lundi 8 mai 2023

The day after I had counted down all of your friends

 



Qu'est-ce qui se passe si on trimballe par mégarde une fourmi sur soi ? Que la bestiole était là, à faire sa vie, à chercher de la nourriture pour la famillia, et d'un coup, elle se retrouve transportée à des kilomètres de là, éloignée des siens vraisemblablement pour toujours ?

Est-ce que cette fourmi va vivre sa vie, résignée, en solo ? Est-ce qu'elle va passer de longues heures en pleine introspection, rendue inadaptée par son exil ? Quel est son rôle maintenant qu'elle ne fait plus partie d'une société ? Est-ce que cet insecte va se découvrir, oh surprise, une vie intérieure riche et explorer des endroits qu'elle n'aurait jamais eu la chance de parcourir auparavant ? Rendant son expérience de l'existence unique - mais aussi tragiquement inconnue par ses soeurs... 

Ou est-ce que la fourmi va tenter le tout pour le tout pour rentrer au bercail et reprendre son boulot à l'usine pour servir bien sagement sa reine avec la paix de l'esprit de se savoir "à sa place" ? 

Ouais. Qu'est-ce qu'on ferait pas pour repousser le moment de s'attaquer à un nouveau chapitre de traduction. 

Parce que c'est ce que je suis devenue, by the way, pour ceux qui ne suivent qu'ici ou de très loin, et l'été, je bosse depuis ma courette, tandis que la chatte fait des galipettes et que les fourmis, donc, fourmillent. 

J'ai le regard fixé sur l'énergumène qui découvre avec joie la grosse miette de ma viennoiserie que je lui ai laissé pour qu'elle cesse de me harceler, je me demande si c'était une bonne tactique, et si je ne vais pas du coup, attirer toutes ses collègues sur la table branlante qui me sert de bureau. 

D'ici j'entends le bruit des oiseaux et le chant du camion-poubelle, c'est rassurant, je fais toujours partie des vivants - mais sans prendre le risque que quiconque m'adresse la parole.

On est le 8 mai. Entre deux manifestations, Macron défile seul sur les Champs-Elysées, et pour moi, cette journée ne diffère pas des autres : je me lève quand mon hypersomnie me le permet (15h, aujourd'hui, score moyen, qui me fait soupirer de lassitude par avance, parce que je vais devoir caser mes à peu près 5h de boulot quotidien entre divers tâches fort passionnantes comme : me sustenter, céder aux revendications du syndicat des félins local, faire deux-trois courses pour 42€ (coucou l'inflation) je sais plus où j'en suis dans cette parenthèse donc je vais la clore comme une piscine)

J'ai mis la musique tout bas pour déranger si les oiseaux, ni les camions-poubelle, ni les voisins, qui sont sans doute pas là, vu que c'est les vacances pour les gens à horaires dictés par leur progéniture et/ou le gouvernement.

C'est aussi ça, la vie de free-lance, ne plus savoir exactement quelle date on est, et comme y a plus de saisons, ma bonne dame, on ne peut pas se fier à la météo. Là, par exemple, le ciel est chargé comme Bob Marley, mais je suis en tee-shirt (merch We Are Scientists, avec le chat noir qui fume, tmtc, merci Olivia). 

J'ai été plutôt sympa avec moi-même en ce jour férié, et en plus de m'être racheté du coca (#ladrogue) et du chocolat (le lindt au citron qui va au frigo, là), je me suis laissée commencer par le chapitre de l'œuvre la plus mauvaise des deux que j'ai à traduire simultanément. 

La plus mauvaise mais la plus facile à traduire, parce que je suis au tome 4, donc je commence à avoir tellement l'habitude de ce que je tape que parfois je le fais les yeux fermés en pensant à la France (#MacronDémission, #DarmaninPrison). Ca vole tellement pas haut que j'ai même arrêté de me rengorger à chaque problème de continuité, à chaque action teubé de l'héroïne et à chaque fois que les personnages agissent de la putain d'exacte même façon qu'au tome 1 (degré zéro de l'évolution, je pense qu'à ce rythme on est partis pour 200 tomes). 

La meilleure des deux me tient à cœur, et du coup j'attends qu'il soit un peu plus tard dans cette journée pour m'y concentrer un peu plus sérieusement. Je bosse mieux le soir, ça a toujours été. Les matins n'ont jamais existé dans ma vie. Mais ça veut pas dire qu'en me réveillant à 15h, je suis fraiche comme la rosée et prête à affronter l'avenir le sourire brillant et une rose entre les lèvres. Non. J'ai la tête dans le pâté de la même façon que vous dans le métro à 8 du mat'. 

Une fois mon devoir accompli, j'irai m'étendre entre deux chats sur mon lit une place, dans mon appart à 16 % remboursé. Regarder mes épisodes de séries en retard en me disant qu'heureusement que j'ai une liste de films en retard parce que ça va m'occuper pendant les conséquences de la grève des scénaristes d'Hollywood. 

J'attendrai des jours meilleurs qui ne viendront pas, parce que le cycle de ma maladie veut que là, on est "pas trop mal", donc ce qui arrive ne peut être qu'une descente (parfois précédée d'un épisode maniaque où on se tape tout ce qui bouge, on casse des trucs, et on laisse la personnalité dépressive gérer les conséquences de nos actions).

Je parcourrai les réseaux sociaux pour avoir l'impression de faire partie du monde, même si, quand je participe très occasionnellement, je pisse dans des contrebasses.

Et puis je me programmerai des heures de podcast de True Crime pendant lesquels je m'endormirai sans savoir qui est le tueur (c'est toujours le mari) avant de me réveiller d'un énième cauchemar sur les coups de six du mat' et de me rassurer en me disant que j'ai tout le temps de me reposer, je ne suis qu'au milieu de ma nuit. 

Je ne suis qu'au milieu de ma nuit... 


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