Il m'arrive d'avoir des moments de lucidité, entre cet antidépresseur et ces deux somnifères. Des moments de lucidité où j'aurais envie de dire des choses claires et posées, mais où, à l'évidence, il vaut bien mieux m'occuper des diverses blessures physiques apparues je ne sais comment, que des blessures internes.
Des hémorragies se stoppent en 5 minutes, d'autres en 5 ans. C'est mon rythme.
Bien souvent, mon estomac me torture et je lui en veux, et puis je me souviens que ça fait 12h qu'il n'a rien avalé. Qu'il crie au manque. Mais que, je ne vois pas pourquoi je le contenterai quand tous mes autres manques sont dans l'impasse.
Je n'en veux pas au garçon, qui, je l'ai répété, est un type bien, ou plutôt un type presque bien comme l'a dit une inconnue à New York. Je n'en veux pas au type auprès de qui je pouvais passer des heures sans parler, ou à l'écouter lui, sur la musique, les arts & sa famille.
J'en veux au mec en lui dont je n'ai pas su voir le réveil venir.
Je n'avais pas compris qu'en chaque gentlemen only (mon graal) se cachait, tapi, un connard rêvant de liberté (souvent pour n'en profiter qu'à un pourcentage infime, d'ailleurs, le connard s'accroche à son illusion de liberté quand il sait qu'il serait mieux avec un lit régulier où réfugier ses terreurs existentielles de connard). Le connard veut pouvoir se taper qui il veut sans conséquences, pense qu'il est le maître de sa vie, qu'il se protège de tout un tas d'emmerdes, et puis, pour jouer le rôle de la fille dans les moments durs, le mec a souvent un bro', à la place.
Je n'en veux pas au garçon qui m'a embrassé au clair de lune sur les quais, qui, dans le bus qui nous ramenait chez moi m'a demandé "mais, hey, c'est pas que à cause de l'alcool hein ?" (c'est à peu près à ce moment là que j'ai fondu), ce garçon qui tremblait ne me tenant les mains et en se rendant compte que je le voulais aussi, ce garçon qui n'a pas fêté mon anniversaire avec moi, qui m'a offert un cadeau pouvant m'ouvrir sur un univers gigantesque, ce garçon qui refusait toutes mes propositions de sorties, sûrement pour ne pas être vu trop officiellement avec moi, ce garçon avec qui je partageais mes copines et nos copines, à qui il disait qu'il m'aimait bien et qui, un mois après, me disait que non, il ne s'était pas attaché finalement.
Ce garçon qui faisait des dizaines de dizaines de kilomètres, parfois pour me ramener devant un appartement où il ne pouvait pas rentrer. Ce garçon que j'ai laissé me toucher comme jamais je n'avais laissé personne le faire. Ce garçon avec qui ça paraissait naturel. Ce garçon dont l'avant-dernier souvenir sera qu'il s'est moqué de mes plus belles chaussures, mises en l'occasion de notre soirée d'adieu avant mon départ pour New York, une soirée où j'étais malade mais où j'étais prête à tout pour qu'il passe une soirée géniale et qu'on enchaîne sur une nuit mémorable. Cette soirée où nous sommes rentrés, lui, la main sur ma cuisse et moi, le regard brillant. Cette soirée où, au moment où j'allais me laisser aller dans ses bras il m'a dit qu'il n'arrivait pas à s'attacher à moi.
Non, le dernier souvenir est celui de le voir couché, au soleil levant, dans mes draps violets, faussement endormi, pour ne pas avoir à m'affronter. Ne se réveillant même pas pour notre dernier baiser.
C'est le moment où il est devenu le mec, celui qui a beau te dire "mais nan c'est pas toi", tu comprends "mais je peux en avoir des dizaines à ta place, et plus jolies, et moins casse couilles, et puis j'ai des jeux vidéos à terminer, tu comprends, alors non, je vais pas essayer de faire marcher notre histoire, je vais pas prendre 3 semaines de réflexion - faut pas déconner, je me refuse à réfléchir sur quoi que ce soit, alors sur toi...."
C'est ce mec et non le garçon qui a piétiné mes derniers espoirs d'être une femme normale un jour. Moi, qui m'était toujours confrontée au mur de l'unitéralité, des garçons indifférents, qui ne savent plus comment te repousser, parfois avec les poings, parfois juste en te laissant un regard voulant dire "toi ? mais jamais !".
Ce garçon m'a regardé et a dit "ok" (il a une (im)pitoyable image de lui, et a sûrement décidé qu'une fille médiocre comme moi, celle dont personne d'autre n'aurait voulu, lui convenait)(une sorte de bonne action ?) et puis ce mec est arrivé tel un huissier, manigançant tout pour que je n'ai pas de droit de réponse "larguons là par mail une fois coincée à la campagne, avant qu'elle ne parte 3 semaines, pour ne pas avoir à affronter les conséquences, à son retour, moi, j'aurais tout oublié, et tout le monde s'attendra à ce que ce soit pareil pour elle."
Le mec est le meilleur avocat du garçon.
J'ai toujours cru que personne ne voudrait de moi. Jamais.
Et puis c'est arrivé..
J'étais enfin (avec) quelqu'un.
Au delà du garçon, de sa personnalité, de ses faits, qui peuvent sembler banales, moyens, sans intérêts, communs, le big deal est que moi, la fille la plus persuadée au monde de ne pouvoir être aimée par quiconque a eu une nouvelle fois la confirmation qu'elle avait infiniment raison.
Le dernier ex qui avait compté avait réagi à ma rupture en me disant "tu es tellement manipulatrice que tu as réussi à me faire croire que je t'aimais."
Et le garçon, lui, m'a montré que j'étais une erreur de parcours, et je ne comprendrai jamais pourquoi il est resté au lit à mes côtés, pourquoi après une semaine de réflexion il a voulu faire partie de ma vie, pourquoi il a accepté de faire le test avec moi... Comment on peut s'aveugler autant quand la vie entière de quelqu'un dépend de soi.
J'aimerais juste revenir à Montmartre, le soir où il a commis son erreur de sortir officiellement avec moi , le soir où il m'a demandé "mais il n'y a personne à qui tu tiens encore ? Parce que je te préviens, j'ai eu le coeur brisé et je ne veux pas que ça recommence. J'ai pleuré les deux fois dans l'avion."
La tentation était trop belle, je suppose, de se venger en brisant le mien avant que je m'envole.
Mais, si j'ai pleuré tous les jours depuis, je n'ai pleuré ni à l'aller, ni au retour.
Et personne, à part moi, ne décidera de quand je serai over it.
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