[I've seen this room and I've walked this floor you know]
C'était il y a 5 ans, et j'étais loin de me douter que je me retrouverai sur le même banc, de la même église, à regarder un autre cercueil.
Celui de quelqu'un parti - vraiment - trop tôt.
Je n'avais jamais assisté à un enterrement de "pas vieux". De vraiment pas vieux.
Bien sûr, des gens de mon âge sont morts, des gens que je connaissais, mais je n'y suis jamais allée.
Pour se confronter à ça, il faut être la famille, ou tout comme.
Là, j'étais la famille. Ou tout comme. Car c'est la famille qu'on voit de loin. Rarement. Pour les enterrements.
Alors non, on ne se réjouit pas forcément des retrouvailles. On a tous des têtes cernées et la goutte au nez.
On se dit à bientôt sans trop y croire et on a les seuls fou rires sincères de notre famille d'handicapés communicationnels.
Moi j'assiste à tout ça dans le backseat au propre comme au figuré. Pas vraiment dedans, pas assez dehors.
Tout revient donc à moi et mon nombril. Seule entité que je connaisse réellement dans ce peuple d'étrangers sensés être les miens.
Mon nombril me dit "Hey, Johnson, ça pourrait être nous là, bientôt, ou même hier. Tu te souviens ? Tu te souviens de tes fesses sur la corniche cet été ? Tu te souviens des pilules arrosées à la vodka de tes années lycée ? Tu te souviens du dernier étage de l'ancienne maison et du vertige qui disputait ton envie pourtant ferme d'en découdre avec l'après ? C'est peut-être nous dans 15 ans, entre 4 planches, 3 bouquets de fleurs et un milliers de gouttes d'eau bénite assenées au goupillon."
Mon nombril me casse les couilles parfois. Mais, là-bas, dès qu'il me laissait partir deux minutes, la réalité était trop forte, trop brutale, trop irrespirable. Alors je me réfugiais chez lui.
"Johnson, je sais qu'en théorie on a fini les conneries, mais est-ce que tout ce qui t'arrive sur le coin de la gueule et qui parait s'enchaîner tragi-magiquement ce serait pas un peu de l'auto-destruction déguisée finement calculée et préméditée ?"
Je ne sais pas, nombril. Sûrement. En grande partie. Pas que.
Il y a eu pas mal de malveillance et de gens sans âme apportant le dernier coup derrière la nuque.
Le coup de vent qui te ferait tomber d'une corniche. La pilule en trop qui ferait lâcher un organe vital. Le doigt qui administrerait la pichenette salvatrice, te projetant du haut de la lucarne du second.
J'ai beaucoup joué avec le feu. Je garde toujours un élément de risque dans ma vie.
Et pourtant je sais très bien, au moment où je fais certaines choses qu'elles vont se retourner contre moi, probablement.
La vie serait tellement linéaire et sans saveur si tout s'y passait sans chaos. Sans drame, sans heurt et sans larmes.
Je ne veux pas mourir. Je veux vivre pleinement. Et ma seule méthode semble être le flirt poussé avec la fin, pour mieux s'en éloigner d'une grande poussée des deux pieds contre le fond de la piscine.
Ca fait longtemps que je dois écrire le roman de mon suicide : je suis au chômage, allons-y.
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