On la retrouvait parfois, le visage entre deux barreaux de fer du portail, à guetter la vie loin du château.
Le sourire perpétuel de ses dix ans avait désormais complètement disparu. Le souci avait forgé deux rides verticales entre ses yeux.
L'été, tout allait mieux, car elle pouvait s'enfoncer dans les tréfonds du labyrinthe. Retrouver son banc décrépi et glisser ses mains derrière sa nuque.
Lady Violet aimait par dessus tout regarder les nuages et leur attribuer des formes. Elle pensait qu'il s'agissait de l'âme des morts. Qu'elle prenait une forme symbolique particulière à l'existence de chacun d'entre eux.
Elle s'imaginait des histoires, de plus en plus compliquées.
Quand l'automne revenait, elle ne pouvait plus courir dans les hautes herbes, observer le monde depuis le portail ou s'étendre sur le banc, dans les recoins les plus sombres du labyrinthe. Mais les histoires, elles, l'accompagnaient et la réchauffaient plus sûrement que le feu dans l'âtre de sa chambre.
Alors qu'elle était à nouveau bloquée dans cette pièce occupée par un autre, elle ne fuyait plus.
Sa chaise faisait à nouveau face au portrait.
Sa chaise faisait à nouveau face au portrait.
De temps à autre, elle lançait un regard de défiance à l'homme, qui lui rendait bien.
La guerre s'était prolongée, c'est ce qu'on lui avait dit. C'est ce qu'elle avait accepté d'entendre.
Plus à l'Est, toujours plus loin.
Il s'était enfoncé dans des terres de sable et d'animaux fantastiques, de ceux que l'on voit sur des gravures exotiques.
Lady V. se disait que peut-être, en plongeant ses yeux dans les siens, elle verrait tous les paysages qu'il avait découvert - puis elle se reprenait. Car elle y décèlerait aussi sûrement les horreurs de la guerre, et cela, pour rien au monde elle ne voulait y être confrontée.
Alors elle fermait à nouveau fermement ses paupières et se plongeait dans les histoires des gens morts dans les nuages.
Elle savait que l'Inconnu ne l'importunerait pas avant encore longtemps. Elle se dit que c'était finalement un petit prix à payer que de lui octroyer cet espace sur son mur et cette pesanteur dans sa chambre. Elle se dit que le risque était grand pour lui, là-bas et qu'elle n'avait pas besoin de rajouter tant d'agressivité à sa vie.
Une question pourtant rodait dans son esprit :
En quelle forme de nuage se transformerait son âme au moment où il expirerait ?
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