Après trois ans de thérapie, mon trouble de la personnalité a un taux de stabilisation à 70%. Il semblerait que, pour une fois, je sois tombée du bon côté des statistiques.
J'ai eu de bonnes pioches et des plus mauvaises question thérapeutes, mais j'ai enfin mis la main sur un psychiatre perle rare (eh oui, il reste un homme dans ma vie, mais j'ai toujours vu les soignants comme "neutres", ce qui faisait beaucoup marrer Jean-Michel blague mon ancien bad-psy-Freudien-mais-gratuit).
On en a chié pour trouver une molécule que je supportais. Les effets secondaires m'ont complètement détraquée. J'ai passé l'été dernier à brûler de l'intérieur et tenter de ne pas m'évanouir, puis l'automne à insomnier et voir mes membres trembler sans raison. Enfin, mon système digestif est parti en roue-libre.
Et me voilà, depuis quelques semaines, à sursauter, à me retourner toutes les cinq secondes, à faire tomber des objets comme si j'avais les mains couvertes d'huile.
Bien sûr, dès que des trucs chelous apparaissent, je commence à stresser : est-ce que je rejette le nouveau traitement ? Est-ce que c'est un nouveau trauma qui resurgit maintenant que les autres se font plus sages ?
Non. Très clairement, mes deux psys, sans se concerter, se sont mis d'accord : je souffre de ne pas souffrir.
Ah.
Vu que j'ai arrêté l'hétérosexualité, le remède ne sera clairement pas de faire appel à un Christian Grey au rabais qui me fouettera jusqu'à me faire oublier mes symptômes.
Non. Il faut attendre.
Parce que tout cela est une bonne nouvelle. Ca veut dire que je vais mieux. Tellement mieux que ma carcasse, habituée à ce que tout déraille à tout moment, se demande ce qui nous arrive. On n'a pas l'habitude que rien n'aille mal...
Aucun drame, aucune catastrophe. Rien à nous mettre sous la dent. Alors on guette, on se tient prêt.e.s.
Ca s'appelle l'hypervigilance. A peu près toutes les victimes de traumas connaissent ça. Mais souvent, c'est lié à une résurgence d'un élément leur rappelant le dit trauma. Pas l'absence de toute aiguille dans la botte de foin.
Qu'est-ce que ça me fait d'être en stabilisation ?
Eh bien, ça me déprime.
On ne change pas une équipe qui gagne. C'est mon mode par défaut et je n'allais pas, du jour au lendemain, me réjouir et voir la vie en rose.
J'ai une sorte de nostalgie fucked-up de la moi du passé, si passionnée, si pleine d'émotions tempétueuses qu'elle souffrait à chaque pas mais se sentait vivante.
Je ne vous cache pas, ami.e.s neurotypiques, que votre gamme de sentiments est un peu déceptive, par rapport à ce que j'ai pu connaître. Je flotte dans un univers beige, fade, sans conséquence. Rien n'est grave. Rien n'est exaltant. J'existe. Le temps passe.
Bien sûr, les souvenirs ne sont que des réécritures de ce qu'on a vraiment vécu. La Johnson malade, sans le sou pour se faire aider, encouragée dans ses travers par des cismecs qui se sont bien servis de son trouble à leur avantage, était loin d'être un idéal. C'était même un danger pour elle-même.
Alors oui, j'en suis à la point où je me dis "tout ça pour ça" ? Tous ces efforts pour une vie "meeeh", parce que je suis distordue par le "c'était mieux avant", alors que rationnellement je sais que c'est faux.
Sur l'écran mastoc de mon PC d'adolescence, j'avais collé un post-it qui y est resté pendant une bonne décennie. Dessus, notée à la va-vite, une phrase tirée des paroles de la chanson Dakota de Stereophonics.
I don't know where we are going now.
...But i guess, we're still going on.
And that's that.
C'est comme commencerbun nouveau bouquin avec un début chiant. Faut lire la suite pour savoir si ça s'améliorera.
RépondreSupprimerOn a réglé pas mal de problèmes mais pas encore celui de mon impatience pathologique !
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