Voilà, je suis une autrice.
Enfin, je suis comme tous les apprentis sorciers de la littérature new yorkaise
qui n’ont pas de quoi s’acheter un loft à Brooklyn : je suis assise au
dernier étage du Barnes&Noble de Union Square, un sac Whole foods market
avec du vegan dedans à mes pieds, et un sac plein de bonnes affaires (une robe
bordeau, des basket violettes et noires à carreaux & un t-shirt violet) car ouais, j’ai repensé aux conseils des maries-connasses de mon entourage. Mais
si, vous savez, ces filles qui sont derrière vous constamment dans les bus,
chez le coiffeur, dans la file d’attente du cinéma... Qui balancent des phrases toutes faites sur la vie, l'amour, le destin qui font "après une rupture moi jeumcoupe toujours les cheveux, nouveau look pour une nouvelle vie" "han ouais trop, moi je refais ma garde robe hihi".
Le fait est que je ne vais
PAS me couper les cheveux. Alors j’ai fait du shopping.
Je suis une autrice donc. Je suis
comme tous ces New Yorkais faussement concentrés sur leur écran – dehors il
fait un soleil radieux et des gens font du vélo d’appartement dessous, sur la place, tous en
cercle autour d’une sono assourdissante. En vrai, les gens du café se dévisagent. Et
c’est peu courant aux states. Ils regardent, envieux, quand les autres – comme
moi -, tapent frénétiquement sur leurs mini laptops. Certains, plus modestes, ne
font que lire. D’autres sont là en famille, et s’excusent presque de troubler
l’atmosphère – et ça aussi, croyez moi, c’est peu courant dans cette contrée
d’enfant roi.
Ce matin, je me rappelais des
marches du MET, où je ne m’étais finalement pas installée hier, parce que,
partout autour de moi, je ne voyais pas de jolis de garçons. Et puis je m’étais
fait la réflexion que c’était le cas dans tout Manhattan et à fortiori dans le
Bronx - Brooklyn restant à part question bogossitude. L’appareil armé, je
voulais shooter en rafale pour le Blog de l’hormone, mais rien ne venait. Rien
ne vient parce que la petite voix, déjà là quand nous n’avions pas encore
décidé de nous mettre ensemble, ne veut pas se taire. La petite voix geignarde
qui, quand elle voit un vendeur d’A&F en civil dans le métro, fait
« nananan, j’en veux qu’un et c’pas lui ». Je la fais taire comme je
peux cette petite voix, mais cette nuit, dans le silence le plus retentissant
depuis mon arrivée à Harlem, je me suis quand même endormie à moitié noyée dans
mes sanglots. Lost in Manhattan.
Ce matin donc, je pensais à ça,
un peu distraitement, quand une rangée de drapeaux a fini par m’accueillir à
l’O.N.U. J’étais toujours un peu distraite quand le vendeur de billets m’a
demandé si je préférais un vrai guide ou un audioguide, j’ai préféré la
première solution, je ne sais pas pourquoi, je suis plutôt du genre à éviter le
contact des hommes au maximum. J’étais toujours un peu distraite quand une
asiat’ a appelé le numéro de mon groupe.
Je n’étais plus du tout distraite
quand il m’a saluée. Pas grand. En
costume. Avec son badge. Ses cheveux bruns. Un sourire caractéristique que
j’aurais reconnu d’entre mille.
Des yeux marron pétillants et
pleins d’une ironie très européenne. J’étais en territoire international,
j’aurais pu tomber sur n’importe qui et ce fut le guide italien.
Il y a 8 ans, j’avais 16 ans, une
robe transparente, surtout par temps pluvieux, et j’étais tombée raide dingue
de Giovanni, qui m’avait tenu compagnie quand j’avais boycotté la 100e
visite d’église de notre croisière méditerranéenne. J’en avais tiré une
nouvelle. Terminée. Qui est quelque part. Ah, je viens de la retrouver et elle
fait 7 pages quand même. Je n’ose la relire. Elle s’intitule Syndrom, bien évidemment.
Enfin voilà, ce guide ce matin
(t’as remarqué je dis pas son nom ? Nan parce que si je le dis je vais me
faire vanner pour les siècles des siècles)(du coup t’auras deviné quand
même)(voilàvoilà) m’a redonné foi en l’hormone. Je peux encore regarder un
garçon et palpiter. Je crois même que s’il m’avait invitée à boire un verre sur
un rooftop, j’aurais dit oui. Je crois même que s’il m’avait proposé de le
suivre dans son appart’ miteux du Bronx, j’aurais pas dit non. Je crois que ça
veut dire que ça va mieux.
J’ai bien sûr pris des photos de
lui, elles sont – bien sûr – toutes absolument ratées.
T'as de la chance, ça fini bien.
RépondreSupprimerJ'étais déjà en train de rédiger un commentaire assassin et culpabilisant si tu persistais à négliger ton travail de blog.