auquel je ne pouvais pas dire non.

Et je me suis retrouvée, à 34 piges, à le regarder depuis le parquet flottant, des grosses lunettes de soleil sur la gueule, les cheveux absolument pas derrière les oreilles, à jouer du clavecin pour son pote de toujours. 
Quelque part, une brique s'est ajoutée à notre histoire ce soir-là. Une brique que je vais m'empresser de ne pas étiqueter parce que j'ai passé l'âge. 

Il flotte, lui et ses potes, quelque part dans mon cœur, où il y aura toujours une place pour eux.





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