jeudi 18 février 2016

[Dubliner #1 - Intro ] To live is the rarest thing in the world. Most people exist, that is all.



Certains vont dire que j’atteins des sommets de tié-pi, d'autres célébrer mon sens farouche de l'indépendance, mais toujours est-il que je vous écris le cul sur un lit deux places, le dos calé par moult oreillers moelleux, entourée d'une lumière tamisée, depuis... Dublin.

Dublin où je me suis rendu seule parce "oh hey hein bon attendre c'est pour les faibles" et à force d'attendre après les autres on passe à côté de sa vie. Et on passe à côté de plein de bières, aussi. 

[IMMEUBLE DE BIERES]

Donc comme aucune de mes amies ne m'aime assez pour m'accompagner quatre malheureux jours à 1h30 de Paris (/fin de la culpabilisation), j'ai pris mon courage à bras le corps et j'ai enlacé Marlowe pour lui dire au revoir. 

Le sommeil en bandoulière, j'ai fait une heure de RER B (ressenti : l'éternité + un siècle) et je me suis démerdée comme une grande dans Roissy, même pour affronter ma peur des portiques de sécurité qui sonnent tout le temps quand c'est moi et que je finis toujours par me faire palper. Et c'est jamais par Tom Hiddleston.

Avance rapide. Descente sur Dudu. J'ai le nez collé au hublot (mais genre physiquement, toute la zone T paf sur la vitre) et j'admire la mer, et tout ce vert, et cette île et ohputainilvientdefaireunvirage à180ensepenchantlatéralement. Oui, j'ai peur du vide. J'ai peur dans les endroits confinés. J'ai peur de la mer. ALORS L'AVION TU PENSES.

Spoiler alert : je suis en vie. Je retiendrai cette vue, MAIS CETTE VUE. Et le fait que quand j'ai reregardé une fois qu'on était posés, j'ai croisé trois quatre paire d'yeux dubitatifs. 
A Dublin, il y a des ovins entre les pistes d’atterrissage. A Paris, on a des lapins. C'est bien les lapins, mais ça te dévisage pas à travers ton hublot. Du coup, Dublin 1 - Paris 0. 

Autant Paris c'est la galère niveau connexions des transports, autant là je suis sortie, j'ai fait pipi - oui, j'ai PEUR en avion - et en 10 minutes top chrono j'étais déjà dans un bus avec wifi sur l'autoroute du bonheur.

En arrivant, je croise le palais des congrès local (le O2, ils s'appellent tous comme ça de toute façon, au royaume-uni), des sculptures, la Liffey (la Seine de ici), un parc expo, un truc de finance, le Jeanie Johnston (un bateau/musée de la famine) et puis je rate mon arrêt et je me retrouve sur O'connell Street (LA grosse artère de la rive droite).



Parce que oui, à Paris je vis rive gauche (NE ME JUGEZ PAS) mais à Dublin, j'ai fait péter la rive droite. Sauf que je comprendrai vite qu'ici, c'est l'inverse, les pauvres au nord, les riches au sud, comme à London. 

Je suis à peine sortie du bus que j'entends des français partout. C'est, dans tous les pays du monde, la première réflexion que je me fais "oh merde des français". Toujours. Et ça m'agace. Je vais finir par aller en Corse, histoire d'être tranquille. Ou en Bretagne.

Je commence à me dire que c'est bien moche ici, que j'ai raté mon arrêt et qu'en plus c'est pas dépaysant et que je suis toute seule pendant 4 jours et que je risque de basculer une bonne fois pour toute dans la folie et y a des travaux partout et j'AIME PAS les travaux et ouaaaaaiiiin... QUAND TOUT A COUP :

Un roux.

Alors là, ça repart comme après deux Mars, parce que justement, avant que je parte, on m'a chargé de compter les roux. Ca donne un sens à ma vie. Je suis revigorée. 



[Par-tout]

Le bon côté de l'arrêt loupé, c'est que je peux pas me perdre, vu que j'ai fait la route en sens inverse. Je remonte donc la rue vers l'hôtel et là...

UN ROUX.

Je compte deux dans ma tête et je souris fort. 
Je reprends mon chemin en trottinant et là : deux roux, une rousse et deux enfants roux sur 10 mètres.
Donc 1) à Stockholm les blonds ne sont pas blonds, mais à Dublin les roux sont bien roux, 2) y en a beaucoup trop pour que je les compte, et ma vie n'a donc plus aucun sens à nouveau

Heureusement, j'ai choisi un hôtel qui a vue sur le musée des écrivains, et je me souviens alors de pourquoi Dublin.

Je rentre dans l'hôtel et je suis accueillie par un Russe. Un RUSSE. Je passe mon temps à partir à l'étranger pour fuir des Russes depuis 2010 et il faut que le type qui possède le sésame de mes nuits soit un PUTAIN DE BOLCHEVIK ?! 
Nous l'appellerons Jean-Pravda pour plus de commodité. 
Parce que c'est presque Prada. Comme son hôtel. 

Parce que ouais, quitte à partir seule, je voulais pas en plus être en infériorité numérique avec des fous dingues dans un dortoir qui sent la bière froide. Alors j'ai craqué pour une chambre avec salle de bain qui, sur les photos, ressemblait au Charles V mais, sur tripadvisor devenait rapidement "y avait pas de fenêtre à ma chambre". Sauf que j'avais pas les moyens de me payer autre chose et que cet hôtel est à côté de la Spire. Cette grosse aiguille monumentale qu'on sait pas trop à quoi elle sert (car elle n'a pas l'excuse bidon de faire antenne comme la Tour Eiffel), et comme je me perds tout le temps, je me démerde pour habiter pas loin de gros trucs repérables à des kilomètres. A Londres c'est la tour de télécom et bah là c'est le/la spire. 

Sauf que je suis passée à côté 4 fois sans la voir. Quatre fois.

Regardez-moi ce truc :



Je devrais demander ma carte handicap. Mes amis y pensent sérieusement, même s'ils ne le disent pas tout haut. 

Bon, Jean-Pravda me dévore des yeux en roulant les "R" et me donne une sorte de rendez-vous discount au petit-dej. J'ose pas lui dire que no way je me lève avant 9h pour aller bouffer "les trucs qui ont pas touché le bacon et les saucisses". Pour la première fois de ma vie, un Russe semble me kiffer. Je me méfie. Je me dis qu'il va me filer la geôle sans fenêtres avec des cafards à la place du PQ. 
Je prends les clefs qu'il me tend, on s'échange mille amabilités dans un anglais à-peu-presque (moi à cause de la fatigue, d'un stress sur lequel on reviendra plus tard, et de la bière du midi sur laquelle on reviendra pas parce que c'tait une bière indienne et que bon, c'est pas le sujet), Jean-Pravda m'appelle "Johnsina", alors qu'il avait mon ID dans les mains y a deux minutes et qu'il sait TRÈS BIEN que c'est pas ça. Je mets 3,5 secondes à comprendre qu'il flirte. Et je me dis "c'est chelou un russe qui flirte et qui travaille où tu habites".
Bref, je m'éloigne. 
Il m'a dit que c'était au premier étage mais moi, entre mes oreilles avionnées, son anglais patchouli et ma peur terrible de me retrouver dans un cachot à faire caca dans un seau, j'ai compris "fourth". 
Cet hôtel est tellement un putain de labyrinthe qu'à côté Shining c'est un sudoku level 1.

A chaque trompage, à chaque demi-tour, je me dis "ohputainohputainohputain je vais me retrouver dans un grenier avec la mère empaillée de Jean-Pravda dans un rocking-chair". 
Là, vous vous dites que je suis une grosse parano qui exagère toujours tout, et vous n'avez pas tort, mais il vous manque quand même un détail.
Je suis arrivée en mode early bird quand les femmes de ménage étaient encore à l'oeuvre, et devant les 9/10e des chambres, il y avait 3 à 4 cadavres de bouteilles d'alcool fort.

Gnagnangna "Pic or it didn't happen!" 

[DANS TA FACE LE LECTEUR !]

'K là c'est du vin, mais c'est le seul endroit où les housekeepers me voyaient pas. (Au passage, vous noterez le budget moquette.) 
Je finis par trouver ma porte. Il y a "13" dans le numéro de ma chambre, je suis au sommet de l’Himalaya de l'angoisse.

J'ouvre, j'ose un pied, puis un œil. 
Et là, oh magie, c'est comme sur la photo. 



Et, si vous avez bien suivi le premier paragraphe de cette note, 7 kilomètres 8 plus haut, le lit est double.
J'en conclus que Jean-Pravda s'est dit que s'il y avait moyen de moyenner de la frenchie en single room, il voulait être confort.

Je mets un bon quart d'heure à oser aller vérifier que la salle de bain n'est pas un trou dans le sol et quand je parviens à surmonter ce qu'il reste de ma frousse c'est miraculeux : elle vient tellement d'être refaite que la peinture est fraîche. 
(Je vous épargne la photo des wawa, mais sachez que j'en ai prise une)(parce que MERDE c'est ma première chambre de vrai hôtel d'adulte quoi)(c'est MES wawas)(pour quatre nuits...).

Bon, la vue n'est pas super :


MAIS J'AI UNE VUE !

Revigorée, je m'arme de mon tote-bag We Are Scientists et je sors d'un pas décidé affronter les pavés de Dublin, même par 0°, j'ai pas peur, parce que j'ai retrouvé pourquoi Dublin. 

J'ai rendez-vous avec young O'...

(Mais ça c'est pour demaing)

1 commentaire:

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