samedi 26 novembre 2011

Instant Karma


Il y a de ces journées que tu attends depuis tant de temps que tant pis, tu ne te souviens plus quand.
Ce qui compte c'est l'avant. Aller de. Et l'attente aussi, un peu.

Alors ce matin, j'ai pris mon petit déj' en lisant les crédits de l'album, en souriant, et je me suis barrée au bureau le disque sous le bras. C'est d'ailleurs la première chose que j'ai faite : l'enfourner dans mon ordi et l'écouter. En boucle.

Ce soir j'allais voir pour la troisième fois les Shaka Ponk en concert, mais ce soir ça allait être le concert de leur vie. Sans exagération.

J'aime être là dans ces moments là, et surtout, j'allais être accompagnée de deux des personnes que je préfère au monde en ce moment. Des gens qui partagent le même amour que moi. La même passion. Pas des rabats-joie. Pas des blasés. Juste des gens qui aiment, qui assument et qui assistent.

Alors oui, ce matin j'étais guillerette. Gonflée à bloc. Et puis est arrivée la pause déjeuner.

Je suis descendue m'acheter un sandwich pour le soir, pour faire le plein de mangé avant de suer comme un veau au Zénith.

Alors que ça allait être mon tour de commander, un grand monsieur noir et baraqué est sorti des cuisines de chez Paul, au bout de ses bras, deux petits morceaux de viande de 7 et 8 ans. Des gamins sales, qui tenaient, pour l'un, un papier chiffonné et pour l'autre, un billet froissé, dans les mains. Ils se regardaient, pleins de terreur, comme pris dans les phares d'une voiture. L'autre les tenait par la peau du cou.

La dame me demande ce que je veux, je dis "to-to-tomate mozzarella".

Le type les jette en plein milieu de l'allée du centre commercial.

"Pain aux olives ou pain brioché ?"

"Aux... o... olives."

Il les tabasse à coups de poings, de gifles...

"Pardon j'ai pas entendu."

Puis il les jette au loin à nouveau et finit par défoncer le coccyx de l'un à coup de pied. 

"Ca fera 4 €"

Je récupère ma monnaie en trébuchant, moi aussi, la bouche ouverte comme un merlu, transie de froid tout à coup. 

J'entends vaguement les plaintes de la clientèle féminine derrière moi, et le malabar qui se défend.

Je vais me sentir mal. 

Je revois les images du passage à tabac des gosses et la seule chose qui me vient, la seule pensée cohérente est : "Tiens, il a la même manière de frapper que mon père."

J'enfourne le sandwich dans mon sac, j'erre dans les étages. Je sais où je veux aller mais plus vraiment comment y aller. Je finis par y être. J'achète une toupie à mon neveu. Je demande un papier cadeau. Je laisse des pièces dans la boîte. J'emporte le sac.

Je repasse à l'endroit de l'empoignade. Je tremble un peu.

Je me dis "pense à ce soir". 

Ce soir tu seras bien. Ce soir tu seras avec les gens que tu aimes. Les gens que tu admires. Et le garçon que tu idolâtres. 

Je n'ai pas réussi à penser à ça. A tout ça. Avant d'y être vraiment. Les deux pieds sur ma rangée, au Zénith. Devant un des shows les plus élaborés - et réussi, qu'il m'ait été donné de voir. Emouvant, drôle, parfait. Merveilleux, en somme. 

Devant ma statue grecque vivante que je n'ai pas réussi à lâcher des yeux avant longtemps, je me disais que j'étais au paradis.

De la musique. Des amis. Du désir pour le plus beau garçon de l'assemblée - du monde ?

Je ne pensais plus aux petits garçons. 

Et puis Bertrand Cantat est arrivé.

Je ne sais plus qui, autour de moi, a dit "il est venu..." avec un air plein de nostalgie, de reconnaissance et d'émerveillement. Comme si le père longtemps absent avait décidé de revenir passer les fêtes en famille.

Qu'est-ce qu'on fait dans ces moments là ? On lui demande pas pourquoi il s'est cassé. On lui reproche pas ses conneries. 

On profite. On lève les bras. Et on prend ce qu'il a à donner. 

Alors, j'ai séparé l'homme de l'artiste, j'ai été époumonée. 
Je me suis pris un Instant Karma dans la gueule.

You better get yourself together
Pretty soon you're gonna be dead
What in the world you thinking of
Laughing in the face of love
What on earth you tryin' to do
It's up to you, yeah you

Shaka Ponk est un groupe adepte du Do it yourself. Ce que je suis à 100% aussi - j'en suis arrivée là grâce et malgré moi. Je pense que je n'aimerais pas autant ce groupe si je n'adhérais pas à cette philosophie commune.

Ils ont réussi à créer une telle locomotive de "bon" de "bien" et de "fucking great" qu'ils arrivent à traîner derrière eux des épaves et à les retaper en deux chansons. A me faire revoir la vie en spectre coloré quand tout espoir avait abandonné ma carcasse l'après-midi même.

Alors merci eux, merci vous, merci toi. Time really does fly with you.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Veuillez écrire un truc après le bip visuel : BIP