mercredi 18 juillet 2018

A challenge before the whole human race




C'était le dernier jour de ma nouvelle vie. Ma dernière nuit à Montréal. C'était il y a un mois.

Mon réveil a sonné à 5h, et ce n'était pas pour aller prendre l'avion. Avant, j'avais rendez-vous dans le bar d'en bas, pour France-Australie, premier match des bleus de la coupe du monde en Russie. 

J'ai longuement expliqué ici l'importance qu'a cette équipe nationale pour moi. Je l'ai formulé un peu différemment à mon psy en lui expliquant que mon bonheur préféré, c'était quand tout le monde était heureux. 

Or, en France, nous n'avons pas de famille royale (pas officiellement du moins), pas de religion d'Etat, plus Johnny Halliday, il nous reste : le foot. 

Ce sport d'une dramaturgie totale, qui, dans un contexte de Copa del Mundo ne saurait être écrit par n'importe quel scénariste de Hollywood. 
Les sports collectifs sont beaucoup plus émouvants que les réussites individuelles, à mes yeux, car ils prouvent un certain sens de la transcendance, ils impliquent bien souvent un sacrifice.

Chacun a son histoire, son parcours, et tout concorde et aboutit pendant un mois de compétition, intense, aux rebondissements nombreux et imprévisibles et qui, en plus, cette année, s'est déroulé dans l'ensemble dans un très bon esprit. 

En tant que spectateurs, en tant que français, la symbolique est énorme. Pas juste le fait de gagner, d'être les meilleurs. Mais de gagner et d'être les meilleurs en formant un collectif, divers et représentatif de notre population, de notre jeunesse.

J'exècre tout ce que j'ai pu lire, venant bien souvent des pays étrangers, gangrenés par leur  propre nationalisme et leur bigoterie, parlant de "la victoire de l'Afrique", d'une "victoire musulmane", d'une "victoire du tiers monde"... mais quelque part, cela m'a rassuré. Sur notre exception culturelle. Sur le fait que jamais au grand jamais je n'ai été élevée, ni par mes proches, ni par l'éducation nationale en entendant parler de "races", en entendant parler d'appartenance à une religion. Ce n'est tout simplement pas dans nos mentalités de penser ainsi, comme ça peut l'être aux USA, qui aiment tant classifier leur population, la diviser en communautés bien étanches. 

Je ne dis pas qu'il n'y a aucun souci chez nous, ce serait terriblement faux, je dis seulement qu'à ce niveau là, nous avons profondément raison. Quand tu es français, tu es français. Même quand tu es binationaux ou que tu as des origines (tout le putain de monde en a, ça prouve qu'on est pas que consanguins). 
Que le droit du sol, que Schengen et que l'Europe, c'est quand même putain de bad ass, surtout quand ça produit du bonheur en barres, même pour une poignée de jours.

Quand je suis retournée au bureau, avec mon drapeau reconquit, ne m'excusant plus de la potentialité d'être confondue avec une électrice d'extrême droite, j'ai quand même eu le droit à des réactions de pisse-froid : "ah ouais mais du coup les métros étaient blindés, j'ai mis 20 minutes de plus à rentrer chez moi" ("20 minutes d'une joie populaire qu'on ne voit JAMAIS dans les enceintes de la RATP et dont l'absence est une de nos principales causes de raling au quotidien ?") ; "On ne nous a pas tout dit, y a eu plus de casseurs que ça !" ("Ok, mais statistiquement on est quand même bien en deçà du 1er mai ou d'un 14 juillet lambda"). Puis je me suis dit que j'allais juste hocher la tête et tourner les talons, en me rappelant que se plaindre est aussi une exception culturelle française, que ça devait être leur manière à eux de célébrer. 

J'ai eu les larmes aux yeux en voyant les images de Paris dans la rue, pour autre chose que du sang. Parce qu'on le dit du bout des lèvres, mais c'est aussi notre victoire en tant que peuple sur ces pourris qui voulaient nous empêcher de chanter, de célébrer, de picoler et de sortir librement exprimer notre joie de vivre ou notre non-joie de français jamais contents, d'ailleurs.

Le soir de la victoire, j'ai eu le même parcours que pour la marche du 11 janvier, c'était étrange et un peu amer. J'ai fini dans le même resto. Dans le même état.

J'ai repensé à mon tabouret de bar, à 5h30 du mat, en plein quartier latin à Montréal. A mon cœur lourd d'avoir quitté tout mon nouveau monde, la veille au soir. A France-Australie, et à ma prière, silencieuse et païenne, à ces joueurs qui n'impressionnaient personne lors de ce premier match : les gars, apportez-nous le bonheur qui nous manque si cruellement depuis 3 ans.  

Et maintenant, j'ai juste envie de leur dire merci, de m'avoir rappelé, de la plus brillante des façons, lors de ce retour au bercail si difficile pour moi, ce que j'aime tant dans notre culture, dans notre pays.


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