Je me replonge dans les photos d'un moi plus beau, plus souriant. Il y a un an, déjà, l'arrivée d'un deuxième chat.
Ce soir, un rendez-vous avec Yannis au-nom-trop-long, frontman de mon groupe préféré, rendez-vous repoussé trois fois, pour cause de ce-que-vous-savez.
Je devrais être au top. Après quelques jours au vert, dans une maison perdue dans les bois, où j'ai joué à la famille normale ou presque. Après quelques jours avec ma nièce, de la famille biologico-nucléaire, cette fois, qui m'a dit tellement de trucs qui résonnent que j'aurais dû être folle de joie - je veux dire, quelle chance, déjà, de trouver quelqu'un avec qui on a une autoroute de connexion comme ça, mais en plus quand c'est quelqu'un avec qui on est lié de fait, et qu'on a connu toute sa vie, avec qui on a tant en commun en plus, c'est dément, dans le bon sens. C'est fou. Et ça devrait me propulser aux anges.
Mais les médicaments bloquent tout excès, trop bas, mais aussi trop haut.
Mais moi je les aime, mes trop-hauts.
Mes montées sur les bars, les tables, mes nuits à regarder la lune, allongée au milieu d'une route, dans un pays de l'Est quelconque, mes virées dans mes plans foireux, pour aller visiter un cimetière miteux au bout d'une ligne de bus fréquentée seulement par des autochtones peu ravis qu'on les gentrifie, mes dépenses éhontées, à acheter des shots pour toute une tablée quand j'avais pas de quoi joindre les deux bouts.
J'aime mes hauts. Sans eux, je ne suis pas sûre que la vie vaille d'être vécue. Mais en ce moment, ils ne sont pas les bienvenus, parce que si on leur laisse la place, alors le vide me pend au nez, et mes pieds dans le vide, mon cou autour d'une corde (ou l'inverse) tout le monde se ligue pour me dire non, nein, no thanks.
Mais qui suis-je, si je ne suis pas la Johnson des exubérations ? Celle qui parle trop fort, qui boit trop, qui raconte des anecdotes qu'on doit garder pour soi, celle qui n'hésite pas à dire sur les réseaux sociaux que son collègue est un gros macho qui pense savoir ce qu'est une "vraie femme" (et une fausse, j'imagine, aussi), et se fait virer après, sans regrets, avec quelques larmes pour ses auteurs, seulement.
La semaine dernière, j'ai vécu un peu la même chose. On avait trouvé un accord qui était win-win pour ma sortie de l'entreprise, pour eux, pour moi, pour le pape B., bref pour le monde mondial de l'édition résumé à ma petite collection merdique que personne ne lit et dont tout l'univers se fout. Il a fallu que le destin, sous la forme d'un gay particulièrement agacé dès que lui parlait de mon handicap, se fasse mesquin, petit, cruel (ça tombe bien, c'est l'étymologie de mon vrai prénom, le saviez-tu ?). Pourquoi je précise qu'il est gay ? Parce que je suis arrivée dans l'entretien avec un bon a priori, parce que je connaissais que la partie sympathique du bonhomme et qu'en plus je savais qu'il n'allait pas se montrer homophobe comme beaucoup de gens l'ont fait au cours de mon séjour entre ces quatre murs. Eh bien, j'ai encore été naïve, parce que non seulement il m'a rien laissé alors qu'il n'avait rien à gagner, mais en plus il a assuré que ma collection, qui est un des seuls oasis pour les minorités de notre groupe éditorial, soit complètement démembrée après mon départ, alors que le plan, c'était quelque chose de propre et bien bordé et, encore une fois, de bénéficiaire pour l'entreprise et pour ma gueule.
Il y a des injustices qui tombent, et souvent, elles tombent sur moi.
Vous savez, comme ces types qui se prennent dix fois la foudre ?
Voilà.
Alors je pars les poches vides, je laisse un champ de guerre derrière moi, alors que j'imaginais un beau champ d'olivier et peut-être même le chant des partisans, (mais faut pas trop en demander dans le groupe B.)
Je suis passée en mode rapide par tous les stades du deuil, j'ai versé au total 6 larmes et demi, j'ai bu du rosé dessus, et me voilà rendu aujourd'hui, alors que je pensais avoir fait le tour de la question de manière brillante, rapide et sans trop de dommages, à contempler la démission du dit représentant du groupe B. Il m'a donc fait la misère, just because.
Ca n'aura aidé ni à son avancement, ni au groupe, ni à moi, ni à rien. C'était être méchant (petit, mesquin, cruel, étymologie de moi, toussa) pour que dalle.
C'était donc plus un homme blanc médiocre à qui on a filé trop de pouvoir qu'un adelphe minoritaire dont j'aurais espéré qu'il soutienne en sous-main mes efforts à faire de la littérature un endroit plus représentatif.
La bonne nouvelle là-dedans ? C'est que si j'ai encore des illusions perdues, ça veut dire que j'en ai des trouvées.
Et ce soir, j'ai rendez-vous avec Yannis.
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