En ce moment, le même phénomène étrange se produit encore et encore.
Je suis dans une salle, parmi tout plein de gens que je connais, je parle avec quelqu'un que je n'ai pas vu depuis longtemps, et, au beau milieu de la conversation le nom de l'ex est lâché.
C'est là qu'intervient le phénomène étrange précédemment mentionné.
Le silence se fait, les regards se braquent un à un sur moi, mais de trois quarts genre "je tourne la tête juste assez pour capter sa réaction mais pas trop pour pas la regarder dans les yeux, sait-on jamais" et on entend des mouches invisibles voler.
Je ne sais pas ce que les gens attendent. Que j'explose juste parce qu'on a prononcé le mot interdit ? J'ai pas fait ça depuis au moins une semaine. Que j'insulte la personne qui a eu l'outrecuidance de parler du passé ? Je l'ai fait qu'une fois. Ou deux.
Alors j'attends, et je réponds "non mais ça va hein. Ca fait 7 mois."
Je réutilise leur argument de la temporalité avec lequel j'ai eu tant de mal. "Oh mais c'est rien deux mois." et "C'est bon maintenant t'as été triste deux semaines ça devrait être passé.". Je tente de parler leur langage de gens qui savent ce que je ne sais pas, de gens qui possèdent les dates de péremption précises des émotions que l'on doit avoir. De gens qui savent à partir de quand on a le droit de tomber amoureux dans une relation à la seconde près.
Je tente.
Et je souris beaucoup.
Et ils reprennent généralement le cours de la soirée au bout d'une minute ou deux, le temps de répondre à deux trois questions "ça va mieux ton hématome ?", "finalement, tu as tué son chien ou tu t'es contentée de faire un collier avec ses poissons rouges ?", "Non mais, il était gay ! Tu peux me le dire maintenant, non ?".
Je crois que personne ne relève qu'utiliser un indicateur de temps précis et des sourires à profusion est très anti-moi. Que ma volonté de calmer leurs inquiétude ne trouve pas d'actes précis auxquels se raccrocher naturellement et que je dois improviser totalement.
Ayant été livrée à l'humanité avec absolument aucun code social, je me débrouille dans la vie avec l'observation des autres et l'imitation.
Faire ce que les autres veulent voir, dire ce que les autres veulent entendre.
N'être moi-même que lorsque je suis tout à fait sûre de mes interlocuteurs, en mode paranoïa. Fuir jusqu'au moment où, seule, je peux regarder mes murs dans le blanc des yeux et retrouver la grimace de douleur qui m'accompagne depuis si longtemps maintenant.
Enlever le masque d'apaisement et retrouver la détresse avec soulagement. Puisque avec elle, je suis enfin dans le vrai.
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