Les périodes de deuil sont des montagnes russes, et ce qui est russe me réussit rarement. Juste après l'annonce, on est étouffés d'amour, de présence et on n'est presque jamais seul. Puis vient l'après, soit parce qu'on a épuisé ses amis éponges-empathes, soit parce que ces amis pensent que "maintenant, ça suffit bien", car tout le monde réagit différemment.
Une de mes boss, par exemple, a estimé mon deuil dépassable après une matinée off.
Je pense qu'elle gagnera jamais au Juste Prix.
Me voilà donc dans cette période de creux, où les gens se font plus lointains. Et que me reste-t-il ?
La musique.
Je suis l'Homme qui murmurait à l'oreille des rockstars. Qui me retrouve toujours à refaire le monde avec les types des groupes qu'elle va voir, sans forcer le destin, parce qu'à quoi bon se geler le cul devant la stagedoor quand il me suffit d'aller faire la queue aux toilettes pour croiser magiquement Carl B. à chaque fois.
Mon premier concert post-apocalypse fut celui de Declan McKenna. Un gamin de 17 ans qui est sorti de scène, s'est posté à côté de moi et a sorti "Now will you tell me what's on your mind?" en me regardant droit dans les yeux. Ce que j'y ai vu, c'est un grand artiste. Et moi qui pensais que ce type était "le futur Jake Bugg", je suis désormais certaine qu'il est "déjà meilleur qu'Alex Turner".
Le fait que mon chat soit mort pendant Spanish Sahara a un peu bloqué mon horloge interne, et depuis lors, je n'écoute que Foals, en boucle.
Sous la douche. Dans ma chambre. Au bureau. Quand je fais mes courses.
J'ai une grande histoire malgré moi avec eux, puisqu'ils furent un révélateur de mes goûts pas trop pourris et de mon flair culturel. Inconnus relatifs en France en 2008, je les avais entr'aperçus sur Canal+ et avais conséquemment forcé mes amis à nous rendre au premier rang de ce qui devait être un de leurs premiers shows chez nous, au Rock dans tous ses états.
Ils nous avaient éclaté les oreilles, mais aussi le coeur.
Alors qu'on célébrait l'#indieamnesty il y a quelques mois sur les réseaux sociaux, je ne peux qu'être béate de les avoir choisis eux et d'avoir misé sur les bons poulains.
(Oui, on la sentait tous venir)(Foals ça veut dire poulains)(Vous l'avez, les derniers au fond ?)(Bien.)
J'ai toujours eu un crush-non assumé pour Yannis Philippakis, parce qu'en 2008 - et depuis toujours en fait - je n'aimais que les blonds aux yeux bleus. Du coup, je comprenais pas trop ce qui chatouillait/gratouillait à chaque fois que je le voyais.
Il y a deux trois trucs qu'on a en commun, l'air plus que pas commode (le syndrome "resting bitch face"), le fait d'avoir commencé à écrire en mettant des verrous sur tout avec du cryptage et des symboles, pour se libérer ensuite. Le fait qu'on soit physiquement un peu des poneys (pas très grands et courts sur pattes), aussi, sûrement. Enfin, cette capacité à se transformer en quelqu'un de tout autre à travers la musique (lui, atteint de vertige dans la vraie vie, se jette de tous les balcons des salles où il joue, moi je deviens la personne la plus extravertie et à l'aise en société du monde, alors que... well, nope.)
Du coup, ces derniers temps, je me vautrée dans ses interviews et son instagram pour découvrir qu'il avait un très joli chat noir (toujours vivant, lui) et qu'il faisait des chansons dans l'espoir qu'elles puissent toucher des gamins de 19 ans au bout de leur vie sous la pluie de la campagne anglaise.
Quand un artiste me touche intégralement, je découvre généralement qu'on a tout plein de points communs, dans nos trajectoires et/ou notre façon d'être câblés.
Samedi, j'étais complètement ivre quand je me suis retrouvée à discuter 15 bonnes minutes avec un des petits SWMRS (dont je parlais là). Il était un peu planqué dans un coin et a accroché timidement mon regard. J'ai levé les épaules en mode why not, et j'ai lancé "Max, right?". Et s'en est suivi un échange où je lui donnais de manière tout à fait déplacée des conseils sur sa carrière et sur la façon de traiter le public - rétif - français. Un moment de lucidité, en mon for intérieur, m'a fait réaliser que "qui j'étais pour dire ça ?", et j'ai alors fait plus attention à ses réactions. Il était tout content, et m'encourageait à lui en dire plus et me remerciait. Là j'ai compris que c'était peut-être pas tout à fait déplacé, vu qu'il avait l'âge de mon neveu et que j'ai assisté à 2 à 3 concerts par semaine depuis un an sur la scène parisienne. Et qu'en plus j'étais sincère. A un moment j'ai voulu m'éclipser, parce qu'il faut jamais trop tenir la jambe à une rockstar (c'est comme un pokémon rare, ça s'enfuit vite), mais il a eu un geste comme pour me retenir et puis il a dû se souvenir qu'il était américain et m'a juste fait signe de rester. Alors on a parlé 5 minutes de plus. Mais je tournais un peu en rond, et puis je commençais à sentir une drôle de pression dans mon dos. Quand j'ai fini par regarder, j'ai découvert une masse extraordinaire de groupies qui attendaient toutes de se faire signer au mieux leurs albums au pire des parties de leur anatomie. Max m'a regardée d'un air contrit, il a soupiré puis s'est remis à sourire en signant diligemment tout ce qu'on lui soumettait.
J'ai compris, malgré mes 3 grammes et mon pas chancelant, que si je détestais les courses à l'autographe et à la selfie et si je me sentais mal à l'aise à attendre pendant des heures pour un regard, un geste ou même qu'on me bouscule sans le faire exprès - c'est qu'il y avait une sorte de sentiment d'égal à égal.
Comprenez bien que je n'ai jamais rien fait de remarquable artistiquement. Que je n'ai toujours su qu'à peu près écrire et que, n'ayant pas été encouragée et n'ayant jamais rien produit d'assez convaincant, j'ai fini par me spécialiser dans l'encadrement artistique.
L'écriture et la communication, pour être plus précise.
Ce week-end, j'ai fini par comprendre que j'étais sans doute moins une fangirl que quelqu'un qui a bossé son sujet depuis des années et qui du coup, ne dit pas que des conneries. Non pas que je pèse dans le game, mais je dois transpirer une certaine assurance et avoir les mots qu'il faut pour le confirmer. Comme quoi mon aimant à rockstar n'est peut-être pas seulement un produit du destin.
Ce week-end, j'ai fini par comprendre que j'étais sans doute moins une fangirl que quelqu'un qui a bossé son sujet depuis des années et qui du coup, ne dit pas que des conneries. Non pas que je pèse dans le game, mais je dois transpirer une certaine assurance et avoir les mots qu'il faut pour le confirmer. Comme quoi mon aimant à rockstar n'est peut-être pas seulement un produit du destin.
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