On sautait dans un rythme désarticulé sur Girls&Boys de Blur. Les éclairages cheaps faisaient penser à des guirlandes clignotantes pouvant s'enflammer d'un instant à l'autre.
Entre deux chansons, on s'enfilait des shots de vodka barbapapa en feignant de pas voir l'énième "bébé rocker" accoudé au bar.
Si c'est dans cet endroit que j'ai rencontré un de mes violeurs, et quelques harceleurs, et encore d'autres gros connards, c'est aussi là que je me suis empouvoirée.
Là où j'ai réalisé que ce qui m'empêchait de pécho cette personne magnifique qui se tenait là, c'était juste des conventions sociales de merde que je rejetais dans tous les autres aspects de ma vie.
Alors pourquoi les respecter là, d'un coup ? Parce que ça me permettait de pas avoir à affronter un refus, un échec, un rejet. Certes. Mais après 3 vodkas, tout cela est bien relatif.
Depuis que j'ai ouvert mon champ des possibles de la chope, je me suis remise en question sur cette drague prédatrice, que je ne trouvais ok que quand je l'utilisais sur des mecs "jetables" (et qui ne voulaient être rien d'autre).
Je me suis dit que quitte à choper des filles, autant le faire de façon moins hétéronormée. Oui mais voilà, quand je suis sortie dans des bars lesbiens, je me suis aperçue que c'est exactement ma méthode qui fonctionnait, pour les autres.
Donc j'ai pris note, je me suis laissé le temps de réfléchir. Le Covid m'a aidé à être bien sage. Les discussions avec des potes habituées à draguer des meufs n'ont fait que me conforter dans mes anciennes, et vilaines, habitudes. Selon elles, choper une fille, c'est une longue guerre de position, un attentisme bilatéral, beaucoup d'investissement pour souvent ne jamais rien conclure.
Alors quand je me suis retrouvée face à une fille qui me plaisait, qui venait de me dire les choses que je voulais entendre depuis des lustres, que j'en étais à 6 vodkas, j'ai sauté le pas.
J'ai fait mon mec hétéro, en gros. (Ce qu'on attend d'un mec hétéro dans les conventions sociales de la drague hétéronormée, si je me dois d'être précise.)
Pourtant, dans ma tête, il s'est passé tout autre chose. Avec les mecs, 3 fois sur 4, le baiser ne déclenchait rien, signal pour moi que rien d'autre ne devait se passer - ou qu'en tout cas, ce serait peu agréable.
Là, j'ignore s'il s'agissait des 3 semaines sans sommeil, sans manger, ou des verres accumulés, mais la place de la Nation s'est mise à tournoyée comme si un drone filmait la scène. J'ai vécu ce baiser plus intensément que les dix, les cent derniers.
Aucun sentiment, j'étais avec une quasi inconnue, mais dans mon souvenir il y a ce moment où j'ose, puis le moment pour on se met à tourner (ce qui n'est physiquement pas possible).
Bien sûr, j'ai mal fini la nuit, car je n'ai plus 20 ans. Mais au lieu de me réveiller dans l'angoisse de ne pas savoir ce qui a pu m'arriver (suis-je enceinte ? ai-je choppé des mst ? est-il parti avec mon chat sous le bras ?), j'ai ouvert les yeux, très vaseuse, sur mes affaires très bien rangées, mes cheveux attachés avec un élastique emprunté (bon, volé, maintenant, j'imagine), bien enroulée dans un drap, en sécurité chez une nouvelle amie qui m'a raconté calmement les épisodes qui me manquaient.
C'est tellement à des années lumières de l'hétérosexualité que j'ai connue que j'ai l'impression d'avoir été choisi le dark path pendant des années comme une imbécile.
C'est bien plus compliqué que cela. Mais choisir d'arrêter l'hétérosexualité correspond en grand partie chez moi à choisir d'arrêter de me faire du mal.
C'est un pas, et pas des moindre, sur le chemin qui m'éloigne de l'auto-destruction.
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