Il y a deux ans, j'allais déposer sa petite urne en carton sur la tombe de son illustre homonyme, dans un tout petit cimetière d'église paumé au fond du trou du cul de Londres, j'ai nommé Deptford.
Depuis, je n'ai pas eu le courage, encore, d'y retourner. Mais, forcément, prendre l'Eurostar le jour anniversaire de sa mort n'était pas anodin.
Lors de mon dernier voyage en Albion, j'avais fait un détour cicatriciel et commémoratif par Canterbury, ville de naissance du dramaturge Kit Marlowe. Pour éviter, surtout, de me confronter au fait que je n'étais pas prête à aller lui rendre visite.
Cette fois-ci, je n'avais rien de prévu en rapport de près ou de loin avec lui. J'emmenais ma nièce aînée fêter sa majorité et son bac donc le programme c'était plus Street-art, bières et Camden Lock.
Comme je ne me refais pas, nous sommes aller rendre visite à mon très vieil ami le Phantom, dans son antre Londonienne du Her Majesty's Theatre.
J'espérais secrètement que mon invitée, qui partage un pourcentage certain de mes chromosomes, allait comprendre, ne serait-ce qu'un peu, mon obsession pour l'univers créé par Gaston Leroux et glamourisé par Andrew Lloyd Webber. Officiellement, je lui payais des billets dans un des plus beaux théâtres du West End car c'est dans cet univers qu'elle veut bosser et que c'était une excuse assez solide pour me faire un beau cadeau à moi aussi.
Si, avant d'entrer, j'ai eu droit à un regard un peu moqueur quand je lui ai avoué que ça devait être la 7 ou 8ème fois que j'allais voir la pièce, c'est un coup d'oeil tout enfiévré auquel j'ai eu droit à l'entracte. Le vocabulaire lui manquait pour exprimer le coup de massue que représente cette oeuvre la première fois qu'on la découvre. Et cerise sur la crumpet, nièce-de-moi a conclu cette soirée par "j'ai trop envie de lire le livre maintenant."
Mon job de missionnaire du man in the mask était accompli.
Juste avant, j'avais péleriné dans un petit cimetière perdu contre les voies de St Pancras où Mary Wollstonecraft (mère de Mary Shelley) et William Godwin sont enterrés, tout près de l'architecte Sir John Soane, dont la collection absolument fabuleuse et abracadabrantesque est à voir et revoir dans son musée (qui est gratuit !)
C'est déjà l'automne à Londres, et le temps se prêtait plus que jamais aux balades romantiques dans les bois, c'est pourquoi quand Nice-Niece m'a dit haut et fort "non mais moi j'aime bien les cimetières" ni une, ni deux, je l'ai traînée jusqu'à Highgate east, une valeur sûre pour cette photographe en herbe.
Le bus nous a lâché quelque part dans la côte menant aux deux Highgate cemeteries, et le raccourci le plus proche était de se faufiler dans un quartier résidentiel privé. Le fait est que la porte était ouverte, mais quand on a trottiné à l'intérieur, on regardait un peu par dessus nos épaules, notamment parce que des panneaux "beware neighbourhood watch" étaient rivés à l'entrée.
C'est pourquoi quand on a entendu un cri aigu et vu une masse noire foncer sur nous, on a eu un moment de flottement. Puis la grosse masse s'est jetée dans l'herbe, à nos pieds, et nous a montré le ventre en ronronnant ce qui ressemblait à peu près à "and now, pet me humans!"
Croiser des chats dans le coin n'est pas rare, croiser le sosie de mon chat mort l'est un peu plus, et qu'il se jette sur nous pour une séance de câlins torrides de 20 minutes alors qu'on ne le connaissait absolument pas l'est tout particulièrement.
Une fois monsieur rassasié, nous avons poursuivi notre chemin jusqu'au portail d'Highgate, devant lequel je pense toujours à Fred Vargas. La dame de l'accueil n'a pas levé un sourcil quand j'ai montré à Niecephore Niece le warning posé devant elle qui disait que "certes, George Michael est enterré dans les parages mais on vous dira pas où, même si vous êtes des amis ou de la famille". Apparemment, les fans de King George ont traumatisé les gentils retraités qui ont pris en charge la gestion des deux cimetières.
La balade a été des plus reposantes, tellement, même, que je suis partie très loin dans mon introspection, heureusement, Nièce était très occupée à stalker des écureuils qui, eux, stalkaient des noisettes, qui, elles, finiraient pour 80% d'entre elles enterrées et non dévorées, et même que c'est comme ça que poussent la plupart des arbres.
Bref. On s'est posées sur le premier banc qu'on a trouvé, épuisées. Et c'est là qu'on a vu...
Nièce m'a demandé si c'était le même que plus tôt, ce à quoi j'ai répondu que c'était très raciste de trouver que tous les chats noirs se ressemblaient et que bien évidemment que non vu que sinon la boule se serait déjà jetée sur nous pour réclamer son dû et que là, manifestement, cet autre individu tout aussi sosie de mon chat mort était plus intéressé par la chasse au papillon.
J'étais perplexe, je dois vous avouer, par la tonitruance de l'univers qui se fait d'habitude plus subtil. Non pas un, mais deux jumeaux de mon chat mort, le lendemain de la date anniversaire de trépas, alors que j'avais prévu d'éviter mentalement le sujet. J'ai interprété ça comme un "rien ne sert de fuir" plutôt agréable puisqu'il nous fournissait notre dose de félins.
Fourbues et comblées, nous sommes parties à la recherche d'un accès vers le premier tube qui voudrait bien nous déposer dans un lieu propice au houblon, quand tout à coup...
J'ai vu tout Le Petit Prince défiler devant mes yeux.
C'est en se repassant nos vidéos de notre Foxy friend que nous avons descendu quelques lagers (pour elle) et ales & stouts (pour moi) dans tous les endroits phares de l'âge d'or de l'indie rock (j'ai pu ressasser comme une vieille que je suis déjà #indieamnesty)
Le lendemain et dernier jour était consacré à une virée dans Shoreditch, à base de bouffe indienne, de Rough Trade East et de marchés de fripes.
Notre virée s'est terminée par le clou du pestacle, aka un Banksy original, pour Fille-de-ma-soeur qui avait étudié Faites le mur ! en cours.
[Photo caca car 1) désormais les Banksy sont sous verre, et vous savez ce que je pense des trucs en accès public qu'on enferme dans des carcans vitrés et 2) il y avait masse de journalistes et de badauds devant.]
On était toutes les deux au bout du rouleau de nos pieds, et je me suis donc mise en quête d'un double decker qui voudrait bien nous déposer à King's Cross, quand je suis tombée sur...
The Theater.
Le premier théâtre du Londres Elizabethain (oui, ils avaient un certain sens du marketing dans leur choix de nom), fondé par James Burbage, le Phil Spector de l'époque, et dont les matériaux, après son démantèlement, ont servi à construire le Globe. Sur la photo, c'est plus l'emplacement donc, et la maison familiale de Burb, si j'ai tout suivi.
Mais ce qui m'a frappé, c'est pas ce mural un peu hum... foisonnant à la gloire du surcôté Roméo et Juliette, non, c'est l'info nonchalamment balancée sur un panneau informatif tout près comme quoi Marlowe faisait partie de la team et qu'il était contraint, comme les autres artistes-crèvent-la-dalle de l'époque, de loger dans le coin (en dehors des murs de la cité en ce temps, cela va sans dire).
C'était mon dernier arrêt avant de reprendre le train et le destin et mes bottines usées m'avaient donc traîné jusqu'à la piaule de mon auguste Kit.
Way to go, l'univers. Way to go.
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