[Wrote in fireworks]
Tandis que personne - ou presque - ne regarde dans ma direction, je fais des livres.
La plupart des gens qui les lisent n'ont aucune idée de mon degré d'implication. Et tant mieux.
C'est bien les métiers de l'ombre. Ca me va. Je disais plus tôt que je n'étais pas assez géniale, je crois qu'il me manque aussi l'envie.
Mes livres s'alignent dans ma bibliothèque. Mes proches - la plupart - n'ont aucune idée de ce qu'il y a dedans.
J'ai essayé de les intéresser mais j'ai reçu un très maladroit "je vais les cacher parce que j'assume pas trop ce genre de littérature" en pleine face.
Ca m'étonne toujours autant que les gens rejettent des livres gratuits. Mieux que ça : que je leur offre.
On est dans une société pourrie gâtée faut croire.
Je me souviens très bien de la valeur que représentait un livre à mes yeux d'adolescente. Quand je ne regardais même pas les rayons grand format parce que je les savais financièrement inaccessibles.
Dans mon job, les livres se ramassent littéralement par terre. On en a trop. Je suis obligée d'en donner.
Tu crois faire des heureux et tu te retrouves avec des soupirs de lassitude, des "oh non pas encore".
Ok, then.
Pourtant je fais des livres bien. Avec des gens biens.
Alors c'est pas du Oscar Wilde, mais c'est pas non plus ce qu'on a écrit sur l'étiquette.
Un jeune homme m'a regardé dans les yeux en me demandant en public comment j'arrivais à dormir en publiant des trucs pareils. "Bien", j'ai répondu.
Ce qui est faux. Pas parce que j'ai des états d'âmes rapport à ma production, mais parce que je suis une insomniaque notoire et que ça s'est pas arrangé depuis que j'ai un chat qui joue au trampoline sur mes abdos à 5h du mat'.
J'ai fait ce job à 80% parce que je ne me voyais pas faire autre chose. Mais aussi, j'avoue à 10% pour avoir une certaine forme de reconnaissance sociale, pour m'extirper de la misère intellectuelle crasse dans laquelle j'ai grandi. Celle qui m'a pété le nez et le bras au collège.
Les 10% restant c'est parce qu'on a bien voulu de moi et que quelques personnes ont vu au-delà de mon non-sourire perpétuel. Un cerveau qui marche et des doigts qui pianotent vite.
C'est un monde plein de bitches qui tentent de régner en faisant le vide autour de vous.
Le vide autour de moi a toujours été là, dommage pour elles.
Je me suis aperçue que la misère intellectuelle crasse était toujours là, derrière des cheveux blonds décolorés et des talons hauts, bien dissimulés dans les "commeeeent çaaaa vaaaa ? Ca fait siii longteeeemps !". Pire que la misère intellectuelle. La régression. La noirceur.
J'ai vu la délation, comme en 40. J'en ai été victime.
J'ai vu des petites gamines se croire fortes et utiliser contre moi leur pouvoir just because.
Je me suis donc postée en retrait de tout ça. Je fais des livres, dans mon coin, avec des gens que j'ai choisi. Des gens qui n'auraient jamais vendus des juifs pendant la guerre, des gens qui n'auraient pas renié leur propre genre et tant d'années de lutte pour l'égalité homme-femme juste parce qu'elles avaient, à ce moment là, le pouvoir de balancer quelqu'un - moi - sous les roues d'un camion.
Je vous parle de ça parce qu'on est à l'aube d'un nouveau salon du livre. Où les sourires de façade cachent des gros cafards qui courent partout dans l'âme des gens.
Je ne me souviens plus trop quand j'ai réalisé que les gens qui faisaient des livres n'étaient pas des gens biens - pour la plupart.
Les gens biens dans cette industrie sont des pokemon shiny.
Donc, ouais, je fais mes livres. Même si j'ai pas le droit de le dire comme ça, parce qu'il faut être corporate. Et comme ceci. Et comme cela. Et surtout pas Johnson, en définitive. Tant qu'on me laisse les faire.
Ils sont à mon image : ils divertissent pas mal d'inconnus mais indifférent totalement les autres.
La plupart des autres.
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