[We broke like a paper seam]
On est en octobre. Les feuilles craquent et moi aussi.
C'est une histoire vieille comme le monde qui a 8 ans.
Pas grand-chose d'autre a été dit ici, depuis.
C'est une histoire vieille comme le monde qui ne me lâche pas.
C'est l'histoire d'une fin, et du surnom qu'il se sera lui-même attribué "Celui-avec-qui-il-ne-s'est-rien-passé", c'est à peu près la chanson Nothing Arrived de Villagers, et encore plus son clip.
L'histoire de Johnson (votre héroïne), qui était dans un high comme elle en a rarement connus. Un contrat en poche qui lui faisait sauter +5 cases sur le jeu de l'oie de la vie. Un groupe d'amis sûrs* (*affirmation non contractuelle). Une péniche. Beaucoup de bière artisanale. Du rouge à lèvre rouge, des collants noirs et la ligne 5 qui mettait une éternité à arriver à Stalingrad.
La nuit bleue et l'air, mordant.
Trop chaud, trop froid.
J'étais quand même bien. Mieux que bien. Plus que pauvre.
La vie m'offrait une revanche sur des événements malheureux, je me reconstruisais peu à peu.
C'était l'époque des tournées européennes où on suivait des groupes comme si on était dans les 70's. Où je proclamai à qui voulait bien l'entendre que j'allais me marier avec Will Doyle des Palma Violets sur l'île de Man et qu'on aurait plein de rouquins roulant dans l'herbe pendant qu'on roulerait la nôtre.
C'était l'époque de la débrouille avec 650€ par mois et un bureau traversant.
C'était aussi l'avant. L'avant 2015.
C'était l'automne 2014, et je n'en suis jamais vraiment revenue.
Il est apparu comme un éclair, sans prévenir, avec une blague raciste anti-blancs, des cheveux longs et beaucoup de foudre.
J'ai lutté très fort pour ne rien laisser passer ni rien laisser paraître, aucun sentiment dans mon coeur, surtout ne pas avouer que j'étais dans un vacillement constant.
Je criai plus fort mes histoires d'île de Man en le tenant à bonne distance. Parce que je savais que celui-là, oh oui, celui-là ferait mal.
J'ignorai combien, et pendant combien de temps.
Ce que l'histoire ne dit pas, c'est que votre héroïne a toujours couru après et sauté sur les différents gens qui ont peuplé ses draps, son cœur, et l'espace entre.
Là, c'est lui qui a.
Sinon, il ne serait, vraiment cette fois, absolument rien passé.
Il n'y a rien de plus sexy que quelqu'un avec qui on partage un lit pour la première fois et qui ne vous touche pas.
On ne m'en dédira pas.
J'ai beaucoup dormi avec lui, si l'on considère l'espace-temps de notre relation. Je l'ai beaucoup écouté dormir. Incapable de trouver le sommeil. Emue comme une gourgandine. Très loin de ma stature héroïque de meuf badass que j'incarnai quotidiennement à ce moment-là.
Je soupirai.
Attention, il était loin d'être parfait. Il avait des règles étranges à respecter et me grognait après quand je marchai dessus du bout de mes pieds gauches. Il avait des habitudes qui empêchaient toute discussion et ont un grand rôle à jouer dans le fait qu'aujourd'hui, toujours, je ne sois pas remise. Parce que ses manies (qui passaient par son tout petit nez, ou se consumaient au bout de ses lèvres) m'ont empêché d'obtenir la closure pour laquelle j'ai lutté si fort quand j'ai compris qu'il n'y avait aucun nous, et beaucoup de mur, arrivant à toute vitesse.
Il y avait pas mal de volonté de changer, aussi, si j'en crois ce qu'il disait sérieusement, entre trois quatre phrases plus éthérés. C'était un garçon que j'avais décidé de juger sur ses actes, assez tôt. Et grand mal m'a fait. Parce qu'il était plutôt chevaleresque, sans le vouloir, ou presque.
Bref, j'ai beau haïr les hommes, il n'y avait pas que du mauvais. Et même l'aigrie aigrette que je suis maintenant ne peut pas mentir trop fort le concernant.
Je crois que malgré le champ de ruine dans lequel je me débats depuis qu'il ne-s'est-rien-passé, je le respecte encore, comme je l'ai toujours fait (sauf une fois, mais j'étais très bourrée-désespérée-mélodramatique et de toute façon c'est tombé dans les messages "autres" de FB)(c'est donc que ce message n'a jamais existé CQFD).
Alors voilà, on est en octobre, l'air sent la feuille morte, mon coeur se languit de l'époque où il était plein de vie, plein d'envie d'en découdre, plein d'énergie de l'espoir, plein d'une drôle de foi en son avenir et il se souvient de deux jolies crocs qui se sont plantées bien fermement en lui pour le rendre exsangue depuis huit ans.
Foutûment incapable de retrouver cette joie de vivre, cette passion qui faisait un chaud-froid sur ma nuque et me faisait frissonner d'aise, en regardant l'eau noirâtre du canal.
L'amour est un détail, dans cette histoire. Un accident (qu'il a provoqué). Ce qui me tue, me consume et me démolit, c'est que ce non-événement m'a ôté tout plaisir d'être.
Je flotte dans un purgatoire où tout est "mouais", où le feu ne brûle pas et l'eau mouille mollement.
Mon cœur ne s'emballe plus, n'a pas envie de connaître la suite, s'émeut rarement et si peu...
Aucun psy n'y peut rien, la meilleure que j'ai vue m'a dit de lui écrire une lettre sans l'envoyer. J'ai eu envie de la référer à ici, à ce blog si important à mes yeux qui est devenu, au fil des ans, la pierre tombale de notre non-relation.
Quand je n'en parle pas directement, j'en parle en creux. Mes amies m'ont bannie du sujet quelque part en 2016, et je n'y reviens que lorsque je n'y tiens plus.
La plupart du temps quand je parle d'autre chose, j'en parle quand même.
Quand une bougie sur une table de bar. Quand quelqu'un évoque l'art brut. Quand je me fais des oeufs brouillés. Quand je ris trop fort en lisant un livre. Quand je prends le taxi.
Quand on est en automne, que les feuilles craquent et que moi aussi.
I'll pocket a stone I find
At most a kiss, this time
*Victor Brauner, Strigoï
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