Lady Violet était une femme. Plus une petite fille. C'est ce que sa famille, ses servantes et même son reflet dans le miroir lui disaient désormais.
Elle avait 16 ans, et le mariage aurait pu avoir lieu.
Ses sourcils étaient devenus plus bruns et plus fournis, et lorsqu'elle les fronçait, la terre du château tremblait. Du moins, cela avait le même effet.
Lady V. n'avait jamais été très loquace, surtout depuis la première apparition du tableau, mais, à présent, elle ne disait plus aucun mot.
Sa vie n'était faite que de routine et elle en déroulait le fil avec une acceptation apparente qui compensait son attitude non conventionnelle.
On ne lui permettait plus les mêmes libertés. On la chassait du portail, par exemple. On lui rappelait sans cesse qu'elle ne devait s'écarter du chemin.
Les sourires qui animaient son visage encore deux années plus tôt étaient partis rejoindre les formes dans les nuages.
A force de penser à la guerre et à toutes ces choses qu'elle ne connaîtrait jamais mais dont elle imaginait tant d'horreurs, elle avait fini par adopter une gravité terrifiante. Rien ne pouvait la lui retirer.
Maintenant, elle formait le couple parfait avec l'homme du tableau se disait son entourage. Sa mine dure et autoritaire avait fini par l'atteindre. A compromettre sa naïveté et son innocence.
Elle faisait cela à dessein. Elle regardait l'inconnu qui devait être son mari dans ses yeux d'huile et absorbait une partie de son malheur, de ses souffrances et de harassement dont il devait être victime sur le champ de bataille. Après tout, c'est ce que l'on attendait d'elle : partager sa vie. Pour le meilleur et pour le pire.
Bien sûr, elle n'était pas encore mariée et tout pouvait changer. Tout avait peut-être déjà changé.
Peut-être était-il étendu quelque part entre deux dunes, la proie des charognards de toutes sortes qui ne sortaient que la nuit, quand il faisait jour chez elle.
Cela arrangerait bien ses affaires. Elle se condamnait un peu, à chaque fois que cette pensée la traversait. Jamais elle n'aurait à affronter le véritable regard de cet homme. Jamais il ne serait différent.
Jamais il ne lui apparaîtrait et surtout jamais il ne ferait valoir ses droits sur elle.
Pour toujours elle serait libre.
Libre d'être enfermée. Dans ce château, puis au couvent.
Lady V. commençait à développer une mélancolie beaucoup trop régulière pour être anecdotique.
Ca n'était pas non plus le mal des jeunes adultes. Quelque chose d'entièrement différent la possédait, et elle ne regardait plus l'intérieur du puits de la même façon. Ni les remparts. Ni cette arme effilée que tenait l'armure du couloir Est.
Elle secouait la tête et tentait de se souvenir de poèmes, à la place. Mais cette ruse fonctionnait de moins en moins bien.
Elle se sentait surtout très, très âgée. Comme si chaque seconde de sa vie avait été étirée et que ses seize printemps n'étaient qu'un malentendu.
Comme si ce couple étrange qu'elle formait avec le portrait l'avait placée dans une autre forme de réalité.
Comme si ce couple étrange qu'elle formait avec le portrait l'avait placée dans une autre forme de réalité.
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