jeudi 31 mai 2018

[YUL&I - 14] The moonlit wings reflect the stars


[Ceci n'est pas #LAPLEINELUNE, vous pouvez dormir tranquilles]


Depuis les deux épisodes précédents, mon quartier n'est plus tout à fait le même. Les patrouilles de police sont beaucoup plus nombreuses qu'avant, mais tout aussi inefficaces, car les crackheads sont tous de sortie, en plein jour, à moitié habillés seulement, et poussent des cris de zombie, sûrement parce que leur dealeur est toujours à l'hôpital. Ou qu'on leur a coupé le robinet en représailles. 

Toujours est-il qu'un de mes potes m'a demandé à brûle pourpoint "Mais, Johnson, tu l'aimes ton quartier ?"

J'ai fait le poisson rouge deux secondes avant de répondre : 
"Je crois que... je crois que oui."

Au final, il ne m'est rien arrivé à moi. C'est ça qu'est bien avec les trafics de drogue : tu t'en mêles pas et personne te fait chier. 

Ce que j'ai pas dit, c'est que tout ça me manque déjà, alors que j'y suis encore.
Il y a, niché au creux de mon estomac, un sentiment de dimanche soir d'écolière qui ne veut plus partir.

J'ai passé deux soirées en position du lotus, sur le rebord de ma fenêtre, à juste regarder aller et venir la foule, le soleil se coucher dans un ciel rose, la température chuter et les terrasses se vider.


J'ai passé la 3e soirée de cette semaine à profiter d'une chaude soirée avec un semblant de groupe d'ami retrouvé. Prenant un plaisir certain à redonner le sourire à une pote, tandis que les autres m'apprenaient à couper proprement ma nourriture (je suis un petit cochon à table et on m'a jamais appris à tenir mes couverts normalement car je suis gauchère). 

Un pichet de coup de grisou, un camion de pompier, un autre quartier, des discussions légères soudain interrompues par le désormais classique "mais, ça s'est passé pas loin de chez toi le 13 novembre ?" qui te rappelle ce qui unit les français, désormais, à travers les frontières. La langue, la gastronomie, les grandes dates de massacres.

Etrangement, je suis la plus âgée du groupe. J'en ai pas l'air, ni physiquement, ni dans mon attitude. Tout est bouleversé ici. Ils ne savent pas qui je suis vraiment, et le savent sans doute mieux que personne. Ils me connaissent à l'instant T. Celle qui a survécu à son expatriation pourtant pas gagnée avec le supplément bagage "anxiété" "ptsd" "troubles autistiques" "bordeline" et j'en passe. 
Les gens de ma vie de Paris connaissent le conglomérat de strates-Johnson. La compil. 

Ici je suis un bloc encore non-taillé, personne n'a d'autre choix que de s'accepter les uns les autres tels que nous nous présentons.

Je serre ma bière, je me prends un nouveau "Johnson, t'es conne !" et une bourrade dans le bras qui me rappelle que ce groupe d'ami est composé d'un pourcentage substantiel de mecs hétéros. Je souris. Plus je me prends des vannes plus je les accepte et les emmène plus loin. 
Rien ne m'atteint. Seule cette sensation lancinante, entre mes côtes, ce murmure en boucle tuvasrentrerbientôttuvasrentrerbientôt.

Je saisis ces instants et les photographie dans ma mémoire car ils ne sont que ça : des moments fugaces qui ne voudront plus rien dire à peine aurai-je un pied dans l'avion.
Il n'y a aucune chance pour que nous restions amis, mon expérience de doyenne me l'a appris. Je n'aurais même pas eu le temps de les connaître vraiment - mais peut-être était-ce là tout l'intérêt de cette expérience sociologique.

Ce que je sais, c'est que je m'attache toujours aussi vite, seulement ici, maintenant, loin de Paris, on ne m'a pas puni pour ça. J'ai été récompensée.
De beaucoup, beaucoup de bonheur.
De beaucoup, beaucoup de plaisir.

mardi 29 mai 2018

[YUL&I - 13] Don’t know my home, I don’t know my place



Samedi était donc le troisième jour de la pleine lune. Si vous avez lu mes aventures précédentes, vous savez ce que ça provoque chez la population Montréalaise. 
Je crois que votre servitrice s'est laissée prendre au jeu puisque après avoir passé un vendredi dans le coma ou presque, à digérer toutes mes émotions, celles de mes potes, et celles de mes prétendants (éconduits ou non), j'avais assez d'énergie pour remettre ça le samedi.

Ca a été une journée formidable à base d'os de dinos, de Key lime pie, d'animaux mignons et de bière. Forcément. 


Le soir j'avais un concert prévu depuis des lustres qui m'a empêchée de retrouver mes potes dans les divers endroits qu'ils fréquentaient (puisque le groupe avait éclaté deux nuits plus tôt).



[Goat Girl et Parquet Courts, toujours aussi lunaires, sans mauvais jeu de mot]

J'avais deux pintes dans le sang quand j'ai embarqué dans un bus pour Mile End où j'ai tangué pendant une demi heure sous les yeux d'un charmant papa d'une toute petite vingtaine d'années qui n'avait d'yeux que pour moi et faisait rouler ses tatouages jolis sous mon regard approbateur tant et bien qu'il en a presque oublié son rejeton. 

Je suis arrivée au Théâtre Fairmount comme si je jouais à domicile et je n'ai perdu de ma superbe qu'en voyant le prix barbare du demi (7 CAD, soit plus que le prix d'une pinte partout ailleurs dans Montréal)((et pour de la pisse hein, autant pousser le yolo jusqu'au bout))

Mais c'est pas grave, j'étais dans le bon mood et il y avait plein de place libre devant la scène, j'allais pouvoir me mettre là où je voulais et, pour ainsi dire, kiffer ma race.

Sauf que moi, je me méfie plus ici. A force de plus me faire héler, aborder, tripoter dans la rue, j'ai complétement baissé mes défenses et je vis normalement. Alors ce n'est qu'à la troisième main au cul reçue, que j'ai commencé à me dire que c'était ptet pas des accidents.

Un ami plongeur dans le fameux bar d'en bas de chez moi me le confirmera : "c'est le premier truc qu'on m'a dit ici : dans les boîtes de nuit et les salles de concert, on peut mettre ses mains partout."

Ah oui. Ah bien. 
Je vois vous avouer qu'après deux mois j'ai bien compris que "tout le monde il est gentil et respectueux" n'est qu'un vernis fortement influencé par l'atmosphère protestante du reste du pays. Y a un gros côté "sourire de façade" et quand on passe en coulisses c'est aussi peu reluisant que chez nous, je vous rassure.

Par exemple, je n'ai jamais autant été assaillie par mes consœurs du sexe féminin que quand j'ai commencé à fréquenter un de leur collègue/pote. Le jugement a été fort et intense et les coups bas nombreux et saignants. Mais je suis là pour si peu de temps que ça m'a aidé à relativiser, à ne pas le vivre mal et à éduquer un peu tout le monde en mode "ma parole vaut celle des mâles, viens me voir on en parle, tmtc". 

Jusqu'au moment où une pilière de bar, que nous appellerons "Crala" pour préserver son anonymat, et à qui j'avais fait la conversation de manière fort courtoise, a posé sa main sur mon bras avec une force de 5,9 sur l'échelle Richter, le clouant au bar.
J'ai pas compris, parce qu'on était vraiment en train de parler de sujets légers, puis elle m'a jeté un sourire carnassier en me lançant :

"Y a un truc que tu sais pas sur moi."
"Même pleins vu qu'on vient de se rencontrer mais éclaire-moi, Crala, je t'en prie."
"Je t'ai chauffé la place..."
Je regarde nos chaises, puis toutes les chaises vides autour de nous, et je n'arrive pas à me dépêtrer de mon premier degré avant de lui répondre : "...je suis assise sur ta chaise ?"
Ses yeux sont alors passés en mode Dark Maul et j'ai compris que la chaise était tout à fait métaphorique dans l'histoire. Son regard sanguinaire s'est alors porté sur Jean-Chum, derrière le bar, et j'ai tout compris d'un coup comme une grande.
Dans un esprit de grande solidarité féminine, j'ai alors posé mon autre main sur celle avec laquelle Crala m'immobilisait et je lui ai dit avec un sourire franc :
"Mais cette chaise est libre. Très très libre même. Je pars dans trois semaines, t'sais."

J'ai alors pu recouvrer mon intégrité physique en me demandant très fort ce qu'il serait advenu de ma main droite si jamais j'avais prévu de m'installer plus longtemps au pays des caribous. 

Mais comment ai-je atterri dans ce bar ce soir-là alors que j'étais à des kilomètres de là, 4,5 pour être précise, à un concert rock poisseux dans tous les sens du terme ?

Et bien je suis sortie en titubant à la fin du concert, crevée de ce roller-coaster émotionnel arrosé de bière et de shots qu'est devenue ma vie d'expat, ma robe trempée d'une sueur étrangère à mon corps avec l'envie folle d'une douche et de mon pyjama.

Sauf que le bus passait 40 minutes après et que j'avais envie d'une douche et de mon pyjama MAINTENANT.

Je me suis donc mise en marche dans les rues parallèles et perpendiculaires du Mile-end puis du Plateau et enfin du Quartier Latin. 

En chemin, je me suis retrouvée comme de par hasard sous la fenêtre d'un autre de mes beau, celui que je regarde de loin, trop chamboulée par ses yeux verts, ses larges épaules et son cœur gros comme un Maine Coon pour tenter quoi que ce soit. Mon amour-propre n'en est pas là.

J'ai sérieusement pensé à lui faire le coup des petits cailloux contre la fenêtre et c'est là que je me suis dit qu'il fallait décidément que je rentre me pieuter.

Pour garder l'esprit net, je faisais une bataille de gif avec ma nouvelle BFF locale. Je lui décrivais combien les derniers mètres étaient durs. Ajoutant facétieusement "comme ma bite". Parce qu'il était minuit passé et que c'est la pleine lune et que oh hé hein bon. 

Et alors que j'étais dans la dernière droite, que mon lit hurlait mon nom et que ma douche n'attendait que mon corps nu, ma pote m'envoie un message très sibyllin me faisant comprendre (ou pas) qu'elle aurait (peut-être) besoin de venir dormir chez moi.

A ce moment, tout est très flou. Mais je comprends que je vais être dans l'obligation de coller un vent momentané à ma douche et mes draps, j'arrive devant chez moi, je comprends toujours pas si ma pote va me rejoindre, ce que je comprends c'est qu'elle est pas tout près et que si je monte chez moi, je vais m'effondrer, ne pas l'entendre arriver et la faire dormir dehors (dehors étant l'endroit où un type s'est fait poignarder à la tête et où des fenêtres s'écrasent aléatoirement). 

Je me suis donc résignée à poser mes fesses sur mon escalier.
Ici on a tous des escaliers extérieurs parce qu'on est des gens trop classes et qu'un urbaniste a décrété que tout le monde devait avoir des jardinets et que les irréductibles Montréalais ont gagné de la place comme ils ont pu tout en lui obéissant, d'où les escaliers dehors, ce qui est joli mais pas très pratique quand tout est verglacé.

10 minutes après, alors que je secouais mon téléphone pour qu'un message statuant sur mon sort arrive plus vite, j'ai entendu les deux mots qui allait ruiner définitivement mes plans.

"Salut, toi."

Alors : c'est génial d'habiter au-dessus du travail de la personne avec qui on fricote, notamment on peut l'observer depuis sa fenêtre flirter très professionnellement avec tout un tas de ses clientes "pour les pourboires", et on peut aussi mater allégrement ses collègues sans que lui nous voit, win to the win.   
MAIS : c'est moins génial quand on veut rentrer en tapinois chez-soi et dormir comme un gros phoque d'un sommeil trop longtemps reporté.

Bref, j'ai fini par jouer la moitié de mon budget aux dés, car la chance des débutants m'avait quittée, et que j'ai pas pu m'empêcher de payer des shots extras aux fameux collègues de Jean-Chum que j'avais matés depuis ma fenêtre. 
Par acquis d'inconscience dirons-nous.

lundi 28 mai 2018

[YUL&I - 12] Oh, the sun drenched French girls won't relate



Ma vie a tendance à être d'un calme aussi plat qu'une autoroute belge pendant trois plombes et à prendre un virage des plus fifous d'un coup. Je passe alors sur le siège passager et je pense fort fort "What would Escrivaillon do?", car lui, TOUTE sa vie est faite de rebondissements rocambolesques internationaux. 

Jeudi, j'en étais à ma troisième pinte, quand le bar au pied de chez moi (oui, on savait tous que c'était une mauvaise idée, mais c'est quand même l'appart que j'ai choisi) est devenu rouge sang. Les cris joyeux des clients ont été remplacés peu à peu par un silence de plomb. Le temps s'est diffracté. J'ai passé une tête vers l'arrière du bâtiment, mêmes lumières. Ca aurait pu être joli, si ça ne voulait pas dire qu'on se retrouvait tous prisonniers du pub. Pris en tenaille par la police, des ambulances et des pompiers avec interdiction de sortir. J'aurais été à Paris, j'aurais direct pensé au pire scénario. 
Là, j'ai gardé mon calme et je suis allée voir mes potes du staff en les interrogeant des yeux. 

"Non mais c'est rien, juste un type qui s'est fait poignarder." m'informe celui que je connais le moins, derrière le bar. 
Puis une tête plus familière m'attrape par l'épaule et me dit "Bon bah Johnson, t'as un voisin en moins, on dirait."

Donc là, j'ai posé mon fessier sur le tabouret du bar, j'ai parcouru la salle éclairée par les stroboscopes du 911 d'un regard froncé et méditatif, me demandant quel était le fuck de cette soirée. 

Le boss du bar est alors entré et m'a dit "Non mais c'est comme ça à toutes les pleines lunes."

Oh bah d'accord. Tout va bien alors. 

Je réfléchis à des vannes à base de loup garou et je me rattrape à temps pour enfin dire : "Mais, euh, il est mort ou bien ?"
Plusieurs témoignages différent alors, parlant d'avoir vu un type évacué sous un drap blanc, d'autres disent que l'assaillant est pas maîtrisé, d'autres encore que tout va bien. C'est le bordel. 

Une amie entre alors dans le bar et me dit "Si tu veux en savoir plus y a ton mec qu'a passé le cordon de sécurité pour aller voir le mort et parler aux flics."

J'écarquille les yeux. Toujours dans le siège passager de ma vie. Je ne sais pas par où commencer ma réponse, tellement ma situation personnelle m'a échappé ces deux dernières semaines pour produire une phrase pareille. Du coup, je rebrousse chemin et vais me reprendre une bière (et je suis sûre que c'est ce qu'Escrivaillon aurait fait aussi). 

Cette soirée avait commencé par du drama. Un immense drama. Un immense drama sur lequel j'avais jeté de l'huile bouillante en essayant d'améliorer les choses. Classic Johnson shit. 

Cette soirée s'était poursuivie par une dislocation de mon groupe d'amis expats sous mes yeux et par du drame, 100% pur, not from concentrate, cette fois. 

Je m'étais alors réfugiée près de mon groupe d'amis locaux, eux-mêmes en train de gérer les conséquences de cette pleine lune, rendant les clients du bar ingérables et les événements imprévisibles. Les autorités avaient fini par décamper et la soirée avait repris un tournant léger.

Mon but à moi était de me faire un ami de plus. Un géant blond aux yeux clairs dont la conquête sociale s'est révélée plus difficile que l'Himalaya avec un piolet en plastique. Je déploie toujours des monceaux de créativité quand quelque chose qui m'intéresse me résiste. J'étais donc en train de lui réciter tout ce que je savais de la révolution irlandaise de 1916 quand un énorme et soudain "Baaaam" a empli le bar.

Aussitôt, mon Viking s'est levé en tapant des deux poings sur le comptoir, j'ai retenu ma bière des deux mains voyant tous les mâles alpha se précipiter à l'extérieur. 

Dans ma tête, malgré le coton de l'alcool, j'ai commencé à me dire que ça faisait beaucoup : de bières, de drames, de garçons, de drames à base de garçons, et d'accidents violents. 

J'ai attendu passivement que quelqu'un vienne m'informer qu'une voiture avait embouti la terrasse, que le ciel nous était tombé sur la tête et finalement on m'a dit sobrement "C'est une fenêtre."

"C'est une fenêtre ?"

"Ouais. Par terre."

Je me suis alors souvenue que j'habitais au 4e étage de cet immeuble.
J'ai soufflé en regardant la pleine lune et me suis levée, prête à affronter mon destin.

A peine étais-je sur la terrasse que j'ai vu les millions de bouts de verre tapisser le sol comme la glace il y a un mois. Et devant, mes potes alignés, la tête en l'air, en train de pointer du doigt les fenêtres et j'ai croisé les miens, de doigts.

J'ai regardé yeux dans les yeux celui-qui-savait-ce-que-j'étais-en-train-de-penser et il a secoué la tête négativement. Me montrant ma fenêtre (ouverte, mais intacte) et celle de mon voisin de droite qui n'était plus là, mais à nos pieds. 

On s'est tous regardés, on a regardé la lune et on s'est dit à peu près en même temps qu'on était contents qu'il fasse si frais ce soir. On aurait tous pu être sous la fenêtre volante, et en millions de morceaux sur le sol. 

Les bris de verre on été balayés. Mon voisin dealeur et/ou héroïnomane s'en est finalement sorti. J'ai encore ébréché un coeur ce soir là. J'ai bu deux trois pintes supplémentaires. Assez, en tout cas, pour que le vendredi, au petit matin, j'ouvre de grands yeux et me dise "fuck this shit impossible que j'aille au boulot aujourd'hui."

Mais la Lune ne s'est pas calmée et samedi fut tout aussi animé...

mardi 22 mai 2018

[YUL&I - 11] I dont mind, sentimental girls at times,



La glace a laissé place au feu brûlant d'un soleil qui n'épargne rien, surtout pas ma peau de rousse.
Je n'ai jamais été aussi bronzée, et le vent du nord qui aveuglait mes yeux bleus de son blizzard a trouvé un fort bon successeur en la présence du zénith qui m'empêche tout aussi bien de voir. 

Qu'importe, lorsqu'il s'agit de se rouler dans l'herbe avec mon nouveau groupe de potes, il n'y a pas d'éléments extérieurs qui pourraient m'empêcher de quoi que ce soit. 

 

J'ai toujours aspiré à avoir un groupe de pote. Une cohésion sociale. Une dynamique multiple avec des composants uniques. 

C'est ici, dans ces circonstances si particulières, que j'ai trouvé ce qui me manque si fort à Paris. Des gens que je retrouve à chaque temps libre, l'esprit léger, et sans aucun sérieux.

Il y a beaucoup de jeux de carte, d'alcool et de blagues grasses, et je rattrape avec eux une partie de ce qui m'a échappé dans ma prime jeunesse. Quand tout était beaucoup trop sérieux. 

J'ai aussi gagné mon pari de réussir à me rapprocher de locaux, bien que tout le monde m'ait dit que ça serait impossible.


Bon alors ce que j'y ai découvert est au-delà de ce que tout les guides écrivent : une détestation cordiale des parisiens, sans discussion possible avec la dizaine de québécois rencontrés. Apparemment la poignée de français imbuvables a écorné profondément notre image à tous. 

J'ai aussi découverts des codes sociaux diamétralement opposés aux nôtres, et comme mes caractéristiques autistiques ne me permettent d'être performantes vraiment que dans l'imitation de ce que j'ai déjà vu, autant vous dire qu'ici je suis en totale roue-libre quand il s'agit du dating.


 La vie s'est faite moins culturelle, plus hédoniste, à partir de la visite de ma BFF. Les meilleurs restos, les plus chouettes parcs, beaucoup d'animaux des plus mignons aux plus sauvages.


Mon équilibre est solide ici, plus solide qu'en France. Même ce qui aurait dû m'abattre pour des mois a été balayé d'un revers de la bière par ma communauté de potes qui ont tourné en dérision mes problèmes existentiels, sans jugement, juste pour me relever et que je continue à avancer.

En France, je porte mon groupe d'amies à bout de bras, je fais énormément d'efforts pour les réunir autour de moi. Pour qu'il se passe quelque chose, quoi que ce soit. 
Ici, tout arrive naturellement. Le besoin ou l'envie de se voir, de passer du bon temps et de trouver les uns chez les autres le confort qui nous manque dans un environnement étranger.


Je profite de chaque instant en essayant de fuir leurs regards quand ils me disent tous "Ouais enfin, toi tu vas nous laisser."
Oui, je serai à nouveau à Paris dans trois semaines. Le retour va être dur. Studieux. Sérieux. Administratif.

Il sera aussi à base de retrouvailles d'amitiés fortes, profondes et irremplaçables, de fromage et de vin rouge, de mon gros chat et de la beauté de ma ville. Celle que tout le monde aime à détester parce que dans le fond, ils la jalousent de tout leur coeur.

vendredi 4 mai 2018

Never felt better than when I'm on my way out for good.

Pas facile d'être une bourgeoise.

C'est ce que je me dis dès que j’interagis avec mes collègues de manière professionnelle. Quand je prends la parole pour présenter une idée, un projet, en réunion, je le fais, bien sûr, avec mon "accent" français. C'est à dire le français de France qu'on parle à Paris.
Ici, ça s'appelle "parler serré" et, en gros, c'est synonyme de se la péter. 

Je me suis donc pris des remarques comme "Ah bah c'est normal que ses idées paraissent bien, c'est l'accent."

Ceci, mêlé à mon caractère introverti à l'extrême, fait que je mange en 5 minutes sur un coin de bureau pour passer les 25 autres minutes de ma seule pause de la journée à marcher, au calme, avec de la musique et ce pour plusieurs raisons.

1) J'ai besoin de musique
2) J'ai besoin de me dépenser, je n'arrive plus à rester statique pendant 8h, surtout sans fenêtre.
3) J'en profite pour faire du tourisme, parce que mon temps libre est compté et que c'est l'occasion d'explorer à fond le quartier de mon boulot qui recouvre et le village gai et le vieux port, deux endroits chouettes avec plein jolies choses cachées (la puissance des Montréalais en Street art est totale, et prendra sa pause déj à regarder les nuages passer sur un bout de quai face au Saint-Laurent, ça vaut toutes les conversations de cantine du monde).

Ceci donc, indispose. 
Sur le ton de plaisanterie, on m'a sorti : "Si tu continues à pas venir manger avec nous, les gens vont parler, et commencer à penser que t'es pas si gentille."

Alors déjà, je comprends pas trop ce quiproquo qui fait que depuis mon arrivée on m'appelle "La Gentille Johnson". Je pense que c'est parce que mon côté introverti me donne l'air timide (ce n'est PAS la même chose) et parce que je suis très polie. Surtout dans un nouveau pays et un nouveau job. 

J'ai jamais été gentille et j'ai jamais été appelée gentille. Du coup, perdre ce titre me fait ni chaud ni froid, mais j'ai bien vu dans le regard de ma collègue que c'était bad news.

Sauf que pour toutes les raisons citées précédemment, j'ai pas envie de renoncer à mes balades du midi, qui me libèrent de l'espace de cerveau disponible pour l'après-midi et me permettent de garder mon équilibre en place.

Ce que les extravertis ne comprennent pas, c'est que c'est pas parce qu'on fait différemment d'eux qu'on est dans le faux. Et ce forcing pour les côtoyer est comme un chantage social qui m'est arrivé dans toutes les entreprises que j'ai fréquenté.

Je n'ai aucun problème, entendez-le bien, à socialiser en petit groupe, surtout en tête à tête. Encore une fois, je ne suis pas timide et je suis plutôt divertissante comme partenaire de discussion (j'ai des témoins !) 

Mais arriver dans la cafétéria comme une éléphante dans un magasin de porcelaine, j'ai essayé une fois et j'ai eu le malheur de m'asseoir à la place dédiée d'un type qui est là depuis trente ans #faux-pasmajeur et dès que je touchais à la bouilloire, au robinet ou à un tiroir, on me faisait comprendre en non-verbal qu'il fallait que je me pousse. Tout ça pour manger en 5 minutes, parce qu'ici c'est comme ça que ça se passe, et en faisant, par-ci par-là trois échanges de small talk qui ne vont rien m'apporter (ce qui n'est pas un problème), mais qui vont me faire perdre énormément d'énergie.

Je ne déconne pas. Tu me mets dans une pièce avec 15 quasi inconnus qui me parlent météo ou de leur belle-famille et ma batterie se décharge encore plus vite qu'un Iphone5 pendant une partie de CandyCrush. 

Sauf qu'expliquer tout ça à ces quasi-inconnus, c'est bien compliqué, et eux n'ont pas l'énergie de l'entendre, et j'accepte ça. Du coup, je passe pour la connasse hautaine trop bien pour le reste du monde.

Et figurez vous que c'est pas si grave. Il faut bien que quelqu'un joue ce rôle dans la société, et comme j'ai une anesthésie assez forte au regard des autres, ça glisse un peu sur moi. 

Ce qui m'insupporte, par contre, c'est que ceux qui sont en position de pouvoir (mes collègues extraverties qui hurlent littéralement dans les couloirs pour se raconter leurs anecdotes privées, parlent pendant 20 minutes avec des voix haut perchées de personnages de dessin animés et jouent à faire des défilés de mode dans les couloirs pendant les heures de bureau) forcent ceux qui sont en minorité (les gens comme moi qui ont besoin pour leur santé mentale et leur santé tout court de se couper du monde pendant un petit moment) à compromettre leur équilibre pour participer à une mascarade dont ils ont inventé les règles en l'appelant "normalité".

Surtout que, j'ai rien contre me faire des amis, apprendre à connaître des gens, m'intéresser, poser des questions et être curieuse, mais la première chose que tout le monde m'a dit ici c'est "Essaye de te faire des amis, tu restes pas assez longtemps, personne voudra perdre du temps avec toi." (car le temps c'est la valeur suprême en Amérique du nord et personne n'aime en perdre).

Donc amis extravertis, je vous en conjure, la prochaine fois que vous remarquez quelqu'un en retrait, c'est cool de lui proposer de se joindre à vous, si vous en avez envie, mais si la personne vous dit "non, merci", ne lui répondez pas une sorte de menace voilée en mode "ah bah comme tu veux mais si tu fais ça tu seras grillée avec tout le monde." C'est petit, mesquin et cruel. 



jeudi 3 mai 2018

[YUL&I - 10] It justs sex and violence melody and silence



A la sortie du parlement, mon temps était compté.
Aneffet, tout ferme à 17h au Canada. Même en Ontario.

J'avais donc un choix crucial à faire entre le musée des Beaux-Arts et le Musée de la civilisation.

Ottawa est connue pour avoir deux fabuleux musées dans des bâtiments à l'architecture fofolle.
J'opte pour le Musée des beaux-arts parce que c'est le premier sur ma route et que quand tu tombes sur ça :


C'est beaucoup trop intrigant.

Sur la route, je suis passée par l'écluse du canal Rideau, parce que ça donnait une chouette vue sur le parlement et tout le nord de la ville.


 


 

Bien sûr, vu qu'à Ottawa, leur deuxième passion après les grandes bagarres de l'Histoire, c'est les ponts suspendus, j'ai dû traverser l''écluse sur une petite passerelle précaire qui glissait entre deux adolescents furibonds qui s'amusaient à se filmer en faisant des cascades sur la dite passerelle. 

Le Canada, en général, n'est pas très en adéquation avec ma forte propension au vertige.

 Y compris dans le musée, construit de manière pas intuitive du tout autour de deux atrium qui m'ont fait me coller aux murs autant que les gardiens me le permettaient.

Mais j'ai quand même eu deux-trois coups de cœur :






Même si, quand je suis tombée sur la Falaise d'Etretat, j'ai eu la tentation de crier "Rembourse ! J'ai pas fait trouzemilles kilomètres pour voir la Normandie en peinture !"



 Au musée des Beaux-Arts d'Ottawa, ils ont un portrait de Jésus complétement défoncé :


Le drapeau que toute république jalouse :


Et de l'art amérindien badass :



 Leur collection canadienne regroupe forcément le meilleur du meilleur :




Et mon exposition préférée, à base de deux de mes trucs préférés, à savoir les chatons et les vieux trucs :





Il s'agit des premières photos personnelles des foyers canadiens, ce qui coûtait un bras et demi à l'époque et ils ont tous ou presque choisi d'immortaliser... leurs animaux de compagnie.

 

Quand je sors, il est trop tard pour faire quoi que ce soit de culturel, alors je pars explorer le quartier très français de Bywater, construit autour d'un "marché" qui est en fait plus un regroupement de stands de bouffe.

 Oui, mais validé par votre Potus préféré !

 

Je me suis assise sur cette placette fort charmante, en face de l'ambassade US. J'y ai conquis une arène Pokemon et observé les locaux profiter de leur fin de semaine.

Et ensuite, je suis allée manger une queue. 

De castor. Une queue de castor. 

Puis, tranquillement, alors que le soleil commençait à vaciller, j'ai entrepris la longue marche jusqu'à la gare de bus qui, à Ottawa, se trouve à perpét' les oies.

Mais ça m'a permis de parcourir Downton, de voir aussi bien les gratte-ciels que les maisonnettes, et de faire éclore non pas 1, non pas 2, non pas 3 mais 4 oeufs pokemon !

 


 





Et j'ai repris le bus dans la gare autoroutière la plus pourrie de toute la nord amérique, au moins, du genre où j'ai dû slalomer entre les crackhead et les personnes visiblement perturbées. Du genre où j'avais envie d'aller sauver les jeunes gens qui bossaient au subway là-bas en leur disant "là, là, ça va aller".


 

 

Bonus Track :