samedi 15 février 2025

Lukewarm life all alone, it drags on and on

 

[It drags on and on]

Il y a peu, j'ai traduit un bouquin sur une jeune fille métisse qui témoigne de son sentiment de n'appartenir à aucune de ses deux origines, d'être rejetée dans l'un comme dans l'autre des pays dont elle a hérité de la culture. Ce sentiment de n'être jamais assez, ou beaucoup trop.

Comme je suis, pour ma part, blanche comme un cul, je n'ai pas trop pris le temps de laisser ça résonner en moi, en me disant que certes j'avais beaucoup d'empathie pour sa situation, mais que je n'étais pas concernée.

Et puis, j'ai pris comme bonne résolution de tenter de resocialiser un peu, car en me stabilisant, j'ai perdu pas mal de choses, dont ce qui me rendait très attractive aux yeux des autres. 

Quand on est Borderline, on est à la fois dans le people-pleasing à fond et dans l'extravagance. On en fait toujours plus pour divertir les gens, pour être entouré, pour surtout ne pas avoir à se retrouver isolé avec ses pensées. Pendant des années, je me suis donc déguisée en soleil. Je faisais graviter tout un tas de gens autour de moi, qu'ils appartiennent à ma galaxie ou qu'ils soient d'énormes trous noirs, juste pour qu'il se passe des choses, pour ne pas flotter dans le néant, pour fuir en avant. Car mieux valait le chaos que l'ennui.

Et puis, je ne sais pas exactement quand ça s'est passé, mais j'ai arrêté de faire semblant. Comme toujours, chez moi, c'est sûrement parti d'une décision brutale, et du jour au lendemain, c'était entériné : plus de soirées gigantesques d'anniversaire où je claque l'argent donné par mon père en shots histoire de le vomir, plus question d'aller aborder des inconnus, en ligne ou ailleurs, avec des blagues provocantes voire de mauvais goût histoire de tester leur résistance et leur capacité à encaisser, plus de Ciné Club où j'avais l'impression de prendre en otage des gens bien - qui avaient juste ça en commun : d'être des gens biens - en les forçant à être amis afin qu'ensemble on forme la famille que je n'avais jamais eue. 

Je n'ai pas tout perdu, après tout parmi tout ce bordel, il y avait ces quelques gens biens, mais le vide a repris sa place. 

J'ai abandonné aussi les signes extérieurs d'attractivité : les talons, les robes, les longs cheveux soyeux qui volent au vent. Je suis devenue invisible. Histoire d'être tranquille. Enfin. 

Il y a eu des crises, dont celle de manie, il y a deux ans, où tout est revenu comme une boule de feu, où des inconnus me raccompagnaient, inconsciente, dans des taxis à 5h du mat et où je me réveillais sans savoir comment je m'appelais. Période étrange pendant laquelle mes psys étaient hypers contents de moi, comme si je venais de sortir d'une longue sieste, alors que si je l'avais fait, c'était davantage pour trouver un cercueil à ma taille.

Tout ça pour dire que j'en suis sortie, et après une année bien merdique où je ne pouvais me permettre de me poser des questions volant plus haut que "s'inscrire ou non aux Restos du coeur ?" "Combien ça se revend, sur Vinted, une âme ?" et "Finalement, a-t-on vraiment besoin d'électricité ou est-ce qu'on est pas un peu des enfants gâtés qui se vautrent dans le confort superflu ?", me voilà, en 2025, avec une éclaircie financière et boulotale à l'horizon et la capacité de me dire : OK, et maintenant ?

Alors oui, j'ai retenté de socialiser. De sortir de cette fameuse zone de confort. De tester des trucs (qui n'impliquent ni sexe, ni drogue, ni rock&roll). 

Et c'est là que je me suis souvenue. Le fameux décalage, cette deuxième nature, que j'avais oublié.

Enfin, pas vraiment. Ce diag fait partie de mon quotidien. J'ai appris à l'amadouer, à le tranquilliser, voire à en faire une force.

Mais j'avais oublié ce qu'il faisait de moi, profondément.

La personne fractale qui ne sait pas qui elle est, ne l'a jamais su, et avait décidé de laisser aux autres le soin de la définir car ils étaient meilleurs et avaient sans doute raison. 

La personne en décalage permanent, ni tout à fait typique, ni tout à fait folle à lier, en tout cas pas assez pour être hospitalisée.

Une sorte d'entre deux un peu agaçant, où on ne peut jamais être confortablement installé. 

Même face aux gens qui nous suivent avec abnégation depuis 10 ans et qui ont des vieux réflexes de gens normaux (tm) quand je m'ouvre à eux ; "Mais qu'est-ce qui te fait dire ça ?" "Peux-tu me justifier en trois points d'où te vient cette déduction ?" "Quelles sont tes sources ?" "As-tu bien rempli le formulaire 3B alinéa 4 avant d'employer telle expression ?"

Ca me secoue toujours de me rendre compte que ceux qui me connaissent le mieux seront toujours tenus à distance par mon mode de fonctionnement, si différent du leur. 

Peut-être est-ce pour ça, que je suis devenue traductrice. Pour essayer de faire passer le mieux possible des messages d'une langue à une autre. D'une psyché neuroatypique à celles du plus grand nombre.

Alors oui, je suis allée chercher du réconfort auprès d'autres personnes neuroA, même si dans ces moments-là, mes psys froncent les sourcils et me disent que je régresse. Que je suis apte à fréquenter des gens normaux (tm), même si ceux-ci ne comprennent, malgré tous les efforts du monde, rien à rien et me poussent dans mes retranchements, hors d'haleine, à force de devoir leur exposer 6 copies doubles de Thèse - Antithèse - Synthèse alors que je voulais juste leur dire "ça, tu vois, c'est ma vérité".

Et d'un certain côté, mes psys ont raison. Je ne suis pas comme les neuroA non plus, parce qu'on est tous différents et ce qui nous uni, au fond, c'est souvent les seaux de merde qu'on nous a envoyé à la gueule. Donc on ne se tire pas vraiment vers le haut, et c'est sur la personne la plus stabilisée (généralement moi) que retombe la charge de trainer le traineau. C'est ce que mes psys veulent que j'évite, alors je ne garde que quelques orteils dans le pédiluve, et j'essaye de ne pas me faire happer vers la fosse des Mariannes, tout en lançant des bouées de secours à ceux qui tentent de sortir la tête de l'eau, quand j'en ai l'énergie.

Je ne suis pas dupe, je sais que les personnes normales (tm) ne se comprennent pas beaucoup plus entre elles, souvent, d'ailleurs, parce que rien ne les oblige à se remettre en question. A regarder vers l'intérieur et à se dire "tient, ce truc tordu là qui est planté dans mon pied... et si je l'enlevais pour voir ?"

On arrive sur un problème mathématique complexe, où mon bas niveau d'énergie ne me permet que de faire des tentatives chirurgicales pour rencontrer des gens, et il faut que ces jours d'embellie correspondent à des opportunités, elles, de plus en plus rare, et que lors de ces opportunités je tombe sur des personnes compatibles (on ne va pas pousser le bouchon trop loin et se trouver un groupe de skinheads avec qui allait casser du sans-papier, je suis désespérante mais pas désespérée). 

Et pour les personnes bien, les personnes compatibles, les personnes bienveillantes, c'est la triste loi du marché. Elles sont souvent très occupées et, à notre âge avancé, tout roule sur des rails un peu trop huilés. Je ne les croise donc que lorsqu'elles sont en crise. Je les aide, en espérant qu'elles m'intègrent à leur vie d'après, mais souvent, j'apparais comme faisant partie de l'avant, du leste qu'on doit lâcher pour s'envoler.

Et puis, il y a les personnes qu'on croyait normales (tm) et qui se révèlent être des Fantomas du diag ignoré et qui, d'un coup, révèlent leur vrai visage et vous laissent sur le carreau en démarrant en trombes dans un nuage de gaslight.

Alors que s'est-il passé, en moi, quand j'ai vu que mon mur invisible social était toujours là pour que je me le prenne en pleine face ? 

De manière assez prévisible, je suis retournée dans mes anciennes manies (pas celles où je danse sur les comptoirs en faisant des body shots sur le torse glabre de rockstars à peine majeures), mais celle de l'ado attardée à l'âge où je suis restée bloquée (on en a toustes un.e). J'ai recommencé à vivre dans ma tête en attendant un ailleurs, et un autre moment. Ce qui était une théorie valable quand j'avais 16 ans et que j'étais enfermée dans le trou-du-cul de la Normandie, mais qui l'est beaucoup moins maintenant que je me suis déjà reconvertie, que je suis propriétaire et que j'ai deux chats à nourrir. 

En tentant de faire un pas vers l'extérieur, je me suis enfoncée encore un peu plus en moi-même. J'ai ouvert la porte, fait un pas dehors, et comme je n'ai croisé personne tout de suite, je n'ai pas avancé plus, je suis retournée m'assoir bien sagement autour de la table en plastique du jardin pour boire le thé avec mes nounours et mes amis imaginaires.

(Car oui, je suis aussi restée bloquée à l'âge où je vivais chez mes grands-parents et où, pour la seule fois de ma vie, je nageais dans l'amour inconditionnel, cette drogue plus addictive que le crack).

Mes amis imaginaires sont plus adultes, plus barbus, et je n'accroche plus de posters d'eux. Je lis leurs livres, leurs articles, je regarde leurs films et je m'imagine tout ce que je ne serai jamais, parce que même si ça se passe mal, ça ne se passe pas vraiment. 

Je ne risque rien.

Je profite d'un dernier week-end de semi-liberté avant de plonger dans un tunnel de travail qui va me rendre malade mais auquel j'ai dit oui par trauma d'avoir été une cigale toute l'année dernière.

Ma triste existence de fourmi me servira d'excuse parfaite pour ne surtout pas mettre le nez dehors, ou me fera pleurer des larmes d'épuisement quand une opportunité de socialiser se présentera enfin mais que je n'aurais pas l'énergie de la saisir. 

Oscar, mon meilleur ami imaginaire, préfère les remords aux regrets, et j'ai suivi le guide pendant si longtemps, j'ai saboté tellement de choses en passant à l'action tête baissée en faisant n'importe quoi dans l'unique but de prouver à tous que "vous voyez ! ça marche pas !!" que j'ai opéré un 180° sur les roues arrières et me suis drapée dans des regrets un peu flou à base de "au moins, ça s'est pas mal passé, vu qu'il s'est rien passé."

Ma dissociation délicieuse a donc de beaux jours devant elle et j'ai fourni, avec mon peu d'énergie, les meilleures armes à mon déni qui pourra dire aux autres "bah si, j'ai essayé !" alors que ne nous leurrons pas : je me suis juste pris un grand coup de réalité dans la gueule et j'ai tourné aussi vite les talons en criant "Nope!" 



lundi 27 janvier 2025

Listen one time, it's not the truth

 


Tu aurais pu être formidable pour moi, et faire prendre à ma vie affective un tout autre chemin. 

On s'est ratés de peu, je m'en suis aperçue bien tard.

Tu es sûrement le moins pire de tous ceux dont je me suis entichée au fil des années, persuadée que même avec un bâton, ils ne me toucheraient pas.

Pourtant, quand il s'agissait, quelques années plus tard, d'aller à l'assaut du plus bel éphèbe d'un bar, je n'ai jamais eu froid aux yeux. Mais quelqu'un qui fait partie de ma vie, quelqu'un que je ne pourrai pas fuir, ça m'a toujours gelée sur place.

Et puis, techniquement, quand tu as été intrigué par moi, je n'étais pas célibataire, et même si je finirai par rompre parce que je pensais trop à toi pour me sentir honnête avec l'autre, toi, tu auras eu le temps de passer à autre chose.

A celle avec qui, dans notre classe, on me confondait toujours. L'ironie ne m'a jamais échappée. 

On ne saura jamais, j'aurais pu être très nocive, s'il s'était passé quoi que ce soit entre nous, comme c'est ce qui s'est passé avec elle, du moins j'en ai eu l'impression.

C'était trop dur d'assister au what-might-have-been, alors je suis partie. J'étais là. A côté de toi, au quotidien, mais je ne t'accordais plus nos échanges de quelques mots, entre deux portes, souvent sur les livres que je lisais, et que tu ne manquais jamais d'avoir déjà lus, toi aussi.

Sauf ceux en anglais dans le texte. Ca t'impressionnait d'ailleurs que j'en lise d'aussi gros, à mon si jeune âge.

Je n'étais pas encore majeure pendant la plus grande partie de notre relation. J'ai failli écrire amitié, mais je ne suis pas sûre d'avoir fait assez d'efforts pour ça. Tu étais amical, oui. Mais j'étais barricadée par mes peurs, mes complexes, mes idées reçues.

Quand toi, tu les as fait, ces efforts, je me suis bornée au premier degré, refusant de voir la main tendue, l'envie d'en apprendre plus sur moi. Encore une fois, peut-être que tu n'avais aucune idée derrière la tête en t'invitant chez moi, puis en me proposant un verre, en bas. 

J'aurais peut-être même pu me laisser amadouer s'il n'y avait pas eu la phrase de trop. Celle qui m'a fait basculer dans l'une des premières crises d'angoisse de mon histoire.

Je suis grimpée quatre à quatre dans l'escalier pour aller m'enfermer dans les minuscules toilettes dégueu de ce bar, en face de la gare du Havre. Je me suis regardée dans le miroir et je crois que j'ai répété "c'est pas possible, c'est pas possible, c'est pas possible". 

Tu venais de me raconter une anecdote bête et méchante, rien de grave, tu pensais, et effectivement, tu ne pouvais pas savoir la déflagration que ça créerait en moi. 

Tu me racontais la vilaine blague que tu avais faite à une pauvre fille de ton lycée. La même que j'avais moi-même subie et qui m'avait fait tomber le fond de la piscine. Sans eau. Tête la première.

Je crois qu'après ça, tu n'as jamais trop su sur quel pied danser. Et moi, je me suis accrochée à tous les signes pour ne pas me lancer. A tous les signaux qui montraient que tu n'étais pas intéressé, parce que tu ne pouvais pas être intéressé.

Et puis, en plus de cette relation que j'ai bien vite laissée derrière moi, il y avait cet autre, tout un poème, qui s'immisçait doucement mais sûrement dans ma vie comme un serpent resserre ses anneaux autour de sa proie. Tu ne pouvais pas le savoir, je n'en parlais pas. Quand j'en parlais, les filles trouvaient ça trop romantique. Sauf que ça a commencé quand j'avais 16 ans et que la personne, en face, avait presque l'âge d'être mon père. Je me suis raccrochée à cet écran de fumée, ce grooming comme on dit maintenant, parce que tu étais peut-être trop tangible.

A ma décharge, j'ai fini, avec le printemps et mes dix-huit ans arrivant, par réunir le courage de te confronter. Je partais perdue d'avance, mais j'avais envie de te dire quand même que tu m'avais fait quelque chose. Qu'à plusieurs reprises, mon coeur avait déraillé parce que tu m'avais faire rire, sourire, que tu m'avais appris un truc, ou partagé quelque chose avec cette passion que j'aimais tant chez toi. 

Et là, c'est toi qui a merdé. Tout le monde est venu à ma fête d'anniversaire. Pas toi.

C'était là que j'avais prévu de tout dire. Tu ne pouvais pas me rejeter trop méchamment, le jour de mes dix-huit ans. C'était un risque calculé. 

La soirée d'après, c'est une autre qui se jetait sur toi et vous commenciez une histoire qui m'a dépassée. Qui m'a brisée en mille morceaux. Qui a fini de me convaincre que oui, tu m'aurais rejeté, parce que je n'étais certainement pas comme elle. 

Il y a eu un moment, un purgatoire, où j'ai tenu la chandelle, et où à toutes tes questions, je répondais "non." Triste comme la lune. J'étais comme un agent double qui ne trouvait de réconfort qu'auprès de cette autre fille, encore, que tu avais fait chavirer et que tu avais, d'entre nous trois, friend-zonée en premier. 

Alors oui, maintenant, je suis une grande fille. Ma vie affective est un terrain miné, chaque fois que j'ai fait un pas en avant, j'ai explosé en mille morceaux, et je me demande bien ce qui serait arrivé si ce pas, je l'avais fait vers toi. Si un peu de synchronicité était venue s'immiscer.

Tu fais partie des rares à qui je repense avec tendresse. A qui je souhaite, sincèrement, tout le bonheur du monde. J'aime te croire heureux, même si la noirceur que tu cachais à peine est ce qui m'a attiré à la base. Je m'y suis reconnue et j'ai aimé la façon dont elle ne t'empêchait pas de vivre. De faire des choses. D'échanger avec les autres, avec le monde.

Je crois que je t'admirais beaucoup, pour ta façon d'être, d'être toi, même quand tu faisais le poseur et que tu l'assumais. Même quand tu prenais des postures un peu clichées. J'ai aimé ta colère, j'ai aimé ta passion.

J'espère que d'autres ont aimé tout ça, elles aussi. 

J'espère qu'elles ont pu te le dire. 

J'espère que tu l'as entendu. 

mardi 31 décembre 2024

It may feel bad

 


Une année de perte d'identité de plus qui a commencé par la question : mieux vaut-il être seule ou mal accompagnée ? Et qui se termine de la même manière, sans qu'aucune des options ne convienne. Comme souvent, la vérité est au milieu : se contenter des moments de plus en plus rare où les autres partagent un peu de leur temps. Leurs familles ne sont souvent pas plus saines que celle avec qui j'ai coupé les ponts, je l'ai appris à mes dépends en tentant le tout pour le tout, l'année dernière, afin de ne pas passer le 31 toute seule. 

Alors ce soir, je le suis. Pour le meilleur, pour le pire. Et je dresse un bilan, en cet endroit qui m'a si longtemps servi et que je délaisse.

L'autre fil rouge de 2024, c'est d'avoir tant dépensé, en temps, en énergie, en monnaie sonnante, pour prendre soin de moi, ou tenter de le faire, sans que cela ne change grand-chose : si le monde veut nous nuire, peu importe le nombre de smics claqués en orthoptie, EMDR, pair-aidance, TCC, thérapie dialectique, clinique du sommeil.

On arrête des traitements pour y voir plus clair sur ce qui cloche, on trouve des pathologies rares (#pokemonshiny)(1/100 000 personnes)(yes, I), on démarre d'autres médocs, on m'attache à une machine la nuit (et pas du genre robot sexy...)

Quelques échappées, pourtant, remplissent les poumons d'un air trop rare mais culturellement, peu de neuf, beaucoup de vieux (Les Libertines, Tahiti80, Stuck in the sound, pour le come-back, Rock Horror Picture Show sur scène pour le recyclage, I monster à la Maroquinerie pour le rattrapage de ce que j'ai loupé ado)

Des tentatives pourtant nombreuses pour sortir de ma zone de confort qui se sont révélées chagrin. Le chaos du monde mondial qui créé des remous jusque dans l'intime. L'inconséquence d'une industrie culturelle, censée être à part, où tout va toujours plus vite. Trop vite.

S'en sortir par les chemins de traverse, la débrouille, la survie, comme toujours : c'est en devenant cat-sitteuse que j'ai fait mes plus belles rencontres. Celles non-verbales, à l'individualité assumée. A la fierté même dans les dérapages. A la moustache dressée et le poil brillant. 

C'était ma grosse victoire de cette année, décrocher un certificat moi qui suis si inadaptée aux examens, aux chiffres à retenir par coeur, aux cours où il faut rester assis bien sagement. 

J'oscille entre stagnation et périclitassions (ce mot !) Je suis comme cet arbre qui tombe dans la forêt. Sans personne pour l'observer, a-t-il vraiment existé ? 

Je retiens des virées épiques à Moret-sur-Loing, à Rouen, dans l'excentrique musée Flaubert & de la médecine & un peu de Pierre Corneille aussi & il y a des momies, parce que pourquoi pas, sur l'île de Wight et son ferry au temps suspendu. Toutes ces envolées qui laissent un vide abyssal derrière elles, à se ce demander si ces expériences valent d'être vécues tant leur absence, au quotidien, est une souffrance.

Je ne vais pas vous laisser comme ça, à chouiner dans votre coupette, alors voici les coups de coeur, car il y en a eu. 

Johnson solo est un rat de musées, c'est l'équivalent pour moi de Disney, et l'endroit qui tire son épingle du jeu, haut la main, c'est le minuscule musée Zadkine et son expo Chana Orloff en début d'année, et Modigliani (amour de ma vie) en sa fin. Ca a été l'occasion pour moi d'explorer les vestiges du Montparnasse, de voir tous ces lieux de gloire à l'abandon avant de me consoler au musée Bourdelle qui a su si bien conserver tout le patrimoine de cette époque. 

Bien sûr, il y a eu des comédies musicales #lesangdelaveine, Les Miz à Paris, l'événement pour moi plus que les jeux olympiques, vus deux fois, et encore plus apprécié qu'à Londres où la nouvelle mise en scène, cheap, a été une déception, cette production m'a rabibochée. Grande année pour Hugo, mort flamboyant s'il en est.

Mention "ugly cry" pour Next to normal, oeuvre qui, bien qu'elle commence à dater et être datée sous certains aspect, a été une véritable claquasse dans ma gueule et a fait s'effondrer les 3/4 de son auditoire (c'était au West End, ne cherchez pas sur Paris, ça n'existe pas).

Je ne mets pas Yannis my old pal Philippakis dans les moments nostalgiques car je l'ai vu dans une nouvelle formation (Yannis & the yaw) et que c'était un renouveau salutaire qui m'a remplie de joie et d'une légèreté passionnée. 

Et puis, comment ne pas parler du bulldozer : Romance de Fontaines D.C. album de l'année si ce n'est de la décennie. C'est par la petite porte et l'album solo de Grian que je les ai vraiment découverts (avant ils étaient comme ces gens qu'on croise sans les voir)(et c'est souvent les gens les plus importants sur lesquels on passe sans se retourner)(AHEM)

Leur concert, un 13 novembre, a guéri pas mal de choses en moi, et m'a montré que si j'étais effectivement très seule, il existait encore des gens fanatiques de cette même musique, même si nous ne sommes plus beaucoup et un peu désuets. 

Mentions honorables en vrac : "Angel of my dreams" de Jade (ex Little Mix) pour son clip (easter egg alert si vous êtes fans de Fontaines D.C.), le groupe NewDad, The Last dinner party bien sûr, Wunderhorse, Chappell Roan (mais est-ce nécessaire de le préciser ?) et une résurgence assez monomaniaque du groupe Metric dans mes playlists. Très bon crû à l'Eurovision cette année (Nemo, Baby Lasagna, Bambi Thug, c'est tout ce qu'on aime). Enfin, j'ai plus croisé Lias Saoudi cette année que ma propre meilleure amie (il a été fourré à Paris et elle a eu un bébé, no judging), il est toujours merveilleux, et dégueu, et un génie littéraire, et malaisant, et sexy. On l'aime. Enfin, moi. Mais c'est déjà beaucoup, car mon coeur est énorme. Et il s'est serré fort en voyant la part belle faite à la French Touch cet été, merci Thomas Jolly, pour ça pour Starmania. Et merci Arté, pour l'ensemble de votre oeuvre et pour le docu sur DJ Mehdi.

Je vous laisse sur Christmas is back in time, de Gaspard Royant car vive la France, mais pas trop quand même. 

2025, l'année où on trinque, sera encore plus solitaire, j'en suis sûre, encore plus chaotique, en espérant que les rares rayons solaires soient plus vifs, et réchauffent juste ce qu'il faut.

L'arbre dans la forêt va se taire maintenant, mais a-t-il vraiment déjà parlé ? 



lundi 11 novembre 2024

I knew the pathway like the back of my hand

 



Il fait plus sombre, dans le XXème, la nuit.

C'est peut-être parce que maintenant je vis dans le sud. De Paris.

Alors que je reviens à ma première adresse, je trouve le ciel plus haut, plus opaque. Comme quand je le regardais depuis le 4e étage, Porte de Bagnolet. 

Mes grandes fenêtres m'offraient une vue sur un petit jardin sur les toits, en biais, et sur le torse alangui de l'étudiant du 3e étage, en face.

C'était un appartement sans repos : bruyant, humide, envahi, moisi. C'était mon premier, à Paris. 

Quand je suis retournée dans mon quartier, je ne m'y suis pas sentie en sécurité. En cela, rien n'a changé. Des hommes sur des chaises de camping devant des échoppes où personne d'autre n'entre que la misère. Beaucoup d'escrocs, de gens perdus, mais aussi de vrais prédateurs organisés à deux pour me prendre en étau et me pourchasser jusque dans ma cage d'escalier.

Le voisin échevelé du dessus, qui transformait son appart en club d'after toutes les nuits à 5h. Le boucher du rdc qui commençait, peu de temps après, à taper si fort dans ses carcasses que les murs en tremblaient. L'épicier d'en face qui balayait du rien sur le goudron en tentant de chasser son ennui à chaque coup de bras, la voisine nympho, de l'autre côté du mur, qui a succédé au vieux sourde et sa télé tonitruante. Lui, au moins, se couchait tôt, se réveillait tard et ne complimentait pas en hurlant la performance de ses amants.

Le "vieux" quarantenaire décati, juste en-dessous, une sorte de Vernon Subutex sans superbe, qui a vécu des années avec une vitre cassée. Le clodo de la place, qu'on n'a plus revu lui et sa radio beuglante, une fois qu'il a invoqué Al Qaïda. 

Dans cet appart, j'ai passé mon chômage de fin d'études devant les révolutions arabes, puis Fukushima, en me réjouissant, en tremblant. En fêtant d'une pizza dégueu à la truffe mon premier job de grande. J'y ai vécu avec My Sorry Ever After, même s'il ne fallait pas le dire.

Enfin pas trop.

Enfin pas comme ça.

Les voisins doivent se souvenir de moi comme l'hystéro accro au karaoké qui a retenu la jambe d'un colosse russe suspendu au-dessus du vide depuis sa fenêtre. 

J'y ai eu mon premier amant, un autre, et sur mon canapé-lit, se sont succédés des gens qui font toujours partie de ma vie. Alors oui, le ciel est plus sombre, dans le XXème, mais dans mon coeur, il est aussi plus claire et quand j'y songe, il rend mon âme bien plus légère.