Finalement, il m'en faut peu pour être stable. Parce qu'heureuse est un gros mot.
Même avec un soleil qui balance du 39° à la gueule, je vis des vacances parfaites.
Budapest, des garçons à demi-nus de toutes nationalités autour de moi, des pintes à 2€, du bon vin, de la cuisine pimentée et veggie, et mes idoles.
Enfin, surtout une.
Damon a fait partie de ma vie à un moment où la musique était le seul roc de ma vie. Où ma dépendance à mon lecteur mp3 était encore plus prononcée qu'aujourd'hui. Où chaque cours était entrecoupé de l'accrochage de mes écouteurs.
Tous les matins j'écoutais Blur, tous les soirs les Libertines. Pendant 1, 2 ans. Pendant ma première et ma terminale.
Je ne pensais jamais voir Blur. Peut-être Damon, seul, avec The good, the bad and the queen, ou Gorillaz, mais pas Blur.
J'ai vu Blur.
J'ai vu Damon.
J'ai vu Damon à une poignée de mètres devant moi tandis que j'étais écrasée par une foule furieuse. Je connaissais ses mots par coeur mais pas tellement son visage, sa présence, sa posture. Je n'ai absolument pas été déçue, ce qui était un vaste challenge, moi qui suis amoureuse de lui depuis bientôt 10 ans.
Je pensais qu'il serait défraîchi, peut-être même blasé (oh crime).
Mais non. Il était concerné au point de nous arroser dès son arrivée sur scène, comme s'il prenait soin de son petit troupeau de fans.
Il y a eu, le même jour, la magie Woodkid, où tu lèves les bras comme pris dans une incantation partagée par 10 000 personnes et tu t'aperçois que tu danses sous un drapeau avec une grosse bite.
Et !!! qui ont vieilli physiquement mais absolument pas dans leur tête, le stoïcisme de Nic Offer qui traverse TOUTE la fucking foule et se prend des litres d'eau sur la gueule mais continue à bouger son popotin en shorts comme une princesse des balkans.
Je me souviens de la gentillesse du type, quand, encore tous petits, on était allés, ma bande du lycée et moi, leur réclamer des autographes. Moi, j'avais rien capté du concert, même si au premier rang, mais les types m'avaient bien plu.
Je crois que je vis bien mieux sur les festivals. Sans horaires. Manger, boire, dormir, quand on veut. Vivre de musique et de beaucoup beaucoup beaucoup d'eau fraîche.
Boire n'importe comment, arroser le merch guy qui sue derrière son stand, se faire passer au karcher par un type payé pour ça (il faudrait que je consacre une note entière aux petits boulots typiques de la Hongrie, entre autre : meuf qui tient le papier toilette et type qui surveille que personne grimpe sur les lettres géantes "SZIGET"), se faire asperger par les vaporisateurs au dessus de la scène et les flingues à eau d'étrangers vraiment partageurs.
Island of freedom n'est pas une exagération : on est nettement moins fliqués qu'en France, il y a de tout, pour tout le monde, d'ailleurs il y a tout le monde, toutes les nationalités, et on se parle sans savoir ce que l'autre va comprendre. On a des gestes, des réflexes, des codes. Le tout dans une ambiance complètement régressive/bon enfant.
Je pensais que j'étais trop vieille pour ces conneries, mais je pense que je pourrai le faire toute la vie.
Pour le premier rang devant Everything Everything, pour la cambrure de Simon Neil sur écran géant, pour voir des mains d'origines diverses tripoter l'entrejambe de Nick Cave, à cheval sur le public.
Pour aussi m'apercevoir que j'ai grandi, quand je trouve Ska-P un brin ridicule, et que je me demande si leur prochaine chanson sera sur la dénonciacion des vieux qui viennent faire leurs courses aux heures de pointe.
Pour tous ces calmes après la tempête où je retrouve avec délice des choses simples comme une douche, des toilettes, internet.
Et puis ça ne serait pas pareil ailleurs.
Se dire qu'une tente Queer trône sur une ancienne base militaire ultra secrète au centre d'une capitale encore légèrement... hum... néonazie ? Non, peut-être pas, mais fortement patriotique à tendance nationalisme über alles - d'ailleurs ici les mecs de la sécurité se ressemblent tous, mais ne sont pas des colosses black, non : ce sont des grands chauves aux yeux bleus, blanc comme des culs et baraques comme des 36 tonnes. Se dire ça, en faire partie, de cette microscopique bulle d'oxygène culturelle, en même temps surprotégée des autochtones de par son prix d'accès exorbitant pour qui n'est pas de l'Ouest...
Je retrouve l'ambivalence qui m'avait tant fait cogiter en octobre dernier quand j'avais squatté un mois.
J'aime cette ville, j'aime ce pays, je ne saurais pas dire si j'aime ses habitants, tous très secrets et un peu bourrus, mais, en tout cas, je m'y suis très bien adaptée.
Paris semble étriqué à côté, ne sachant pas se défaire de son passé, de son avenir, de ses sautes d'humeur, de ses mauvaises odeurs, de ses regards noirs, du bruit, de la fureur. Paris un peu trop assoupie sur des lauriers ancestraux.
Ici tout reste à faire.
On n'est pas à Brooklyn où tout a été fait, mais on fait toujours comme si.
On est dans un bac à sable géant, avec des compagnons de jeu très plaisants.
Je ne sais pas si tu te rends compte mais cette note parle quand même beaucoup de se faire asperger.
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