Depuis ma dernière note, je suis entrée chez les voisins. Même si j'aurais préféré que ça n'arrive pas.
Je me donne corps et âmes à deux causes : gagner de l'argent (afin de rester indépendante le plus longtemps possible) et le militantimsm.
Souvent, quand je forme des nouvelles colleuses, elles me demandent "mais comment tu as le temps de faire tout ça ?" généralement je réponds que je ne dors pas, mais c'est faux, si je ne dormais pas, je retomberais en dépression et tout déraillerait. Quand je suis un peu plus franche je dis "J'ai pas de vie." et c'est déjà plus vrai.
Quand je ne forme pas, ne colle pas moi-même, je peins les slogans à tours de bras, dans mon temps libre. Ce samedi là, j'avais invité deux trois colleuses à venir profiter de ma cour pour une session peinture. Tout était calme, le soleil brillait et à part des bourrasques facétieuses, j'avais tout pour apaiser enfin cette tension qui ne me lâche jamais.
Les copines sont parties, j'en attendais une autre. J'en profite pour manger. C'est là que j'entends un râle. Je pense à un chat en chaleur et puis j'entends des mots. Je comprends vite.
La vieille-voisine appelle sa fille à l'aide. Je me souviens rapidement qu'elle l'a prévenue qu'elle sortait et ne rentrait pas de la soirée. Je me dis qu'il y a un espoir que ça passe tout seul, même si je n'y crois pas, alors je finis mon repas, et ma pote arrive.
Là, alors qu'on aurait dû peindre et boire un coup, ma conscience reprend le dessus, et je lui explique la situation.
J'appelle le SAMU afin d'avoir quelqu'un au téléphone qui puisse prouver que je ne suis pas entrée par effraction. Quelque part, j'espère que la porte sera fermée. Que mon rôle s'arrête là.
Mais non.
Quand j'entendre, une odeur âcre m'emplit les poumons, et je mets quelques secondes à situer la vieille.
Elle est étendue de tout son long sous la table de la salle à manger, son pyjama ne couvre pas tout son ventre et elle geint à l'aveugle.
Je décris la situation à la dame du SAMU qui a l'air de pas du tout maîtriser la situation. Je tente de relever la voisine, mais c'est un poids mort de plus de 80 kilos, à vue de nez. Impossible. Elle n'est d'aucune aide et n'entend rien. Son appareil auditif semble capter des ondes radios.
Je finis par persuader la dame du SAMU de m'envoyer les pompiers. Elle semble fébrile, prend mon adresse 5 fois. Je raccroche et appelle la fille de ma voisine. Celle-ci décroche et je l'entends dire à quelqu'un d'autre "ça c'est encore maman...". Elle est hyper calme, voire même non concernée. Elle m'a dit que j'ai bien fait, et de juste préciser que sa mère est diabétique.
Ma pote est venue m'aider à mettre la vieille sur une chaise mais elle ne tient pas et manque s'écrouler face la première sur le carrelage. On décide de la coucher puis de la mettre en PLS. Le pyjama est couvert de vomi et elle s'est pissé dessus.
Je dis à ma pote d'aller attendre les pompiers devant. Ils passent sans s'arrêter. L'opératrice s'était gourrée dans l'adresse, ils vont mettre 30 longues minutes à venir.
Trente minutes pendant lesquelles, tentant de ne pas avoir la nausée, je bloquais la vieille en PLS de mon genou, appliquant tout mon poids pour éviter qu'elle soit sur le dos et qu'elle nous fasse une Jimi Hendrix.
En trente minutes, elle a le temps de s'endormir - je la réveille - de chanter, d'avoir des hauts le cœur me faisant prier je ne sais quel dieu pour que le cauchemar ne s'empire pas, et de m'engueuler, parce qu'elle veut aller se coucher et qu'après tout, elle n'a bu que trois bières.
Quand les pompiers arrivent, ils lui mettent un masque et je suis prise d'une crise de culpabilité : je me suis pas protégée en entrant. Puis je me dis qu'à force d'aller acheter 2 à 3 fois par jour des bières, elle a depuis longtemps dû être en contact avec le virus.
Je me retrouve à fouiller les affaires d'inconnus pour retrouver ses papiers d'identité, ses ordonnances (couvertes de vomi séché), en entendant, hébétée, qu'ils vont emmener la vieille à l'hosto.
Je préviens sa fille qui ne peut pas plus s'en ficher et parvient même à râler parce que l’hôpital n'est pas le plus proche.
Alors qu'on raccroche, l'éthylotest parle : 2 grammes 6, soit plutôt 15 bières que 3. Les secours trouvent des traces de contusions plus ou moins vieilles prouvant que ce genre de mésaventures lui arrivent régulièrement. Puis ils l'embarquent, et c'est fini. Je me lave fort pour chasser l'odeur. Je bois un coup, on peint un peu, mais le coeur n'y est plus.
Dans la nuit, j'entends du raffut dans l'immeuble, des voix masculines parlent très fort. La vieille a signé une décharge, elle est de retour avant même sa famille. Je me demande si je devrais sortir puis me dis que j'en ai assez fait.
Je tente de dormir, la peur au ventre qu'on me laisse finir comme ça.
Avec la peur de devenir cette baleine échouée sous ma propre table de salle à manger.
Est-ce que l'alcool repousserait assez le chat pour l'empêcher de me manger le visage ?
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