[They put him away for all to see / 'Cause they were afraid of what he could be]
Une lueur de panique traverse ses yeux. "Vous êtes sûre ? Mais quand exactement ? Mais vous êtes sûre ?".
Il parle très vite, perd son sourire, et me demande de m'allonger. Je lui demande s'il faut que je me déshabille. Il me dit non. Que c'est assez léger ce que je porte. Qu'il va y arriver quand même.
Je le regarde avec un sourcil levé.
Je pensais qu'il allait me dire que j'avais une otite, un virus passager. Mais ce docteur est entrain de me prendre un rendez-vous en urgence avec un neurologue.
Il revient prendre ma tension et la trouve une peu élevée. J'ai envie de lui dire "duh" mais il est si paniqué que limite je le prendrais bien dans mes bras.
Il me dit "c'est pas loin d'ici", et me décrit comment faire pour y aller.
En trois rues, que je traverse en glissant sur les talons de mes nouvelles bottes qui n'adhèrent pas tellement avec le sol parisien mouillé, je me remémore les mots du généraliste "C'pas un AVC hein mais on va quand même appeler mon collègue... bon... c'est un spécialiste de Parkinson... Il est près des abattoirs.".
Je suis déjà murée dans mon silence religieux des moments de crise. L'humour, je le garde pour twitter, où raconter ce que je vis m'aide à le réaliser.
"Vous inquiétez pas, il a un accent d'Europe centrale le neurologue mais il est très compétent."
Très compétent. Très accessible. J'entre 20 minutes après mon arrivée dans son cabinet.
Il me touche les deux joues. Me dit que la droite est plus sèche que la gauche. Et là, il cherche sur son ordi.
J'ai un peu peur qu'il se connecte sur doctissimo et puis finalement il prend son portable, d'un air soucieux, et téléphone à à peu près tout son répertoire. Il y a un silence de mort, et j'entends tout.
Les ORL, ou ses confrères neurologues, tous disent "ah mais c'est un AVC" "mais non, elle a 22 ans." je ne le corrige pas, j'en ai 23, mais plus les chiffres sont bas, moins j'ai de chance qu'ils me traitent pour une maladie de vieux.
Puis il parle avec un pharmacien, d'un traitement éventuel pour éliminer un virus quelconque. Il dit "non, on va quand même pas lui donner ça. Si ? Si ? Ok.".
Il repose le téléphone. Il me dit "on faire une IRM cérébrale. Il faut qu'on voit ce qui se passe à l'intérieur.". J'ai même pas le réflexe de lui répondre "That's what they said !". Il me donne une liste de numéros à appeler à la première heure. Il me dit que si personne ne peut me prendre dans la journée, que je l'appelle sur son portable. Que je le fasse, surtout.
Oui oui.
Je ramasse mes affaires. Je signe un deuxième chèque. Je fais les deux en même temps.
Je manque de me prendre deux portes. Je me bats pour sortir mon parapluie. Les gens me regardent bizarrement. Différemment ? dans la rue...
Je me réfugie dans la pharmacie la plus accueillante de la place d'Italie. Je ne comprends pas trop pourquoi il y a un silence gêné devant mon ordonnance. Je comprendrai après, en lisant la notice, qu'il s'agit d'un traitement souvent prescrit pour lutter contre l'herpès génital. Blague.
Bizarrement, je ne ris pas trop. Je replie la notice. La ligne 7 m'emmène à Opéra. Je trébuche le long du boulevard des Italiens. Je me fais siffler. Je crois. Je tremble un peu.
Je n'ai pas soif, pas faim. Il reste une place pour moi dans le restaurant.
"Toi, tu es malade ?"
"Non non."
C'est pas faux. Tant que personne n'a trouvé, je ne suis pas malade. Schrödinger me. All over again.
Quelques blagues sur mon chat mort qui ne me touchent presque pas. Un refus d'alcool.
Un câlin.
C'est au câlin que je me suis dit que rien n'allait plus.
Je suis rentrée chez moi, presque soulagée d'y être parvenue. Du répit qui m'attendait. De retrouver des normes, des objets connus. Des murs. Je me suis endormie bercée par le murmure d'internet qui implosait. Envoyant une vague de "J'ai pas trop trop envie d'en parler maintenant..."
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