mercredi 9 novembre 2011

Lancement de la semaine de la fiction - Cuvée 2011

 Une des traditions de ce blog, mais cette année je triche. Je triche parce que rien n'est original dans ce que je vais publier. Tous les ans, je me force à pondre une note par jour pendant 7 jours sur un thème particulier & en suivant un fil rouge. Cette année, je déterre un texte fondamental et vous en fais part pour deux raisons :

1) mieux l'enterrer pour travailler plus avant sur le texte sur lequel je focalise actuellement (et qui se trouve issu de la dernière fournée de la semaine de la fiction, en 2010)(oui, il faut suivre)

2) l'inscrire dans mon histoire personnelle. Dans la construction de mon style qui s'est fait en grande partie sur mes blogs.

Maintenant la Genèse :

Il s'agit d'un texte écrit tout au long de ma dernière année d'études, le cadre était idyllique, et je tapais en cours sans ralentir tandis que des profs débitaient des choses dont je n'ai rien dû retenir. Inspiré de la rencontre (physique) avec un auteur et de la rencontre (spectatrice) avec le Watchmen. Le premier m'ayant suggéré le personnage principal masculin, le second m'ayant plongée dans une torpeur qui dura presque 18 mois.
 Je n'ai jamais fait lire ce texte à personne. A peine un extrait a été publié sur ce blog. Passé encore plus inaperçu que le reste. 

Pourtant.

Pourtant sans ce texte j'aurais oublié que je pouvais écrire. Beaucoup. J'ai gardé ce texte aussi secret que le Watchmen, je crois qu'il est temps de lui faire prendre l'air. 

Je n'attends rien de vous, si ce n'est des réactions par mail si elles vous viennent. Au cas où elles vous viendraient.

Petit twist, je vais poster les extraits dans le désordre. Je suis joueuse. J'ai un peu envie de déstructurer cette création un peu trop "sage" - à l'extrême opposée de mes tire-larmes habituels.

Here we go !



Et puis septembre. Le tout début septembre, encore chaud mais déjà humide. Cette mi-saison où les décolletés côtoient les piles de mouchoirs mais ne cèdent pas à la pression.

Dernière année d’étude avant le grand bain, et Jude comptait se hisser sur chaque minute pour agripper son avenir professionnel. Les quelques échecs personnels qu’elle avait essuyés ne faisaient que la convaincre une peu plus de se lancer éperdument sur l’échelle de la working-girl. Désormais persuadée que monter au sommet serait un prix de consolation confortable.

Jude était acceptée. Et être acceptée, c’est un luxe. Donc oui, elle voulait être à la hauteur de l’occasion, et se tenait droite, rentrait les fesses et semblait marcher sur les foules. Son regard était serein, presque hautain. Sa jolie figure couronnait une robe vermeil, cintrée à la taille mais flottante le long de ses cuisses.
Un peu moins sûre d’elle lorsque son sens de l’orientation en rade, à peine entrée dans des couloirs antiques se ressemblant tous. Des plans enchevêtrés nécessitant une vision 5D aux conseils balbutiants des types de la sécurité, elle avait finit par consommer la totalité de son avance. Arrivée devant la salle à 9h02, elle se demanda si ce n’était pas mieux finalement d’échapper à l’attente calculée devant la porte en bois. Aux toisages d’usage entre filles, et au passage au scanner classique de la part des rares garçons.
Elle frappa, puis entra, car attendre un éventuel « entrez » pouvait paraître éternel. 40 têtes se levèrent en chœur et dévisagèrent l’intruse qui déclara simplement ; « Bonjour, Juliannah Andrews ». 
Le directeur de la formation secoua la tête et l’empressa de s’asseoir. Alors qu’elle cherchait une place des yeux, elle entendit une tirade sur l’importance de la ponctualité chez les grands cadres qu’ils étaient tous amenés à devenir.
Jude vit une miraculeuse table, en plein centre, où les deux places étaient libres. Ne voulant imposer sa présence à personne et ayant décidé de faire le tri de manière stricte dans ses futures relations elle ne voulait pas risquer le phénomène du pot de colle. Le type sur lequel on tombe par hasard et qui considère ce hasard comme le destin, et ce destin comme commun et inaliénable.
Assise, elle écrivait patiemment la liste de numéros de téléphones, de fax, d’adresses email, d’adresses physiques et de livres à acheter, le tout mélangé sur un des derniers tableaux noirs de Paris. Un résistant, tenant à peine debout, - dangereusement bancal à vrai dire, et dégueulant de craie blanche jusque sur le pantalon en tweed du professeur. Celui-ci s’embrouillait dans ses gestes, écrivait trop vite et de façon illisible, s’énervait lorsqu’on lui demandait d’éclaircir tel titre ou telle référence. Juliannah Andrews, puisque ici, on ne la connaissait que sous ce nom, bailla et attendit le moment de la révélation ultime, celle des emplois du temps du semestre.
Puis elle remarqua que toutes les places étaient prises autour d’elle, que des regards de connivences s’échangeaient déjà entre les étudiants. Ils se connaissaient. Peut-être aurait-elle dû socialiser durant les épreuves de passage, peut-être était elle la fantaisie de ce casting, venue d’une filière exotique, tirée de là par un universitaire content de piquer une brillante étudiante à un ancien confrère.
La paranoïa cessa d’un coup : avec le bruit de la porte, elle réintégra la masse, leva la tête et chercha des yeux.
Elle vit d’abord son sac, en bandoulière, une sorte de sacoche en plus mince, pas vraiment du cuir mais bien imité. Comme son sac à elle en fait, sauf que le sien était violet. Toujours. Puis elle se rendit compte de la taille interminable de ses jambes, et sans remonter jusque son torse, ou pire, jusque sa tête, elle savait.
Elle ordonna donc à sa nuque de se baisser, pour ne pas croiser le regard du nouvel arrivant, pour ne pas être sûre, pour ne pas savoir.
Tout son corps se raidit lorsqu’elle sentit les deux très longues jambes s’approcher. Un pas sûr et à peine bruyant qui avançait droit devant, jusqu’à sa table à elle.
Lorsqu’il tourna pour s’asseoir à ses côtés en un seul mouvement parfaitement maîtrisé, elle inspira. Parce qu’elle n’avait pas le choix.
L’air qui s’insinua dans ses poumons la transporta dans un lit étranger, mais doux, derrière des voiles et surtout contre l’épaule du dernier homme qu’elle avait laissé l’approcher.
Rien. Pas un « Hey », pas une main sur l’épaule en signe de reconnaissance. 

Pierre venait de s’asseoir à ses côtés, dans sa salle de cour, après 9 mois de silence absolu.

1 commentaire:

  1. "Le type sur lequel on tombe par hasard et qui considère ce hasard comme le destin, et ce destin comme commun et inaliénable."

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