J'ai souvent recours à la sortie de secours que représente la phrase "Je t'en pose, moi, des questions ?", qui me sied comme un gant, car, bien sûr, j'en pose des tonnes des questions. Je pense que c'est ce qui fait que j'ai des amis, en partie, c'est que je suis vraiment curieuse de plein de choses et que j'apprends à connaître les gens en profondeur. Mais alors pourquoi je n'accepte pas si facilement la pareille ?
Pourquoi est-ce que je perds pied quand on me pose des questions ? Quand on m'interroge ?
Pourquoi est-ce que je me sens obligée de faire rire comme si je voulais compenser le fait que l'assistance ait été contrainte de m'écouter un moment ?
Bref, il se trouve qu'en cette période festative, j'ai reçu pas mal de question, dont celle, naturelle dans la conversation, de ma nouvelle coloc, qui demandait devant tous mes potes, "Et toi Johnson, t'as quelqu'un dans ta vie ?"
Ne pouvant, en toute conscience, envoyer chier ma coloc toute neuve d'un "Je t'en pose, moi, des questions ?", j'ai fait genre, elle s'adressait à ma voisine de droite, qui a le bon goût de s'appeler Colson (ou presque), sauf que Colson était pompette ascendant joyeuse et n'a pas compris que je tentais de glisser toute ma misère sentimentale sous le tapis angora de sa présence.
J'ai donc dû répondre un gloubiboulga fort peu intelligible à base de :
"roh non bon mais enfin tant mieux parce que ça spass mal en général oui enfin passif pas glorieux enfin ça pique donc bon non et pis je rencontre personne ça aide pas voilà."
Vous ai-je déjà dit que j'étais d'une éloquence folle en face à face ? Un mélange de François Bayrou et de Muriel Pénicaud.
Je traverse une crise de foi de mon hétérosexualité depuis MeToo. C'est à dire qu'être seule apparaît comme une meilleure option que 95% des mecs disponibles (les rares mecs bien étant les premiers à partir, et c'est bien normal), mais que je reste hétéro, indécrottablement, et que parfois je me sens seule, d'une solitude que seul un mec peut combler - et je parle même pas de sexe.
Mon dernier plan cul régulier qu'on appellera Jean-Redflag, revient à la charge tous les trois mois, le dernier garçon avec qui je me voyais un avenir, m'envoie les messages les plus neutres du monde tous les six mois, pour garder ce lien qu'on a jamais eu l'occasion de nouer (vu qu'il est déjà fermement en main par ailleurs), ce à quoi je réponds un message tout aussi neutre, comme si on avait la liaison la plus Suisse du monde.
Pour autant, si je me remettais officiellement sur le marché, que se passerait-il ?
Déjà, je ferais chou-blanc IRL, car il n'y a pas un mec hétéro dispo à la ronde, pas même un connard, un affreux ou un pétainiste. Je vivote dans un milieu principalement peuplé d'amazones et de gays dans lequel flottent 2-3 papas assexués.
Mes amies ne m'ont jamais présenté de garçon, je pense pour protéger les dits garçons de moi.
Je n'ai aucune activité hors du boulot, je ne fais ni sport, ni macramé, et je ne parle pas aux gens dans le métro, car je suis parisienne depuis dix ans.
Enfin, il est hors de question que je refoute un orteil sur les sites de rencontres qui ne m'ont jamais rien apporté d'autre que de l'embarras a minima et du trauma a maxima.
Alors autant rester dans ma grotte où, au moins, j'ai l'impression que ma solitude est un choix.
Parce que je n'aime pas les questions, y compris quand il s'agit de me les poser à moi-même.
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