[I'm sorry, I'm just different from you /
I can't give you more than you want me to /
I can't give you more than you want me to /
My life is near the end, you know it too]
J'ai l'impression d'avoir beaucoup de souvenirs très lointains. Les connards de service vont rappliquer avec leur bouche pincée en mode "Enfin : des recréations de l'esprit à partir de ce qu'on t'a raconté sur ton enfance." => Non, connard de service, des souvenirs où je suis toute seule et dont personne n'a été témoin.
Et d'ailleurs, si je devais me fier aux paroles de mon entourage, j'aurais une image de moi enfant encore plus pathétique qu'elle ne l'est déjà.
Donc oui, dans mes premiers souvenirs, il y a surtout des sensations. Les réveils de sieste chez ma grand-mère, qui m'a élevée et ce avec tout l'amour du monde, ce qui manque cruellement, une fois que tu ne l'as plus au quotidien et ensuite quand tu ne l'as plus du tout et qui explique beaucoup de ma solitude actuelle.
Le reste de ma famille s'étonne du fait que j'ai des souvenirs où elle m'engueulait, d'après eux, ça n'arrivait jamais. Mais si. C'est juste qu'elle le faisait entre quatre z'yeux, pas devant eux, pas dans le but de m'humilier, avec à coeur que je comprenne la leçon, et sans aucune punition, car notre relation était telle que les décevoir, elle et mon grand-père, était plus que je ne pouvais supporter.
D'ailleurs, il n'y a pas plus grande fêlure dans mon enfance que leur fierté irrépressible quand ils parlaient de mes cousins "sportifs EUX". Car je savais que ça, jamais je ne le serai, que je ne l'étais fondamentalement pas, et que du coup, ils ne m'aimeraient jamais totalement. Que ma place de favorite était en jeu. Heureusement, j'ai des cousins parfaits mais qui vivent très très loin. La proximité, mon ancrage forcé en Normandie me laissait l'avantage.
Jusqu'à mes trois ans, effectivement, c'est un vide, quelques flash me reviennent quand je retombe sur des jouets, des tenues, des endroits plus fréquentés depuis lors.
Mais tout commence à 3 ans. Quand Mémé, toujours, me ravissait de steaks saignants et me filait en plus la moitié de celui de mon grand-père quand je n'en avais pas assez. Je consultais d'ailleurs avec avidité un livre sur la ferme et les animaux. J'étais déjà un peu pétée du casque à ce niveau là. Terrifiée de ma faculté à pouvoir écraser un escargot et, en même temps, lui offrir un logis confortable et de la nourriture à profusion. Beaucoup de responsabilités pour une seule personne, pensai-je.
C'est alors que j'ai eu mon Eurêka!, mon éclair de lucidité, que si la viande était saignante, c'était parce qu'elle venait de quelque chose de vivant. Comme un. Comme un... Comme un humain. Mémé s'est récriée que bien sûr que non ça n'était pas de l'humain, mais que c'était du boeuf.
Comme le mari de la vache ?
Bahoui.
Oh.
Johnson trois ans d'âge a donc décidé de ne plus laisser passer ni viande ni poisson par son organisme. Nombreux sont ceux qui me disent "mais à cet âge là on ne peut pas prendre de telles décisions !" et bien si. On peut prendre surtout cette décision là. A cet âge là, on te fait faire tout et n'importe quoi, on te fait croire en des trucs impensables, mais il y a une chose qu'on ne peut pas forcer et qui vous met bien dans la merde car vous ne pouvez pas le faire à notre place : manger.
J'ai arrêté de manger.
Alors bien sûr, ça a pris du temps. On m'a eu sur plein de trucs jusqu'à ce que je sache lire. Je crois d'ailleurs que ça a précipité mon envie de lire et d'en découdre avec les ingrédients des boîtes de conserve.
A quatre ans, je disais à qui voulait bien l'entendre que j'arrêterai mes études après le CP, une fois que j'aurai appris à lire correctement et à compter à peu près. Après, à mon sens, c'était une perte de temps.
A quatre ans, je vivais déjà la vie comme un CDD, me donnant rendez-vous dans un futur moyen proche et renversant la table de ce qu'on avait prévu pour moi.
A cinq ans et demi j'entrai au CP en sachant déjà lire, en ayant appris toute seule sur des vieux livres scolaires traînant chez ma grand mère.
Mais avant ça, il y a eu la maternelle.
#tobecontinued
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