Elle était tellement plus grande que moi que jamais, au cours de notre soirée, je ne me suis posé la question de son âge.
Mon cerveau est resté bloqué aux premières années de ma vie où plus la personne était grande, plus elle était âgée (Jeanne Calment a fini sa vie à 5 mètres 92 dans ma logique).
C'est l'hiver, je suis encore toute enfarinée, mon corps ne s'est pas réveillé.
Le groupe se sépare et naturellement, je la raccompagne dans la direction de son bus. Je ne me pose même pas la question. Quand on arrive à son arrêt, elle rougit puis me remercie longuement de ne pas l'avoir laissée attendre seule.
Je suis un peu abasourdie puis je sens que des petites décharges électriques remontent de ma colonne.
Les filles ne m'ayant pas intéressée pendant 30 ans, le lesbianisme politique a longtemps été politique avant de devenir concret.
Je reprenais une vie amoureuse de zéro, sans les mauvaises habitudes patriarcales, si possible, et je n'avais pas encore considéré le jour où j'aurai vraiment de l'attirance pour une femme.
Mais voilà, elle était grande, blonde, drôle, intelligente, polyglotte, anglaise, et je me suis retrouvée comme un petit moustique dans son aura. Déjà bien éblouie par mes propres sensations nouvelles.
On discute des semaines à venir, de quand on refera du militantisme ensemble, et elle me prévient qu'elle ne sera pas dispo pendant quelques jours parce que "sa meuf est Paris".
Je me suis sûrement mise à sourire comme une teubé. La déception qu'elle soit déjà prise aurait pu arriver aussi vite, mais 1) c'est pas parce que j'ai arrêté les mecs que j'ai une subite envie de me mettre en couple et 2) j'avais eu ma première crush IRL sur une meuf compatible sexuellement et that's a bingo.
Mon, la douche froide est arrivée peu après quand j'ai appris qu'elle avait 19 ans et qu'elle était donc plus jeune que deux de mes neveux à qui j'ai changé les couches.
Depuis, je ne rencontre que des vingtenaires, et c'est avec elles que je m'entends clairement le mieux. Certaines ont beau me dire que la différence ne se voyant pas (elles pensent toutes que j'ai leur âge avant que je le précise ou qu'une obscure référence des années 90 ne me trahisse), c'est pas problématique, je reste super gênée par ce gouffre d'une dizaine d'années entre nous. Surtout à cette période de nos vies, elles sont toujours étudiantes, ou en tout cas vivent tout comme, et je suis dans la vie active depuis 10 ans. Flirter avec ces meufs reviendrait, pour moi, à être ce dude creepy à la sortie des écoles.
Bizarrement, ça me gênait moins avec les mecs. Mais je passais rarement plus de 24h avec eux. Mais même au fond de mon alcoolémie de retour de boîte, je m'assurais qu'ils étaient toujours et tous majeurs. C'est vous dire où ça se place sur l'échelle de mes valeurs.
Je ne l'ai jamais revue. Le confinement. Pas sûr qu'elle soit restée en France ou qu'elle ait pu y revenir. La vie. De toute façon : sa meuf. Bref, c'était une jolie première expérience sensorielle. J'ai 12 ans à nouveau.
Depuis, il y a eu deux ou trois crushs, très très sages. Je suis la woman alpha, celle qui drague, c'était le cas avec les mecs, c'est bien parti pour l'être avec les filles.
Des problèmes s'enfilent à l'horizon, dus à mon anxiété naturelle : et si elles veulent plus ? et si je fais du mal à une femme alors que je me bats contre ça tous les jours ? et si elles s'aperçoivent que mon corps, lui, n'a plus 20 ans ?
Le chat n'absorbe pas toujours mes élans de manque de tendresse. Côté orgasmes, je suis en auto-suffisance parfaite, mais la nature humaine me fait parfois chercher du lien là où cela n'est pas encore possible. Ce qui est formidable, c'est que j'en ai conscience.
Et quand je me projette, nouer un contact humain, avec tout ce que cela peut entraîner, me fait bien plus peur que rester dans ma zone de confort et attendre de voir.
Mes amies d'avant, elles, en sont encore à me poser des questions sur celui avec qui il ne s'est rien passé, qui, s'il ne partira jamais vraiment, s'il est à l'origine de tout ce chambardement de vie, s'il est peut-être mort à l'heure qu'il est pour ce que j'en sais, ne fait plus partie de mes préoccupations.
Je tiens à avancer lentement, et respecter mon rythme. Peut-être que je resterai seule toute ma vie, j'ai survécu 30 ans ainsi, après tout. Cela m'effraie bien moins que retomber amoureuse un jour, si je suis honnête.
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