Dans la vie, il y a peu de choses dont je suis aussi certaine que : je ne crois pas en quelque dieu que ce soit / je ne veux pas d'enfants / Descartes est un incapable et la seule vérité indubitable c'est qu'on va tous crever.
J'ai quelques lignes directrices : si ça va pas, écoute de la musique / la vie est trop courte pour s'interdire de manger des trucs bons / les animaux ont tout compris et personne ne les écoute / mieux vaut avoir des remords que des regrets / ACAB / Yes all men / dors et mange avant de prendre une décision.
Ca aide un peu à naviguer l'absurdité ambiante qui compose nos existences. Nous, c'est ma génération. Celle qui n'est ni boomeuse, ni digital native. L'entre-deux qui sait pas où s'assoir. Qui a longtemps été "ni de droite, ni de gauche" avant de tomber dans ce qui est extrême pour les autres.
La génération qui a regardé deux tours new yorkaises se fracasser à l'heure du goûter, à la place des minikeums.
La génération qui s'est fait tirer dessus, un doux soir de novembre, juste parce qu'elle profitait de la vie.
La génération qui en fait trop selon les vieux et pas assez selon les Greta en herbe.
La génération qui perd chaque année un peu plus de repères en l'acceptant, en tentant de s'adapter, éternellement maladroite.
La génération qui, quand elle s'est pris une épidémie mondiale sur la gueule, s'en est pas tout à fait remise.
Autour de moi, le vide du sens est général. Les gens qui le peuvent changent de région, de famille, de job, de pays, de drogue de choix.
Nous n'avons même plus la nuit pour évacuer tous les maux et nous retrouver. Bien souvent, pour les femmes, on en sortait pas entières non plus, mais on aurait sans doute préféré un entre deux.
A quoi bon les manifs ? A quoi bon le militantisme ? A quoi bon trier ses déchets, fermer le robinet, baisser le radiateur ? A quoi bon vivre vieilles et vieux ?
A quoi bon écrire au ministère des affaires étrangères une vingtaine de mails en deux jours recensant les noms des proches d'une poignée d'afghans qui allaient sûrement mourir si on ne les rapatriait pas ?
A quoi bon commencer à être suivie par un job coach quand j'ai qu'une envie : dormir toute la vie ?
A quoi bon me soigner, à coup de 300e par mois non remboursés, si c'est pour vivre d'autres tragédies en live ?
A quoi bon voter si c'est pour toujours faire barrage ?
A quoi bon aimer puisque rien ne dure ?
Je flotte dans cet état et, pour la première fois, tout mon entourage m'a rejoint. Le but, c'était un peu l'inverse, je vous le cache pas.
On est tous perdu.e.s, sur une planète qui brûle, à éviter les actualités les jours où on a pas assez le moral, à faire ce qu'on peut, à se recroqueviller sur nous mêmes et nos petits plaisirs pour ne pas trop penser à demain.
Mes propres psys sont en burnout.
Je n'ai plus vraiment d'idoles.
Je passe mes rêves à crier sur celleux qui m'ont fait du mal, à défaut de le faire en vrai.
Quand je le peux, j'écris des lettres de remerciement qui me demandent beaucoup, émotionnellement. Des lettres aux quelques personnes dont le cœur pur m'est venu en aide et a évité que ce soit encore pire.
Je n'arrive ni à lire, ni à écrire, trop peu à découvrir de nouvelleaux artistes.
J'aurais envie de changer de pays toutes les semaines, de me noyer dans le dédale de rues méconnues, de croiser des nouveaux visages, sans attaches, de tuer cette routine qui me maintient à flots.
A la place, je mets les derniers clous dans le cercueil des huit dernières années de ma vie sans savoir en quoi je serai réincarnée. Ou si je le serai.
Je mets les voile avec une seule certitude, en fin de compte, c'est que maintenant, si j'ai envie de crier, j'aurai toujours quelqu'un pour m'écouter.
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