jeudi 11 avril 2013

You clear your throat you raise your eyebrow but you don't say


Dans ce marasme de non-ressenti universel persistant, le nouvel appartement m'a tout de même arraché quelques sourires.

Les voyages s'empilent. Le travail prend toute sa mesure tentaculaire sur ma vie.

J'arrête twitter, je n'ai plus le temps pour le blog de l'hormone, des amis commencent déjà à me reprocher de ne plus donner de nouvelles.

Oui. Bon. Je suis éditeuse. J'ai pas le temps.

Ma routine c'est plutôt Boulot - Bistrot - Dodo. Pour oublier que je suis l'esclave de ma passion.

Si on m'avait dit où je finirai quand je hantais les étagères de la bibliothèque municipale de Trouducul-les-oies dans ma tendre enfance, j'aurais haussé les épaules en disant "mais nan mais moi j'aurai une maison à la campagne avec un mari des enfants aux prénoms chelou et je serai décoratrice d'intérieur/chanteuse.".

Quand on connait mon timbre de voix et ma capacité à saloper une pièce en 12h à peine, on rit bien fort.

Lorsque j'étais ado, une de mes raisons de vivre était ce blog. L'occasion de montrer au monde que je n'étais pas juste le fruit du jeunadultisme ignoble qui parcourait les couloirs d'un lycée trop petit pour ses ambitions. Régulièrement, on me disait que j'écrivais bien, et c'était pour moi comme si on décernait une médaille d'or aux J.O.
Le plus grand compliment qu'on puisse me faire.
De l'amour en barres.
Ma drogue.

L'écriture passe avant les garçons, mais j'aurai toujours l'écriture - au moins celle des autres.

Depuis que je suis parvenue, un peu trop tôt ?, c'est un fait acquis. J'édite, je rewrite, je relis, je corrige le gloubiboulga de mes auteurs, je tranche, je biffe, j'étire, je sarcle. Ce que je n'ai jamais réussi à faire sur mes propres textes.

Les gens se bousculent au portillon de ma collection, de mon linkedin, je suis en passe d'embaucher des gens qui - dans une autre vie - m'ont estimée pas assez douée pour être leur subalterne.

Je ne me rends infiniment pas compte de ce qui m'arrive, de la vitesse à laquelle c'est arrivé, de ce que cela représente, à l'échelle d'une vie, d'être responsable de collection à 25 ans. D'avoir déjà une vingtaine d'auteurs et un planning 2013 de 50 titres. De tout faire, de A à Z, comme ce type très étrange qui a été mon premier boss à Paris. Une sorte de quiproquo improbable m'avait placée derrière un bureau du 6e arrondissement, j'étais son ombre quand il n'était pas là, j'avais déjà des rênes trop grands pour mes petites mains. J'ai fait beaucoup de n'importe quoi - comme tout le monde au début, je n'ai jamais trop reparlé à ce type, il a quand même édité, quelques années plus tard, le bouquin que j'avais repéré.

J'avais servi à quelque chose.

C'est là que j'ai rencontré les gens déterminants de ma vie actuelle.

Je ne suis plus tellement germanopratine. J'ai compris que mon intérêt n'était pas l'élitisme pendant la crise. J'ai compris que l'élitisme n'avait que très peu d'intérêt. Je préfère l'académisme de loin. Comme un Panthéon qui se découpe dans le soir.

Ma Sorbonne me dit que je lui fais honte mais salue mon parcours et me demande de venir témoigner. Pas de bol, c'est le jour où j'ai changé de rive, d'appart', de rectangle où dormir et s'enfermer.

Je crois que mon parcours restera définitivement le mien, et seulement le mien, que personne ne saura tout à fait ce que ça m'a coûté, ce que j'ai traversé, ce que j'ai subi, comment je l'ai fait.

Et personne ne me dira jamais "Woah Johnson, si j'avais su que tu parviendrai à ça !"
Parce que tout le monde savait.
Tout le monde savait sauf moi.

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