Les nouveaux antidépresseurs me brûlent de l'intérieur.
Je trompe mon corps en les glissant dans la gélule d'un autre médicament, censé tromper un autre effet secondaire.
On m'a passée en affection longue durée. Je trouve cette formulation hilarante quand on sait que mon trouble de la personnalité vient de là, d'un gros manque d'affection dans la prime enfance.
Je ne compte plus les fois où, cet été, j'ai parcouru en panique mon répertoire pour supplier quelqu'un de m'appeler et faire passer les idées noires.
A côté de ça, mes deux psys, hyper compétents, trouvent que je vais bien. Que j'en fais beaucoup trop, mais que je vais bien.
Pour en faire trop, ça, on ne m'arrête plus.
Chaque minute de ma journée est rentabilisée. En faisant mon café, je peins quelques lettres en noir sur blanc. En buvant mon café je réponds aux demandes de formation pour devenir colleuxse. Tout en travaillant, je répartis et met en relation les marraines et les volontaires. On est trois à gérer ça, mais la demande enfle, tous les jours un peu plus. Et quand l'actu fait état d'un nouveau scandale, c'est carrément l'avalanche.
J'ai même perdu un peu d'anonymat. On m'a vue avec un seau, dans le bus et on m'a interpellée "Hey, mais t'es une colleuxse !"
Ca a pris le pas sur ma véritable identité, qui est anecdotique. Je m'efface derrière ce qu'on me demande, derrière ce que je peux faire pour être un peu moins inutile.
J'ai perdu un de mes trois jobs parce trois CDD de six mois où on se donne à fond ne semblent plus suffire à obtenir un CDI de nos jours. Je suis au chômage technique pour un autre, parce que la production a été ralentie et qu'il n'y a plus de missions pour moi et qu'on me répond "pourquoi tu ne t'embauches pas toi-même, grâce à 3e job ?" auquel je réponds avec un soupir muselé par le masque : "parce que personne ne me laisse avoir une vie facile."
C'est un peu la gueule que j'ai dû faire en ouvrant en panique ma porte ce matin, pour découvrir non pas un colis, mais mes deux agents immobiliers, qui voulaient savoir qui avait mis une machine à laver dans la cour.
Mes yeux encore collés se sont entrouverts et j'ai grogné quelque chose comme "pas moi"
"On vous réveille peut-être ?" "Non, je m'apprêtais à partir labourer mon champ en shorty et nuisette, avec les cheveux dans tous les sens et une haleine de poney" "on repassera" "ou pas."
On aurait pu penser qu'acheter un appart soulageait des proprios intrusifs et des gestionnaires un peu trop tatillons et fouille-merde.
Je pense qu'ils aiment pas trop que je réunisse deux à trois fois par semaine des groupes de colleuxses en herbe dans ma cour (à côté de la machine à laver, donc) pour leur faire un brief légal (On ne court pas si la police arrive !)(On ne déclare rien, jamais, à part son identité)(On ne paie jamais une amende, on la conteste !), leur présenter les outils et les emmener en vadrouille, recouvrir un quartier qui l'est déjà pas mal.
Les oeuvres de street art qui naissent à droite à gauche sont les seuls moments où je m'évade vraiment quand je vais d'un point à un autre.
La fatigue mentale a rarement été aussi écrasante que ces derniers jours où chaque mot, chaque post, chaque like est scruté et utilisé contre soi par des personnes censées être alliées. En donnant autant, je reçois beaucoup, mais pas que dans le bon sens du terme.
On m'a à peu près insulté de tout. On s'est même faussement rapproché de moi jusqu'à ce que je m'ouvre et parle de ma santé mentale, de mes peurs, de mes craintes, pour s'en servir contre moi ensuite.
On a essuyé une attaque de troll (saviez-vous que des gens font encore des canulars téléphoniques en 2020 ?), dû se réorganiser en trois nuits, deux jours.
Depuis, mon ordinateur sonne une variante de cinq "ding" différents, à moi de trouver dans quelle case on me sollicite puis d'y répondre, patiemment.
Je suis trop épuisée et brûlée de l'intérieur par les médicaments pour manger. Mes antidép coupent la faim, du coup j'oublie. Le temps passe et vers 15h, quand je me lève, je tombe. L'hypoglycémie me rappelle que je n'ai avalé que deux tasses de café noir.
Je pense à Patti Smith. J'aimerais être Patti Smith. Patti Smith maintenant. Allant d'hôtel en hôtel, écrivant, buvant du café et racontant des belles choses sur les chouettes gens que j'ai rencontré.
La musique live me manque. C'est presque charnel.
Seul l'alcool me détend vraiment, mais j'ai grandement levé le pied depuis qu'un fils de Pétain m'a refilé pour la 2e fois de ma vie du GhB à mon insu.
J'ai aussi été menacée de mort par une personne en contrôle judiciaire, puis j'ai perdu une amie qui m'a dit que je réagissais trop à cette menace, et enfin, un mois après, on m'a reproché de ne pas avoir assez réagi à cette menace.
Sachez que si un jour quelqu'un vous dit "peut-être que quand tu auras mon couteau planté dans le ventre, tu m'écouteras" on attend de vous une réaction ni trop forte, ni pas assez, et que si vous n'êtes pas dans les clous, ce sera la triple peine pour votre gueule.
De temps en temps, une tête douce se glisse sous ma main et me rappelle que c'est l'heure du câlin. C'est à peu près toutes les deux heures. Comme un appel à la prière en plus ronronnant.
Mais Ni Dieu, Ni mec. Ni meuf, cela dit.
Des amies, oui. Les mêmes qu'avant, ni plus, ni moins.
Des ennemi.e.s, encore et toujours, mais pour de bonnes raisons, alors tant pis.
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