Ce qui est arrivé est très cynique. Absolument injuste. Et incroyablement ironique.
Depuis quelques jours, Facebook me renvoyait les souvenirs d'il y a un an, de la convalescence de Marlowe (autrement connu comme Marlito, Mojito, Maaaarrête d'être dans mes jaaaambes).
Je l'ai regardé avec amour, posé à côté de moi sur le canap (mon lieu de travail), en me disant qu'un an était passé et qu'on était enfin sortis de cette période horrible. Cauchemardesque. Des dettes. De la souffrance. De la peur de se perdre l'un l'autre.
Quand je le fixais trop longtemps il finissait par paresseusement lever la tête et me gratifier d'un "Vrrrou ?" interrogatif. Du genre "qu'est-ce tu me veux ?"
Alors j'abandonnais mon ordi pour aller faire une pause "gratouille derrière les oreilles". Il fermait les yeux d'aise. Je lui murmurais que tant qu'on était ensemble tout irait bien.
Quand je l'ai embarqué chez le véto et que je l'ai glissé dans son panier, je lui ai promis qu'on partait pour une grande aventure (!)
Quand je l'ai vu pour la dernière fois, dimanche matin, j'ai utilisé la méthode Coué qui ne me ressemble absolument pas et je lui ai promis, en serrant sa petite tête, que "tout allait bien se passer".
Life is shit and then you die.
Ca a été son cas. Il a eu une mort atroce. Ca servait à rien que je demande à sa véto s'il avait souffert. Je me fais pas d'illusion.
C'était un angoissé de la vie, pour ça on s'était bien trouvés. C'est ce que son doc a dit : "ne culpabilisez pas, s'il était tombé sur qui que ce soit d'autre que vous, il aurait été incompris et mal traité, vous l'imaginez dans une famille avec trois gosses ?"
Oh hell no.
Marlowe était un bébé dans un corps d'adulte qui voulait jouer au grand, rouler des mécaniques maladroitement et garder une espèce de dignité qui ne trompait personne.
L'hiver, il dormait entre mes jambes, par dessus la couverture, me clouant au lit de ses 5,5 kilos. M'empêchant d'aller où que ce soit.
Les minutes que je passais enfermée dans la petite pièce verrouillée avec la bassine-à-eau-qui-fait-du-bruit-et-où-on-n'a-pas-le-droit-de-boire étaient une torture pour lui. Il hurlait à la mort. Et puis je ressortais, il avait disparu et m'attendait à ma prochaine destination : près du lavabo de la salle de bain.
Son grand amour fut l'eau, il buvait à s'en rendre malade, se couchait sur l'émail humide et jouer à pécher ses jouets dans une grande bassine lors des vagues de chaleur. Parfois les deux pattes dedans.
Quand il y avait du monde à la maison, il faisait son tour de reniflage, se frottait un peu, puis allait toiser ces gens forcément indignes depuis son mirador, en haut de ma bibliothèque.
Seul le bruit des paquets en plastique le faisait descendre de son perchoir. Persuadé qu'il s'agissait de ses croquettes magiques, il accourait et hurlait comme un damné en manque.
Chaque soir, quand je rentrais, il m'accueillait comme si on ne s'était pas vus depuis 3 semaines. En mode chien. Je me roule à tes pieds et je m'accroche à eux. Je te montre mon bide et réclame des caresses, je me roule et agrippe tes chaussures. Le rituel immuable.
Un des meilleurs souvenirs, c'est celui de l'avoir suivi à la découverte du couloir de notre appart. La grande aventure de sa vie.
Tout fier de me protéger dans cette exploration au combien dangereuse, il faisait des ronds autour de moi et des bonds surexcités, se frottant à ma main en se levant de toute son impressionnante hauteur.
Marlowe était un chat pas suffisamment sevré qui s'attaquait avec les dents à tout ce qu'il trouvait, ses câlins finissaient irrémédiablement par des morsures et il nous léchouillait ensuite pour nous signifier "pas pu m'en empêcher, trop tentant, mais c'pas contre toi, hein !"
Il avait des habitudes dégueu, comme venir se délecter de mon haleine au petit matin, ou après mon café. Comme se coincer la tête dans les chaussures de sport de mes colocs.
J'avais fini par tout lui pardonner.
J'avais fini par croire, avec toutes les frayeurs et les mauvais pas dépassés, qu'il était mon petit survivor et que plus rien ne le terrasserait.
C'est assez tranquillement que je l'ai emmené chez cette nouvelle véto. C'est avec une grande surprise que j'ai accueilli la nouvelle qu'il n'allait pas rentrer avec moi.
Ca m'a pris à rebrousse poil. Mais comme je m'étais habituée à cette idée l'année dernière, quand on avait failli le perdre, je n'ai eu qu'à puiser en moi pour trouver une stabilité. Un état d'entre deux. Une dissociation légère.
L'état de choc est confortable. Mon pire cauchemar est devenu réalité. Ce n'est pas la première fois que ça m'arrive. C'est même la troisième. On s'habitue à tout.
On est hyper efficace, quand on est en état de choc. Hyper "to the point".
Je refuse les câlins, parce que ça me ferait pleurer. J'accepte la compagnie, parce que ça m'empêche de pleurer. Je m'auto-persuade que statistiquement la roue va tourner. C'est obligé.
Il faut patienter. Le temps est la réponse à tout.
Il me fera oublier notre vie à tous les deux. La texture de ses poils de chaton, de son pelage d'adulte. Sa truffe toute noire et la tâche sombre sur son palais. Ses yeux changeants. Ses soupirs exaspérés. Ses "Mihihi" fiers quand il rapportait des trophées de chasse. Ses combines pour m'attirer dans la pièce où il souhaitait me voir en hurlant à la mort pour de faux. Ses sauts gigantesques mais à peu presque qui m'ont coûté une arcade sourcilière. Son odeur.
Alors j'en laisse un morceau ici. Et j'irai déposer ses cendres à Deptford Green. A Saint Nicholas Church où repose son illustre homonyme.
My Marl.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Veuillez écrire un truc après le bip visuel : BIP