[Will you come around? Will you come around?]
Dans le camp de Buchenwald se dressait l'arbre de Goethe. Un chêne qui aurait abrité le poète pendant ses compositions - ou ses siestes, l'histoire ne le dit pas.
Ce qu'elle dit, par contre, c'est que tant que cet arbre resterait debout, alors le Reich, lui aussi, serait fier et fort comme une tour de cathédrale. Les nazis ont donc gardé ce symbole humaniste au milieu de leur barbarie, par fétichisme sans doute.
Bref, un jour de 1944, une bombe américaine a explosé la gueule de ce pauvre arbre qui n'avait sans doute rien demandé à personne. La suite, on la connait.
Nombreux furent les survivants des camps à revenir avec un peu d'écorce de cette légende en poche.
Moi, je suis une fille qui aime bien la déconne et la franche rigolade, alors comme il faisait seulement 27°, j'ai mis mon nez dehors pour aller voir un des derniers lieux de sépulture que je n'avais pas encore visité dans la capitale. Les Invalides aka le mausolée de Napoléon 1er.
Je n'ai pas de sympathie particulière pour Napo. Juste une tendresse particulière pour le jeune Sorel qui gardait une photo de l'empereur sous son oreiller, comme une midinette. Mais je connais maintenant assez Paris pour pouvoir compter sur les doigts d'une main les must-see qui m'échappent encore.
Aux Invalides, il y a le musée de l'Ordre de la Libération, soit la bande de joyeux lurons affiliés à Charlie De Gaule, et on peut y voir des morceaux du vieux chêne à Johann.
On retient ce qu'on peut d'un musée à la gloire des prémices de nos services secrets (coucou, vous !) et de l'armée en général, moi, j'ai retenu le Chêne de Goethe et les peintures de Robert Marchand, planquées dans un couloir minuscule, parce qu'il ne faudrait pas que la culture empiète sur les gros fusils et les dagues turgescentes de l'endroit.
Je me suis posée boire une orange pressée en lisant le 59ème ours de Sylvia Plath, une nouvelle "all men must die" comme on les aime, et j'ai réfléchi à mes arbres fétiches à moi.
A cet autre chêne où l'ami Oscar pavoisait à Oxford, au Magdalen college (où j'ai laissé une part de mon coeur à un vendeur de scones des environs, mais c'est une autre histoire), ou à ce prunier, aux abords d'Hampstead, à Londres, où le forever young Keats a composé Ode to the nightingale.
Il y a des arbres plus anonymes que j'aime férocement. Parfois on me les arrache. Comme ceux devant la tombe d'Oscar "pour faire de la place" ou comme le seul cerisier japonais du Père-Lachaise, tout pile entre Jim et Héloïse et Abélard.
Il y a mon arbre à câlins du domaine de Saint-Cloud, contre lequel j'ai passé des Rock en Seine enlacée.
Il y a les poiriers de mon enfance, dans le jardin de Pépé et Mémé.
Pourtant, je n'ai pas encore trouvé "L'arbre de Johnson", celui devant lesquels les gens passeront, dans 5 siècles (lol) et diront "c'est là qu'elle écrivait, la gourgandine"
Non.
Moi j'écris dans une cour où ne poussent guère que des fraisiers et des rosiers de petite dimension. Cet été, tout brûle, de toute façon.
Et quand je prose, c'est le plus souvent à l'ombre de mon orchidée, une survivor qui est morte plus de fois que tous les chats du quartier réunis et qui a éclot, sous mes applaudissements joviaux, de 5 fleurs blanches, au dessus de ma douche. (Je l'y ai perchée pour ne pas que les chats la croquent, depuis, elle vit sa meilleure vie).
Au moins, j'ai une réponse à donner, maintenant, quand on me demandera ce que je fais dans la vie : je suis en quête de mon arbre.
*Philippe Cognée, musée des beaux-arts de Nantes.
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