[Open up your mind, let your fantasies unwind]
Je vous ai menti. Je vous ai dit que j'étais partie en solo dans cette traversée de la Manche en Eurostar, mais en fait, une nouvelle amie prénommée Doris m'a grave entourée pendant tout mon séjour.
Doris, c'est une tempête lambda qui s'est transformée en harpie : "Storm
Doris underwent explosive cyclogenesis labelling it a weather bomb." (c'est la météo officielle du UK qui le dit pas moi). Les rafales sont allées jusqu'à 150km/h, j'avais pas vécu ça depuis l'hiver 99.
Et, si vous connaissez Crazy Ex Girlfriend, vous l'aurez sans doute deviné, j'ai eu cette chanson dans la tête pendant 3 jours :
[Si vous ne regardez pas cette série, c'est que vous avez sans doute accepté de passer à côté du bonheur dans votre vie, et c'est votre choix et je le respecte, mais je vous juge quand même un peu.]
En ce matin du 23 février, j'ai commencé par presque mourir. Alors oui, j'ai un deathwish et je suis très très sensible à l'appel du vide et dépressive et tout ce que vous voulez, mais ça ne m'expliquera jamais pourquoi je suis restée comme deux ronds de flan, sous un arbre vacillant en me disant "il fait un drôle de bruit, mais c'est joliiii".
2 minutes après, une branche d'un fort beau gabarit tombait à 15 centimètres de mon épaule gauche et j'ai eu un rire nerveux assez vrombissant fort heureusement couvert par une autre rafale de ma pote Doris.
Je me suis remise en route pour aller visiter la maison de Charles Dickens, héros de la nation, l'équivalent de notre Zola. Gamin, son père a été jeté en prison pour dette (ce qui a inspiré La Petite Dorrit) ce qui l'a obligé à travailler à 10 ans dans une usine. Cet épisode ne sera connu du grand public que 2 ans après sa mort. Adoubé par Victoria, par la critique et par le grand public, il est mort dans le luxe tout en se battant pour le droit d'auteur (notamment aux US, qui, à l'époque, traduisaient les oeuvres sans rien reverser à l'écrivain). Bref, un bonhomme très intéressant, à la vie pas forcément facile (il a eu une trouzaine d'enfants, mais la moitié sont morts très jeunes, rendant dépressive sa femme dont il se sépara, se fendant d'une lettre publique pour en informer les anglais).
Cela m'a permis de visiter une demeure victorienne et d'avoir une bonne alternative à Downton Abbey question représentation de la vie quotidienne. Je vous avoue que quand j'ai lu que les enfants étaient gardés au grenier, avec le personnel de maison, et qu'ils ne devaient ni être vus ni être entendus, j'ai éclaté d'un rire sardonique.
[A l'époque les cuisines étaient équipées de hérissons qui combattaient la vermine, et je trouve ça trop chouette]
[En vrai, quand ils devenaient ado, ils avaient des chambres, comme ici celle de la belle-sœur de Charles, morte à 17 ans. Son décès enclenchera une remise en question totale des valeurs de l'écrivain et donnera plus de profondeur à ses écrits]
Ce qui me rend Dickens particulièrement sympathique, c'est son choix original d'animal de compagnie. Il a recueilli un corbeau (mon rêve de petite fille) et lui a appris des tours, des imitations et quand il est mort, l'a fait empailler. C'est lui qui a inspiré The Raven d'Edgar Allan Poe.
C'était la dernière occasion que j'avais pour me ramener un souvenir et je me suis jetée sur un livre qui m'a paru une évidence dans la petite boutique du rez-de-chaussée.
Molly Maine Coon dite "Molly Pleine de Grâce" vous présente, en rechignant à peine, l'essai de Matthew Beaumont pré et post facé par Will "I wanna be you" Self sur les errances nocturnes dans Londres. ÉVIDENCE J’ÉCRIS TON NOM.
Après avoir enfourné mon livre souvenir dans ma valise et affronté Doris une dernière fois, il était l'heure pour moi d'aller parcourir de bout en bout Her Majesty's Theater.
Pour 1) me faire fouiller moi et ma valise en entier (mais par un gentleman qui m'offrira le ticket pour le vestiaire pour le coup), 2) retirer mon billet en essayant de faire comprendre mon nom en anglais (c'est toujours une grande victoire pour moi et la personne au guichet quand on arrive enfin à me retrouver), 3) me refaire fouiller avant d'aller déposer la valise au vestiaire qui est dans les bas-fonds du théâtre, 4) remonter, ressortir (parce que j'ai une place de pauvre et qu'à Londres les pauvres entrent par une porte qui donne dehors), 5) me refaire fouiller à l'entrée des sans-le-sou, 6) monter 5 étages et 7) m'asseoir et respirer entre l'éclairagiste et le balcon le plus haut. Tout ça pour LUI :
Le Fantôme et moi avons une longue, longue, longue relation que j'ai mentionnée ici, ici et surtout ici. C'est tout à la fois une fascination littéraire, un coup de cœur musical et une figure rassurante (si) qui me sert d'alter ego dans les moments les plus sombres de ma vie. Non, je ne lui parle pas à voix haute mais oui, je le salue brièvement dès que je passe près de l'opéra Garnier.
Concernant la comédie musicale, ne vous fiez pas au film, assez raté. Prenez vos billets même si vous ne maîtrisez pas totalement l'anglais, c'est avant tout histoire d'ambiance, de décor et de lustres.
Si j'aime autant les comédies musicales, c'est qu'elles sont le piédestal des opprimés et des honnis. De la lie de la société propre sur elle qui fait bien gaffe aux apparences. Elphaba, Quasimodo, Valjean, Le Phantom, tous sont rejetés par la société. La plupart pour leur différence.
J'aime le fait que les gens se pressent depuis 30 ans pour assister à leurs histoires et que celles-ci puissent peut-être changer quelque chose à leurs actions. Je dis bien peut-être.
Qu'elles permettent aux gens "comme tout le monde" d'envisager d'une autre manière les gens "différents".
Le revoir était nécessaire après la frustration intense de la rentrée où je crapahutais dans les coulisses de Mogador pour ce qui aurait dû être un article pour Vampirisme.com et que je ressentais un bonheur intense pour la première fois depuis la mort de mon chat noir. J'ai rencontré l'orchestre, les habilleuses et même celui qui aurait dû être le Fantôme et paf le chien, incendie à Mogador.
Ce qui est toutefois logique, parce qu'on ne vient pas rire impunément au nez (enfin ce qu'il en reste) et à la barbe du Phantom à 2 rues de son habitat naturel.
Pour les connaisseurs il y a deux grandes écoles pour interpréter le Phantom, la première, en mode Joker psychopathe (à la Hugh Panaro, king of Broadway) et la seconde en mode "petite chose émouvante et aimant à pitié qui vous fait chialer votre race" (checkez par exemple la version avec John Owen-Jones)(je te vois couiner Mel G.) et puis il y a la version mitigée cochon d'inde assez géniale de Ramin Karimloo (qui a été figée pour l'éternité sur le DVD du concert du 25e anniversaire au Royal Albert Hall). Ben Forster, mon Phantom du jour, a choisi la première catégorie, et c'est assez rafraîchissant. Beaucoup de fans ont tendance à trouver toutes les excuses du monde à ce maniaque au nom du romantisme. Non, la société l'a rendu fou et il est désormais perdu pour toujours, laissez-le tranquille et surtout arrêtez d'entrer dans son délire : c'est pas en enlevant de jeunes jouvencelles et en les forçant à vivre dans une grotte humide qu'un exclu défiguré trouvera enfin l'amour, BORDEL.
J'aime le fantôme de tout mon petit cœur démoniaque, mais je ne lui souhaite pas ce genre de happy end pour autant.
Je suis allée récupérer ma valise le cœur battant. Prendre la Picadilly Line une dernière fois pour arriver dans un Saint Pancras déserté. Doris a fait annuler tous les trains sauf le mien, elle est sympa Doris. Bon, elle a tué une jeune fille de 29 ans de... Birmingham de la même façon que j'aurais pu mourir quelques heures plus tôt, mais après elle s'est calmée.
J'ai pris ce train me ramenant vers "la maison" en pensant que, décidément, home is where the feels are.
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