DarkJohnson est une création des Hommes.
Née des colères divines d'un bébé Heights et de la torture sociale subie à l'adolescence, DarkJohnson n'est jamais repartie.
Elle est là, elle fait partie de moi. Comme Dexter et son Dark Passenger. Le Fantôme et sa face cachée, nourrie par un monde toujours plus noir, et des humanoïdes toujours plus vils.
J'ai l'immense possibilité de faire du mal. Beaucoup de mal. Si je voulais, j'aurais des compétences recommandées par 1000 pouces en l'air de Staline, Ben Laden et Adolf sur Linkedin.
DarkJohnson a appris à se mouvoir dans l'ombre, comme Rorschach. A se dissimuler derrière un déploiement d'intelligence, comme Ozymandias.
Elle est ma propension au désordre, mon chaos absolu, le what if? murmuré à mon oreille par un Loki un peu envahissant.
Quand quelqu'un entre vraiment dans ma vie (ce qui est rare et cher, comme une pléiade en marbre ou un poney en diamant), je lui signale ma cohabitation toute particulière, à l'intérieur de moi-même, avec ce nuage noir de pulsions et de désirs morbides qualitatifs (oui, car DarkJohnson fait des plans pour faire les choses mal bien, comme les pires des pires des pires).
C'est à ce moment là que la nouvelle personne, fraîche comme une fleur dans ma vie, qui ne connait de moi que mon horreur absolue de m'imposer, mes manières sans compromissions et ma bienveillance sans limites pour mes amis, me dit "Han bullshit JohnsyJones, no way t'es comme ça !".
Je hausse les épaules, je remets mon syndrome de Cassandre en bandoulière et je m'enroule dans ma security blanket de "Au moins, je l'aurai prévenu(e).". Et la relation suit son cours.
Puis arrive un moment où DarkJohnson se pointe, créé une mini tornade émotionnelle sans rapport avec cette nouvelle personne. C'est alors que je lui confie mon désarroi et compte lui prouver en même temps de quoi je suis capable, en me servant de cet exemple - car les gens demandent tout le temps des preuves, des preuves, des preuves.
Et généralement, la nouvelle relation, toujours idéaliste comme un bouddhiste extrémiste, me dit "mais non Johnsonounette, c'est pas si vilain ce que t'as fait, mais non mais non, allez, viens te rouler dans le champ de pétunias de notre amitié naissante."
Là, je commence à avoir un doute, parce que quand j'emploie les méthodes des gens (la rationalité, les preuves, les démonstrations, tous ces trucs qui font perdre un temps fou alors qu'il suffirait d'accepter que de base JE SAIS) c'est quand même que c'est important pour moi de leur faire comprendre un truc. Du coup, s'ils me disent que non, que j'ai rien à me reprocher, c'est ptet qu'effectivement, moi aussi je suis une pâquerette.
Alors l'espoir naît, insidieux et gluant. Il se colle à mes entrailles et atteint bientôt un stade critique au fur et à mesure que l'aveuglement de mon interlocuteur croît "Mais non Johnson tu serais incapable de ça." "Mais non Johnson moi je sais que t'es pas comme ça." "Mais non Johnson t'es une vraie gentille en fait."., je commence à m'en persuader moi-même.
Ma resting bitch face s'illumine parfois, je commence à me dire que c'est chouette d'avoir des amis aussi chouettes, que tiens, j'ai pas vu DarkJohnson depuis un moment . Mais a-t-elle jamais existé en fait ? Boarf on s'en fout, y a tout un tas de champs de mimosas à parcourir en se tenant par la main !
Et puis vient le jour où la nouvelle relation ne l'est plus tout à fait.
Où elle t'assoit en face d'elle, l'air constipée, dans une pièce sombre et étriquée et où elle te dresse, d'un ton très sérieux, la liste de ses griefs. Où elle t'explique à quel point tu lui as fait mal, et comment, et avec la clef anglaise, et dans la salle à manger. Où elle te dit, en somme, que tu as rendu sa vie zone toxique, car c'est un mal lattent, que tu lui as fait. Un mal qui dure, qui dure depuis longtemps, en silence, en rampant. Que voilà l'addition et que maintenant il faut payer ma bonne dame. Alors DarkJohnson, dans un dernier effort de révolte, se dresse sur la barricade du "MAIS JE TE L'AVAIS DIT BON DIEU DE BON DIABLE !", alors là, au choix, on enfonce les clous du cercueil avec la petite phrase au choix : "oui mais jcroyais jpouvais t'changer..." "oui mais je voulais pas y croire..." "oui mais pas à ce point quand même...". Alors tu te lèves, et tu te casses, parce qu'il y a plus rien à faire. DarkJohnson te regarde passer, d'un air entendu, et te fait comprendre que sa plus grande victime, ça reste encore toi, et les mirages de relations viables qu'elle te laisse entrevoir.
Et puis tu te retournes, et tu la regardes, et tu te dis "Merde, Darkie, comment j'ai pu être aussi perso et égoïste et t'abandonner seule à ton déséquilibre pendant tout ce temps ?" et le seul hug sincère que tu prodigueras dans ta vie ce sera pour elle. Dark-toi. Parce que les seules relations qui marchent dans ta vie sont avec des gens qui ont accepté ce côté sombre mais qui toujours s'en méfient. Qui ne baissent jamais tout à fait leurs armes, car on ne sait jamais. Ces gens qui parviennent à gagner le respect de DarkJohnson et à l'endormir, un tout petit peu, car on sait bien que jamais personne ne l'apprivoisera. Qui le voudrait ? Ces gens qui te prennent au sérieux, qui t'écoutent, te respectent et te croient.
DarkJohnson est un organe que j'ai essayé pendant vingt ans de m'amputer et qui repoussait, repoussait, repoussait. A raison. Car elle m'est vitale. C'est moi aussi. Elle m'est d'une utilité sans pareilles, un génie du mal est tout de même un génie. Beaucoup de gens passent à côté de moi en ne l'acceptant pas, comme on adopterait un membre d'une fratrie mais pas l'autre.
Ceux qui m'aiment ne me polissent pas.
Et voilà pourquoi dans ma vie, il y a beaucoup plus d'appelés que d'élus.
Et voilà pourquoi n'attendez pas de moi des hugs, des sourires et un coming-out de gentille fille qui a bon fond.
Passez votre chemin si vous savez que ça vous rebute, si vous restez malgré tout, c'est que c'est votre tête qui ne va pas. Que vous vous croyez élu des dieux, capable de remettre sur le droit chemin quelqu'un qui n'est même pas perdu. Ne jetez à personne la malédiction d'être votre idéal.
Personne ne mérite ça.
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