mercredi 22 août 2012

My sorry-ever-after [Part I]


[Je tiens à préciser que je ne fais partie d'aucune secte à la gloire d'Oscar - je suis une secte]

On m'avait beaucoup parlé de lui. Mon nouveau groupe d'ami était le sien. Ils étaient tous extrêmement admiratifs de lui. Pas parce qu'il était brillant. Pas parce qu'il était drôle. Et beau. 
Parce qu'il était furieusement lui-même. 
Avec toutes les conséquences que cela implique. 

Un peu à la masse avec le français, parfois, puisque ça n'était pas sa langue maternelle, un peu renfrogné dès que quelque chose n'allait pas, silencieux quand l'alcool ne s'en mêlait pas ou s'en mêlait trop : le reste du temps il était solaire.

J'attendais de le rencontrer avec beaucoup d'impatience. On m'avait raconté ses mythes et légendes en long, en large et en travers et je voulais voir de quel bois La Bête se chauffait. 

Notre rencontre serait, par ailleurs, un test, pour voir si mon intégration à leur groupe d'ami était viable. Mais ça, c'était du non-dit.

Lorsqu'il est arrivé, j'avais déjà trois verres derrière moi. Je lui ai dit bonjour sans le regarder dans les yeux - il faut au moins six verres pour ça. 

J'ai continué ma vie, échangé trois débilités avec lui, en toute politesse. Je l'ai surtout observé :

A une poignée de centimètres des deux mètres, les cheveux clairs, les yeux tristes, taillé comme un nageur professionnel. Il ne ressemblait à rien de ce que je voyais tous les jours. Il était à l'opposé de tout ce que je connaissais. 

Je me demandais comment diantre aborder La Bête, quelle technique d'approche ne me ferait pas passer pour une débile, ou, pire, une intello. 

Je me demandais ça en me lavant les mains dans la salle de bain. 
Je me demandais ça et puis je l'ai vu, derrière moi, dans le miroir.

Il est entré - c'était minuscule - et s'est assis sur le rebord de la baignoire, il m'a regardée, l'air goguenard et a dit quelque chose comme "alors c'est toi la fameuse Johnson ?"

J'ai dû sourire comme une idiote et rougir et bafouiller et lui demander ce qu'il avait entendu dire sur moi. Il est resté vague, poli. Il a employé des demi-mots, des silences, puis il m'a retourné la question. 

C'est là que tout a basculé. J'étais - je suis - incapable de cacher quoi que ce soit, l'honnêteté incarnée, doublée d'un diable en boîte lorsqu'il s'agit de tester les nouveaux gens de ma vie.

Car je teste systématiquement, dans un but très simple : évaluer vite fait bien fait si la personne en face est susceptible de me faire du mal, si elle est à ma hauteur dans la répartie et pour éradiquer tout doute quand à la destination de notre relation (je ne peux vivre aucune amitié s'il existe le moindre doute de romance/désir potentiel en face). Pour moi La Bête était intouchable, car très amie avec mes amis, et foirer quelque chose avec La Bête aurait été foirer ma vie sociale dans son ensemble. 

Je l'ai donc testé brutalement, lui balançant tout ce qu'on m'avait dit sur lui, n'épargnant pas les faits les moins glorieux, j'ai vu son visage angélique se liquéfier. Ses longs doigts se refermer contre le rebord de la baignoire - j'ai eu peur pour elle, l'espace d'un instant. 

Il s'est embrasé aussi vite qu'un puits de pétrole.

J'ai compris qu'il était à ma hauteur, même sans répartie, il était à ma hauteur car nous avions le même égo, la même hypersensibilité et une valeur en commun : l'amitié au-dessus de tout. Il était furieux et j'étais contente de moi, en bonne égoïste.

Et puis j'ai rajouté le détail qui a fait déborder sa marmite intérieure.

Il s'est levé, trop vite pour que mon esprit embué par l'alcool puisse réagir autrement qu'en essayant de lui barrer la route.

La catastrophe sociale était proche : s'il sortait, s'il reprochait à ses amis d'avoir trop parlé, j'allais créer un cataclysme dans leur amitié. Tout à coup je m'en foutais complétement d'être éjectée du groupe, je ne voulais juste pas briser le caractère sacré du leur.

J'ai réalisé le caractère absurde de la situation : moi, 1m60 et des brouettes, tentant d'empêcher une montagne de se ruer hors d'une pièce de 2m².

Il m'a demandé d'abord calmement de me pousser, me défiant des yeux. J'ai tenté de le calmer - mais je ne savais pas encore que rien ne pouvait jamais le calmer.

Dans un acte quasi suicidaire, alors qu'il allait m'empoigner pour me déplacer, je me suis collée le dos à la porte, nous enfermant tous les deux hors du monde.

Ma réaction compromettait énormément une sortie non-violente de la pièce. Il était désarçonné. 

Il s'est collé à moi contre la porte, m'a regardé droit dans les yeux, et m'a ordonné de bouger. 

Je crois que ces quelques secondes de défi - perdu d'avance - ont été les plus érotiques de ma vie. 

L'enjeu n'était plus si grand. 

Je suis tout de même restée quelques secondes de plus sans bouger, histoire de marquer mon désaccord, puis j'ai glissé sous son bras.

Il a fait voler la porte et a commencé à hurler sur ses amis.

Je suis allée m'assoir sur le rebord de la baignoire en essayant de rassembler mes hormones, mon cerveau et ma conscience.

Un long moment s'est écoulé.

Puis je suis sortie : tout le monde était passé à autre chose.

Le lendemain, lors du debrief de la soirée, on me dirait que j'avais fait très bonne impression à La Bête, et qu'il m'avait trouvée drôle et sympa.
 


N'importe qui se serait méfié. 
N'importe qui, sauf moi.


 



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