Ma vie a tendance à être d'un calme aussi plat qu'une autoroute belge pendant trois plombes et à prendre un virage des plus fifous d'un coup. Je passe alors sur le siège passager et je pense fort fort "What would Escrivaillon do?", car lui, TOUTE sa vie est faite de rebondissements rocambolesques internationaux.
Jeudi, j'en étais à ma troisième pinte, quand le bar au pied de chez moi (oui, on savait tous que c'était une mauvaise idée, mais c'est quand même l'appart que j'ai choisi) est devenu rouge sang. Les cris joyeux des clients ont été remplacés peu à peu par un silence de plomb. Le temps s'est diffracté. J'ai passé une tête vers l'arrière du bâtiment, mêmes lumières. Ca aurait pu être joli, si ça ne voulait pas dire qu'on se retrouvait tous prisonniers du pub. Pris en tenaille par la police, des ambulances et des pompiers avec interdiction de sortir. J'aurais été à Paris, j'aurais direct pensé au pire scénario.
Là, j'ai gardé mon calme et je suis allée voir mes potes du staff en les interrogeant des yeux.
"Non mais c'est rien, juste un type qui s'est fait poignarder." m'informe celui que je connais le moins, derrière le bar.
Puis une tête plus familière m'attrape par l'épaule et me dit "Bon bah Johnson, t'as un voisin en moins, on dirait."
Donc là, j'ai posé mon fessier sur le tabouret du bar, j'ai parcouru la salle éclairée par les stroboscopes du 911 d'un regard froncé et méditatif, me demandant quel était le fuck de cette soirée.
Le boss du bar est alors entré et m'a dit "Non mais c'est comme ça à toutes les pleines lunes."
Oh bah d'accord. Tout va bien alors.
Je réfléchis à des vannes à base de loup garou et je me rattrape à temps pour enfin dire : "Mais, euh, il est mort ou bien ?"
Plusieurs témoignages différent alors, parlant d'avoir vu un type évacué sous un drap blanc, d'autres disent que l'assaillant est pas maîtrisé, d'autres encore que tout va bien. C'est le bordel.
Une amie entre alors dans le bar et me dit "Si tu veux en savoir plus y a ton mec qu'a passé le cordon de sécurité pour aller voir le mort et parler aux flics."
J'écarquille les yeux. Toujours dans le siège passager de ma vie. Je ne sais pas par où commencer ma réponse, tellement ma situation personnelle m'a échappé ces deux dernières semaines pour produire une phrase pareille. Du coup, je rebrousse chemin et vais me reprendre une bière (et je suis sûre que c'est ce qu'Escrivaillon aurait fait aussi).
Cette soirée avait commencé par du drama. Un immense drama. Un immense drama sur lequel j'avais jeté de l'huile bouillante en essayant d'améliorer les choses. Classic Johnson shit.
Cette soirée s'était poursuivie par une dislocation de mon groupe d'amis expats sous mes yeux et par du drame, 100% pur, not from concentrate, cette fois.
Je m'étais alors réfugiée près de mon groupe d'amis locaux, eux-mêmes en train de gérer les conséquences de cette pleine lune, rendant les clients du bar ingérables et les événements imprévisibles. Les autorités avaient fini par décamper et la soirée avait repris un tournant léger.
Mon but à moi était de me faire un ami de plus. Un géant blond aux yeux clairs dont la conquête sociale s'est révélée plus difficile que l'Himalaya avec un piolet en plastique. Je déploie toujours des monceaux de créativité quand quelque chose qui m'intéresse me résiste. J'étais donc en train de lui réciter tout ce que je savais de la révolution irlandaise de 1916 quand un énorme et soudain "Baaaam" a empli le bar.
Aussitôt, mon Viking s'est levé en tapant des deux poings sur le comptoir, j'ai retenu ma bière des deux mains voyant tous les mâles alpha se précipiter à l'extérieur.
Dans ma tête, malgré le coton de l'alcool, j'ai commencé à me dire que ça faisait beaucoup : de bières, de drames, de garçons, de drames à base de garçons, et d'accidents violents.
J'ai attendu passivement que quelqu'un vienne m'informer qu'une voiture avait embouti la terrasse, que le ciel nous était tombé sur la tête et finalement on m'a dit sobrement "C'est une fenêtre."
"C'est une fenêtre ?"
"Ouais. Par terre."
Je me suis alors souvenue que j'habitais au 4e étage de cet immeuble.
J'ai soufflé en regardant la pleine lune et me suis levée, prête à affronter mon destin.
A peine étais-je sur la terrasse que j'ai vu les millions de bouts de verre tapisser le sol comme la glace il y a un mois. Et devant, mes potes alignés, la tête en l'air, en train de pointer du doigt les fenêtres et j'ai croisé les miens, de doigts.
J'ai regardé yeux dans les yeux celui-qui-savait-ce-que-j'étais-en-train-de-penser et il a secoué la tête négativement. Me montrant ma fenêtre (ouverte, mais intacte) et celle de mon voisin de droite qui n'était plus là, mais à nos pieds.
On s'est tous regardés, on a regardé la lune et on s'est dit à peu près en même temps qu'on était contents qu'il fasse si frais ce soir. On aurait tous pu être sous la fenêtre volante, et en millions de morceaux sur le sol.
Les bris de verre on été balayés. Mon voisin dealeur et/ou héroïnomane s'en est finalement sorti. J'ai encore ébréché un coeur ce soir là. J'ai bu deux trois pintes supplémentaires. Assez, en tout cas, pour que le vendredi, au petit matin, j'ouvre de grands yeux et me dise "fuck this shit impossible que j'aille au boulot aujourd'hui."
Mais la Lune ne s'est pas calmée et samedi fut tout aussi animé...
Je suis deg, ma vie est bien moins funky...
RépondreSupprimerWow, wow, wow !