Il y a peu de chances que ça arrive - puisqu'il n'y a pas plus provincial que lui - mais j'aimerais le croiser au détour d'une soirée. Et je dis "provincial" sans arrière-pensée. C'est le genre de garçon que tu rencontres en Province et que tu tentes d'oublier à Paris. Le type qui se flétrirait comme un concombre de mer hors de l'eau dans les rues de la Capitale.
Le genre de garçon que tu aimes quand tu as 18 ans.
J'aimerais le croiser parce que je suis certaine qu'il serait assez bien élevé pour me reconnaître et venir me parler si jamais cela arrivait. Bien sûr je dirais des trucs genre "je suis devenue éditeuse" "je vis dans le XXème et je ne pourrais pas vivre ailleurs qu'à Paris" "j'ai a-do-ré le dernier Gus van Sant", et dans sa tête je passerai pour l'obnoxious petite bitch qu'il a connu alors que je n'en étais qu'une esquisse.
Du temps où j'avais une bière dans chaque main, quand maintenant je ne me trimballe qu'avec une seule coupe de champagne.
Il me dirait ce qu'il est devenu. Ce ne serait pas surprenant. Il aurait un sourire gêné - celui qu'il a toujours eu.
On se dirait "bon bah... salut !" et je me sentirai obligée de rajouter comme une gourdasse : "de toute façon j'ai ton facebook, hein !".
Et il partirait de son côté et moi du mien. Et je me dirais "putain c'que t'es con". Et j'abandonnerais la coupe de champagne dans un coin pour aller enfiler des shots de vodka dans un autre. Ca me rappellera cette soirée où j'ai bu mon premier shot de vodka - pour faire descendre les médicaments. Ca me rappellera la discussion que j'ai eue avec ce garçon, juste avant qu'il ne s'évanouisse dans les vapeurs d'alcool, sur ce que les médecins qualifient "d'appels à l'aide".
Un moment plus tard dans la nuit, quand je ne serai plus maître de mon propre corps, je le verrai et l'alpaguerai comme la famine s'abat sur la Somalie. Pas pour le chopper. Je ne choppe jamais personne. Mais pour avoir cette conversation en haut des marches que je n'ai jamais eue avec lui.
Cette conversation que je voulais avoir, à laquelle je tenais. Au moment où j'ai compris que j'avais des sentiments pour lui. Au moment où je ne savais pas encore que d'autres avaient des sentiments pour lui et à quel point la situation était un merdier monumental. Cette conversation où je lui aurais dit que voilà, c'est comme ça, t'en fais ce que tu veux, j'attends rien de toi, juste je voulais te dire...
Cette conversation que j'avais prévue le soir où il n'est pas venu.
Cette non-conversation qu'il me reprochera plus tard, dans une conservation msn qui semblait dire "t'avais qu'à me le dire". Oui mais...
Le timing. Voilà. J'accuserai le timing.
Et il me dirait que non. Ca aurait rien changé. Que j'étais une gamine. Que ça aurait pas pu marcher. Et il aurait raison, parce que même quand il a tord il parait avoir raison.
Je l'aurais en face de moi et plus comme une pellicule dont la vie défile sous mes yeux sans que je ne veuille en prendre part. Parce que c'était trop dur. De le voir avec une autre. De pas avoir eu cette conversation alors que j'étais prête, décidée. Sur le point de.
Que c'était trop injuste. Qu'après tout s'il est allé avec elle, il aurait pu être avec moi, hein. Bon.
Et je le détromperai "non j'ai plus envie d'être avec toi maintenant, ça rimerait à rien. Tu étais le copain que j'aurais dû avoir à ce moment là. Tu m'aurais appris avant que je le fasse moi même, beaucoup plus lentement, que parfois il fallait ne rien en avoir à foutre et parfois s'accrocher tripes et ongles à ce qu'on voulait - à ce qu'on croyait.".
Parce qu'il est le seul, à l'époque, à avoir un temps soit peu fait attention à qui j'étais, ce que je faisais, ce que je lisais - il m'a même suivi dans une librairie alors qu'on se connaissait depuis un jour ou deux. Mais surtout à ce que j'écrivais.
Pour me débarrasser de son regard inquisiteur mais éminemment juste, je lui ai balancé un vieux fichier des années collèges. Ca l'a vacciné.
J'ai coupé court à notre relation comme on ampute chirurgicalement. J'ai pas pris le temps de lui expliquer. Je suis partie du principe que de toute façon "on n'était pas amis". Que je ne lui devais rien.
Aujourd'hui, je sens, je sais qu'il a été important. Qu'il m'a rendu malheureuse sans le vouloir et que je n'ai pas le droit de lui reprocher. Pas plus que les conneries que j'ai faites pour l'oublier et qui ont fait que, même de loin, je ne le suivais plus.
En écrivant cette note j'ai retrouvé les sensations, les odeurs, les images de cette époque. Beaucoup de rires, de naïveté ravie et de découvertes. Avant toutes choses, il m'a beaucoup appris et même si je ne l'ai pas compris tout de suite, ici git une trace d'une amitié loupée.
Ouchhhh. Là j'ai pris un coup au moral en te lisant... Peut être trop l'impression d'avoir été ce garçon pour une demoiselle un jour, et de m'en rendre compte, là.
RépondreSupprimerPampryl,
J'étais moi-même dans un état assez erratique après l'avoir écrite, rassure toi.
RépondreSupprimer