mercredi 21 décembre 2016

All that remains are words in the rain



C'est l'heure du bilan de 2016, autrement dit : la seule note drôle de l'année ! Profitez-en.

En janvier, Bowie est mort et Paris et moi avions la gueule de bois. 
Avec le recul, j'ai compris que je n'avais pas été la seule, loin de là, à me prendre un tsunami de solitude post-13 novembre, et une grande pulsion de vie par ailleurs. Ça a consisté, chez moi, à m'habiller comme une ado et à sauter sur tout ce qui bougeait après m'être enquillé 3 grammes.


Si ça n'a pas duré, c'est parce qu'on sait tous que je suis mariée à mon travail et que mon truc préféré dans la vie, c'est dormir, et que les colosses de 2 mètres qui ronflent au milieu des cadavres de bouteille, ça obstruait passablement mes 8 heures de beauty sleep.


Et puis j'ai eu une nouvelle amie. Une copine qui a eu une promotion, si vous préférez. Celle qui m'a permis de LE voir, en VRAI, en sourire cosmique et en humour désarmant.


A 27 ans, j'ai vu Léo en chair, en os et en smoking, et la moi de 12 ans a fait une crise d'hystérie qui dure jusqu'à présent.
Et puis il a enfin eu son Oscar et je me suis dit que c'était une signe, que tout était possible et que j'allais bouffer du lion et tout écraser sur mon passage, mais qu'avant, il fallait que j'aille rendre visite à mon Oscar.

Et au lieu d'aller au Père-Lachaise, je me suis rendu where the Wilde things are, à Dublin.
J'y ai bu de la bonne bière, appris beaucoup sur la révolution et la non-compromission en général et... fait un black-out dans la National Library après une expo sur Yeats, quand j'ai compris que je ne serai jamais le génie que j'ai toujours été persuadée d'être.


J'ai donc entamé toutes les phases du deuil de mon amour propre, et le cœur toujours en miette un an après à cause de "celui avec qui il ne s'est rien passé", j'ai décidé de me plonger dans l'anonymat des salles de concert, toujours plus loin, toujours plus mieux, toujours plus fort.
Et je n'ai pas été déçue quand j'ai retrouvé mes petits galopins de Fat White Family, en mars.



Ils ont été mon exutoire de ce premier semestre  2016 dont le thème était "Deuil & gueule de bois", ce qui leur va à ravir.
Leur colère a été ma colère, et j'ai commencé à essayer d'envisager d'autres formes de génie que ce que mon cerveau de petite fille avait envisagé un peu strictement.


Puis vint le moment où mes finances n'ont plus été partie prenantes de mes nuits folles, de mes 3 concerts par semaine et du rafistolage récurrent des boyaux de Marlowe, le chat noir de ma vie. 

[Moi, quand je consultais mon compte au printemps 2016, allégorie.]

J'ai donc zappé mon anniversaire, cherché du boulot, failli crevé dans un incendie lors d'un entretien d'embauche et, à ma grande surprise, trouvé plutôt rapidement une mission de 6 mois qui allait me sortir enfin la tête de l'eau et le cul des ronces. 


J'ai fêté ça avec les We Are Scientists, avec qui on s'envoyait des mots doux par l'entremise d'une amie vachement plus douée avec la langue anglaise que yours truly. 
Pour pas oublier que j'étais une punk dans l'âme, et la nuit même avant mon premier jour, j'ai grave pécho, et suis arrivée à newjob avec 4 heures de sommeil, 1,5 grammes dans le sang et des cernes de 8,4 mètres. 


Tout s'est stabilisé, mes semaines étaient blindées, avec des pointes à 60h hebdo, pas mal de stress et de défis intellectuels et relationnels à relever. Mais alors que j'allais enfin prendre 5 minutes pour souffler, je me suis manger dans la gueule successivement : le réveil de mon coeur et le Brexit. 
Autant vous dire que j'étais...


J'ai vite refermé le sarcophage en plomb qui retient mon palpitant et l'empêche de faire des conneries, et j'ai pleuré mon Europe en soupirant qu'on ne pourrait pas tomber plus bas.
Et puis il y a eu le 14 juillet et Donald Trump, et depuis je vis au jour le jour en me disant que tout est possible. 

[Moi, m'adressant à l'univers à l'été 2016, allégorie en jaune et bleu.]

J'allais quoi qu'il en soit fêter orgasmiquement l'été, la fin des emmerdes de fric et le début d'une nouvelle vie, à Rock en Seine. Mes seuls jours de vrai congé (avec des vrais morceaux de Vivi dedans, en plus) avant un automne qui s'annonçait chaud patate. 

Et ce, avec Yannis. 


Tout allait en s'améliorant : je reprenais du poil de la bête, mon chat-Marlowe d'amour allait vachement mieux, ma BFF allait emménager dans la coloc du bonheur à la rentrée et je commençais à me dire que j'avais assez de sous pour peut-être me payer des vacances, en 2017. Je vous jure, je rayonnais presque comme le petit (dés)astre que je suis.

Bien évidemment, rien ne s'est passé comme prévu.


A part Yannis.


Marlowe est mort, aussi brusquement que douloureusement.
J'ai été en-dessous de tout. 
Moins que rien. 
Là pour personne et surtout pas pour moi.
Tout ce que j'avais réussi à patiemment reconstruire après son opération de l'été d'avant et les dettes qu'elle avait entraîné s'effrondrait en même temps que disparaissait ma seule famille.
Mon seul amour inconditionnel et réciproque.
Mon connard-fils-de-pute de chat noir cyclothymique.

J'ai serré les dents, en attendant qu'on le brûle, pour pouvoir enfin faire mon deuil, puisque ce serait le thème de ce second semestre aussi, finalement.

Mon petit con à la queue en panache a fini par aller rejoindre son illustre ancêtre dans un cimetière de Greenwich, mais ça n'a été que le début des emmerdes.

De désillusions en désillusions, tout ce que j'avais attendu patiemment en 2016 se révélait au mieux décevant au pire accablant. A chaque embellie, un événement me replongeait la tête sous l'eau, sans relâche. 


J'ai assisté avec incrédulité à l'abandon du navire que je représentais par la dernière personne pour qui j'aurais été prête à tout.

Ce fut paradoxalement libérateur. 

Ne plus avoir de personne d'exception dans ma vie, seulement un champ de possibles, humains ou autres.


J'ai quand même repris un chat. Une maine coon (re)nommée Molly Brown, parce qu'autant vivre entre meufs badass. Une boule de poil surnommée "pompomcat" qui hurle des slogans de motivation et me force à vivre. Si Marlowe l'avait croisée, il aurait à coup sûr réagi ainsi :


Et puis il y a eu un mois de novembre plein d'émotions. Une nuit folle dans les rues de Paris suivie d'une déclaration aussi inattendue que bienvenue du mec le plus mignon de l'univers. Une parenthèse insensée comme il n'en arrive que dans cette ville. 


Puis un voisin, qui m'a prévenu un peu tard de la naissance de son premier né, en mode, "au fait, petit détail !"
#lesgarçonsc'estpasdesmecsbien

J'ai pris mes clics, mes clacs, et les coordonnées des quelques gens biens rencontrés à newjob et je suis allée me consacrer à de nouveaux défis chez jobdemoncoeur.

Et nous voici en décembre, à l'aube d'une année où je n'ai prévu de faire QUE mon travail de base. 


Où j'ai prévu de développer ma vie personnelle (ahahah)(j'avais prévenu que ce serait une grande tranche de rigolade cet article !)... 


Où je vais panser mes plaies en regardant Molly virevolter (en se prenant beaucoup de murs, quand même), en écoutant toujours WAS, les Fat White et Foals (et sans aucun doute le nouveau Phoenix). En regardant des vidéos de Brendon Urie tout nu, les soirs où ça va vraiment pas. 

Mais pour ça, comme dirait une de mes plus vieilles amies "il va falloir survivre à Noël"... 





samedi 10 décembre 2016

They said I swam the sea that ran around



C'était la plus grosse journée, de cette semaine, de ce mois, et sans doute de l'année.
Après une année à cumuler deux voire trois jobs et à n'avoir pas assez de temps pour ressentir quoi que ce soit, c'était la dernière ligne droite.
Le dernier gros truc.
On dit souvent que je suis trop stressée, pour moi, ce sont les autres qui ne le sont pas assez. Ce n'est pas moi qui prend trop à cœur les choses, ce sont eux qui devraient penser un peu plus aux autres.
Généralement c'est sur mes épaules de perfectionniste que les gens se délestent de ce qu'ils n'ont pas envie de faire. Mais samedi, je n'en pouvais plus. Samedi, gérer les imprévus, les dysfonctionnements du système et les atermoiements aléatoires, c'était trop.

Le petit coffre où j'enfermais toutes mes émotions s'est fendillé, doucement, presque imperceptiblement.
Et alors que, maquillée et au top, j'allais sortir de chez moi et affronter le monde extérieur, tout s'est effondré.
Je me suis surprise à pleurer comme un bébé. Des sanglots muets tellement il n'y avait plus d'air dans mes poumons.

Je me suis reprise, car c'était ma grosse journée. Je suis sortie, j'ai assuré.

J'avais toujours les yeux humides et brillants quand j'ai parlé dans le micro et que j'ai tenté de communiquer ne serait-ce que 5% de tout ce que j'avais envie de transmettre à ces gens. Sur ce que je fais actuellement et qui est tellement une conséquence de tout ce que j'ai vécu.

Si je me suis effondrée, plus tôt ce matin là, c'est qu'une question me taraudait depuis la veille : pour qui fais-tu tout ça ?

Pourquoi tant de sacrifices. Pourquoi ne pas tout plaquer et aller gagner ta vie dans un boulot où tu serais émotionnellement détachée ?

Je ne rends personne fier. Je ne fais pas ça pour ma famille. Ils n'étaient pas là pour mon big day. Ils me laissent rarement en placer une sur ce que je fais. Sans doute parce qu'il faudrait se poser la question de leur rôle dans tout ça. De pourquoi je publie justement des livres sur ces sujets-là. 

Devant le miroir, ce matin là, j'ai vu l'ado que j'étais. Celle qui n'avait personne à qui parler au sens propre, puis au figuré. Et elle m'a fait comprendre que c'est pour elle, que je brassais tout cet air. 

Pour que les "comme elle" de maintenant aient une lueur d'espoir. Une certitude que tout ira mieux, un jour. Qu'il faut s'accrocher et qu'on peut s'en sortir.

Donc oui, je fais tout ça pour moi. Ce qui est rassurant, puisque si je le faisais pour qui que ce soit d'autre, je serais fort désappointée. 
Je fais tout ça pour une certaine version de moi, qui avait un besoin vital de l'imaginaire pour échapper à son quotidien. 

Je fais ça pour tous ceux qui ont été des éclaircies. Tous ceux qui ne rentraient pas dans les cases, comme moi, et qui ont été là, même 5 minutes, pour la version mal dégrossie et traumatisée de ma personne.

Et je fais ça pour un ou une comme moi, qui, quelque part dans sa cambrousse attend désespérément un signe. Quel qu'il soit.

C'est ma façon de ne pas oublier qui j'étais et ce que j'ai subi, de combattre ceux qui me l'ont infligé, comme je n'ai jamais su le faire au moment où ça s'est produit, de remercier les rares qui sont passés sans juger, sans se moquer et sans heurter, et de rendre tout cela un tant soit peu utile.

vendredi 28 octobre 2016

I will get there, just remember I know





Elle est à l’opposé de lui.
Lui qui était taciturne, plaintif, épuisé par tout… elle, qui me gratifie d’un regard droit dans les yeux et d’un « Oui ? Oui ! » puis enchaîne sur un tour de salon tout en s’exclamant « Wiiiiii ! ».
J’ai l’impression d’avoir adopté une cheerleader. Energique mais canalisée, toujours positive et enjouée mais jamais hystérique.
J’ai du mal à lui reprocher quoi que ce soit. Ses seules bêtises sont des maladresses, des glissades.
Elle est si bien éduquée que j’ai l’impression de ne servir à rien.
Elle fait ses nuits, putain.
Quand elle s’adresse à moi c’est toujours pour m’exprimer sa joie de me voir et son enthousiasme quant à tout ce que je fais. « Oui ? Oui ! Wiiiiiii !! », tous les matins, tous les jours, tout le temps.
Le truc le plus désagréable, chez elle, c’est qu’elle ronronne trop fort sur moi et que ça m’empêche de m’endormir. Pendant genre, 5 minutes.
Juste après que son éleveuse me l’ait livrée, elle est venue sur moi, m’a escaladé puis s’est roulée en boule sur ma poitrine, dans mon cou.
Spotify a décidé de jouer Love me in whatever way de James Blake et elle s’est mise à ronronner comme un vieux moteur.
Des larmes de stupéfaction ont coulé. Une sorte d’incompréhension.
D’où vient tout cet amour ? On se connait pas. Ca fait 5 minutes qu’elle est chez moi. Qu’ai-je fait pour mériter ça ? Qu’est-ce qui se passe ? C’est une erreur ? Elle s’est trompée ?
Toutes ces questions me ramènent dans un abîme d’espace-temps. Sur un canapé étranger, avec un humain de sexe masculin.
La dernière fois que j’ai vécu cette sensation de « Qu’est-ce que c’est que cette tendresse ? Elle est vraiment pour moi ? Qu’est-ce qu’il fait ? Il m’a confondu avec quelqu’un d'autre, non ? ». 
Incapable de me détendre tellement c’était impensable qu’on s’attache à moi et qu’on ait envie de mon contact.
Bon, vous l’aurez deviné, il s’agissait de « celui-avec-qui-il-ne-s’est-rien-passé » et comme son nom l’indique, il a  donné raison à toutes mes peurs profondes dans les semaines qui ont suivies.
Beaucoup de choses me le rappellent ces temps-ci.
La météo. L’odeur de l’air. Les cheveux d’une de mes rockstars.
On m’en parle, aussi. Des gens qui ont loupé des épisodes et me demandent pourquoi j’en suis là dans ma vie. Bien installée dans cette impasse de « l’amour ? Non merci, pas pour moi » (avec cet air de Leo DiCaprio dédaignant du caviar sur le Titanic, m’voyez ?).
Il y a un mois, je suis allée réunir les restes de Marlowe avec les restes de Marlowe.
L’enterrement d’un chat c’est difficile à imaginer. J’avais rien prévu et j’ai bien fait car, comme à chaque fois dans ma vie, le surréalisme a pris le dessus.
A peine arrivées dans le petit jardin d’Eden de Deptford où Kit repose, nous nous sommes fait alpaguer par un Hipster puissance 10 000 qui nous a entraînées dans une crypte pour nous mettre le nez dans une installation d’art moderne qui se situait à peu près entre Le Monde du silence de Cousteau et un film de vacances.
J’ai haussé les épaules, regardé du côté brillant des choses, et me suis dit qu’au moins j’avais enfin pu voir l’intérieur de Saint Nicholas Church.
Sauf que bon, je m’apprêtais à faire quelque chose d’illégal et de très très réprimé au UK, c’est-à-dire déposer un objet dans un endroit public. Déjà. Qui plus est des cendres. Et ça m’arrangeait pas des masses que nos amis les moustachus en slim aient décidé de faire de notre coin de paradis, à Marlowe et à moi, leur parc d’attraction zarbi pour la journée.
J’ai fait ce que j’avais à faire, puis je suis partie.
Je reviendrai sans doute.
L’important était ailleurs. Dans l’air.
Dans les pensées que j’ai à chaque Spanish Sahara, que ce soit dans un cinéma devant le dernier Dolan, ou sur un bateau sur la Tamise me ramenant à London town.
J’aurai autant de Spanish Saharas que je veux, et autant de moments privilégiés pour penser à Marlowe et par extension à son illustre ancêtre.
C’est avec cette pensée rassurante que j’essayais d’aborder la face nord de cet automne en forme de marathon. Et c'est là que je suis tombée sur ça.
Les larmes ont coulé dans mon café du matin. Je n’avais personne à qui exprimer tous les points d’exclamation que je ressentais.
Même le « ça a juste mis 400 ans quoi » dans mon arrière-tête a été étouffé par les « Oui ? Oui ! Wiiiiii !!! » qui m’assaillaient.
Tous les jours, Molly Brown me donne des leçons de vie, la première c’est : quand quelque chose de bien arrive, de toujours dire trois fois oui.

samedi 22 octobre 2016

Empty veins and my plastic broken crown




Les veilles de grands jours, impossible de trouver le sommeil.
Ca a toujours été.
Petite, mes parents n'avaient aucune pitié et me forçaient à éteindre quand même la lumière.
Alors, pour me tenir compagnie, je parlais à voix haute.
Je me souviens de cette veille de rentrée au collège où j'ai chanté toutes les chansons que je connaissais.
Oui, ça a duré longtemps.
Mais j'ai toujours eu peur du noir, des terreurs nocturnes et des insomnies. Il fallait au moins ça

Les veilles de grands jours, c'est pratique pour faire le point. Un bilan. 
Quand on a toujours eu des tendances suicidaires, comme moi, c'est un mauvais moment à passer.
Ce qui empêche de passer à l'acte, souvent, ce sont des raisons de vivre. Un bilan, quand il est négatif, ou vide, peut faire beaucoup de mal.
Et oui, au jour d'aujourd'hui, je n'ai plus vraiment de but à mon existence.

Pendant longtemps j'ai cherché l'amour, un quelconque amour.
Le dernier à m'avoir brisé le coeur a manifestement fait un assez bon travail pour que je n'ai plus aucune aspiration en ce sens désormais. 

Si j'ai pris mon propre chat, c'était pour me retenir un peu plus sur Terre aussi. M'ancrer.
Ca va faire deux mois qu'il n'est plus là. Ma réaction a été d'en reprendre un, le plus vite possible.
Peut-être que ça aurait suffi. Si toute ma vie n'avait pas continué de s'écrouler pendant ce temps là.
Mes dernières certitudes, mes derniers remparts.

En tant qu'INFJ, j'aime de manière incommensurable, mais en tant que personne fragile, je réserve cet amour aux Happy Few. 
J'en avais deux, jusqu'à il y a peu.

Je n'ai pas de famille à proprement parler. Ils sont très peu intéressés par qui je suis vraiment. Ne comprennent ni mon humour, ni mon mode de vie, même s'ils essayent désespérément de me rattacher au leur. Il y a 3 semaines ils ont réalisé que ce n'est pas parce que je ne leur présentais personne, que je ne fréquentais personne. Un grand pas pour l'Humanité.

Mes lestes sur Terre sont si légers que je me sens m'envoler sans même le décider vraiment. 

Comme toute bonne personne persécutée par elle-même, j'ai été injuste. Injuste envers les quelques qui me maintiennent tant bien que mal parmi eux. Avec bienveillance, acceptation et - oui - amour.

J'ai rarement vu autant d'amour dans les yeux de mes amies que ces deux mois. J'aurais presque pu le toucher. 

Il faut dire que je suis connue comme la fille qui n'a "vraiment pas de chance", maintenant. Et que, pour beaucoup, je me résume à ça. Alors au moins, je peux m'enrouler dans des kilomètres de pitié. 
Mais il y a l'amour sincère de quelques unes, pour entretenir l'espoir. 

Quelques unes qui ont mal pris mes diatribes avinées d'il y a quelques années, clamant à qui voulait l'entendre (et aux autres) que de toute façon "j'ai pas d'amis".

Le fait est que si, j'ai des amies fabuleuses. Certes je les vois peu. Certes elles ont leurs vies, et je ne suis qu'une vignette, un détail, voire une exception dans leurs existences. Mais elles sont là.

Parfois je prends le temps d'observer les gens que je réunis, tous les mois, dans mon ciné club très très privé - oui, celui-là même où toi tu n'es pas invité, fais pas la gueule, les places sont très limitées, et le guacamole aussi. 
Je me demande alors quels sont leurs liens. 
Car je suis leur "dénominateur commun", toutes ou presque ne se seraient jamais connues sans moi. (10 points for Slytherin!)
En vrai, leur dénominateur commun, c'est d'être les personnes les plus ouvertes, bienveillantes et aimantes que j'ai pu rencontrer. 
Et ma chance ultime, c'est d'avoir pu, tant bien que mal, les retenir, et les forcer à partager au moins un dimanche soir par mois avec moi. 

Souvent, presque tout le temps, quand j'en ai besoin, elles sont là.
Je le formule rarement comme "aujourd'hui j'ai spécialement envie d'en finir, on va manger des trucs gras à la place ?", mais c'est ce que ça veut dire. 

Une d'entre elles a réalisé ça très récemment et a eu la réaction commune : "mais comment peux-tu envisager cette idée alors qu'on est là ?"
C'est tout une pédagogie que de leur expliquer que je suis malade et qu'elles ne sont pas le médicament, seulement les painkillers. 

Ce doit être super lourd pour elles, de porter mon fardeau. Car je suis presque sûre que rien n'est formulé aussi clairement qu'un tour de garde de la patiente Johnson. Que "cette fois c'est à toid'aller lui enlever tout objet coupant des mains".

Alors j'essaye tant bien que mal de dire merci en non-verbal. En organisant des fêtes. En faisant des cadeaux. En créant des occasions. En rendant des services. En étant là, à mon tour.

Je me souviens très bien de mon dernier - et ultime, il semblerait - brisage de coeur d'il y a quasi deux ans. Les jours d'après, il y avait un cubi de vin rouge, mon canapé déplié, et une loque ignoble aux cheveux perpendiculaires au crâne et à l'hygiène déplorable.
Il y avait, aussi, un défilé presque ininterrompu de ces anges là. 

Les veilles de grands jours, j'essaye de penser à autre chose que mon absence de famille stable et aimante et dévouée et inconditionnelle, j'essaye de ne pas penser au fait que j'ai essayé, fort et souvent, de créer une connexion avec un garçon, et que ça s'est traduit en coups dans la gueule, au propre comme au figuré, j'essaye de ne pas penser à l'injustice totale qui a récompensé mes faits de gloire carrieraux jusqu'ici. A l'énergie, toute cette énergie, perdue pour des gens qui n'en valaient pas la même. 

Ou qui en valaient la peine, mais n'ont jamais daigné me considérer comme leur égale. 
Car oui, c'est le dealbreaker boss de fin, que de me m'appuyer la tête sous l'eau en me faisant comprendre, volontairement ou non, que vous me considérez inférieure à vous. 

Demain, j'ai un nouveau chat. Un chat pas mort.
Un chat plein de classe et d'envie d'en découdre.
J'ai hâte qu'il m'apprenne à me battre. Tous mes espoirs, ou presque, reposent sur lui.

Sur elle.

Car, en cette veille de grand jour, j'ai enfin compris que les plus belles météores de ma vie sont de sexe féminin. 
Et que Girl Power n'est pas une requête, mais un putain de fait. 


lundi 17 octobre 2016

I'm the fury in your bed



Je me réveille sans air dans les poumons.
"Ah oui, je suis censée faire ça, et être là, aujourd'hui."

Parce que les impôts. Parce que sinon plus de joli cozy appartement dans un endroit bien achalandé.
Ah yeah.

Alors on se lève. On se brosse la crinière. On se lave comme on peut et on y va, dans cet endroit.

God no on n'a pas envie d'y être.
Le café y est dégueulasse et trop cher rapport à ce que t'es payée, mais hey ho, pas le choix.

Et tu vas jusqu'au bout quand t'as signé, so.

C'était un joli contrat à la base, il t'aurait permis de vivre royalement du premier contrat, celui dont tu devrais pouvoir vivre depuis deux ans, vu qu'il accapare tout ton temps.

Mais non.

L'être qui comptait assez pour que tu sacrifies autant est mort avant le kiffe.
Alors... alors...

Alors il restait que ma comédie musicale préférée se montait à Paris, le Phantom, oui.
Mais Mogador a brûlé.
Alors non.

Je suis quand même passée voir Oscar, au Petit Palais.
C'était des plus émouvant. J'ai pleuré 3 fois au bas mot.

Les gens pensent que parce que je vais "remplacer" Marlowe, tout va mieux. Tout est réglé.

Je crooke un smile, et je me dis qu'ils doivent vivre des vies bien paisibles.

D'autres sentent qu'autant de fussoir dans la vie d'une fille aussi irrésistiblement attirée par le darkside vont forcément produire du soufre. Et ils s'éloignent opportunément.

Well it's a type 1 situation.

Je m'endors tous les soirs au son et à l'image, quand mes yeux le peuvent, de ça.

Les seuls qui assument d'être désabusés comme il se doit. Ni trop peu, ni trop.
Assez.
Enough is enough.

mardi 13 septembre 2016

Choir of furies in your head



Les périodes de deuil sont des montagnes russes, et ce qui est russe me réussit rarement. Juste après l'annonce, on est étouffés d'amour, de présence et on n'est presque jamais seul. Puis vient l'après, soit parce qu'on a épuisé ses amis éponges-empathes, soit parce que ces amis pensent que "maintenant, ça suffit bien", car tout le monde réagit différemment. 

Une de mes boss, par exemple, a estimé mon deuil dépassable après une matinée off. 
Je pense qu'elle gagnera jamais au Juste Prix. 

Me voilà donc dans cette période de creux, où les gens se font plus lointains. Et que me reste-t-il ? 

La musique. 

Je suis l'Homme qui murmurait à l'oreille des rockstars. Qui me retrouve toujours à refaire le monde avec les types des groupes qu'elle va voir, sans forcer le destin, parce qu'à quoi bon se geler le cul devant la stagedoor quand il me suffit d'aller faire la queue aux toilettes pour croiser magiquement Carl B. à chaque fois.

Mon premier concert post-apocalypse fut celui de Declan McKenna. Un gamin de 17 ans qui est sorti de scène, s'est posté à côté de moi et a sorti "Now will you tell me what's on your mind?" en me regardant droit dans les yeux. Ce que j'y ai vu, c'est un grand artiste. Et moi qui pensais que ce type était "le futur Jake Bugg", je suis désormais certaine qu'il est "déjà meilleur qu'Alex Turner".

Le fait que mon chat soit mort pendant Spanish Sahara a un peu bloqué mon horloge interne, et depuis lors, je n'écoute que Foals, en boucle.
Sous la douche. Dans ma chambre. Au bureau. Quand je fais mes courses.

J'ai une grande histoire malgré moi avec eux, puisqu'ils furent un révélateur de mes goûts pas trop pourris et de mon flair culturel. Inconnus relatifs en France en 2008, je les avais entr'aperçus sur Canal+ et avais conséquemment forcé mes amis à nous rendre au premier rang de ce qui devait être un de leurs premiers shows chez nous, au Rock dans tous ses états. 

Ils nous avaient éclaté les oreilles, mais aussi le coeur.
Alors qu'on célébrait l'#indieamnesty il y a quelques mois sur les réseaux sociaux, je ne peux qu'être béate de les avoir choisis eux et d'avoir misé sur les bons poulains.
(Oui, on la sentait tous venir)(Foals ça veut dire poulains)(Vous l'avez, les derniers au fond ?)(Bien.)

J'ai toujours eu un crush-non assumé pour Yannis Philippakis, parce qu'en 2008 - et depuis toujours en fait - je n'aimais que les blonds aux yeux bleus. Du coup, je comprenais pas trop ce qui chatouillait/gratouillait à chaque fois que je le voyais. 

Il y a deux trois trucs qu'on a en commun, l'air plus que pas commode (le syndrome "resting bitch face"), le fait d'avoir commencé à écrire en mettant des verrous sur tout avec du cryptage et des symboles, pour se libérer ensuite. Le fait qu'on soit physiquement un peu des poneys (pas très grands et courts sur pattes), aussi, sûrement. Enfin, cette capacité à se transformer en quelqu'un de tout autre à travers la musique (lui, atteint de vertige dans la vraie vie, se jette de tous les balcons des salles où il joue, moi je deviens la personne la plus extravertie et à l'aise en société du monde, alors que... well, nope.)

Du coup, ces derniers temps, je me vautrée dans ses interviews et son instagram pour découvrir qu'il avait un très joli chat noir (toujours vivant, lui) et qu'il faisait des chansons dans l'espoir qu'elles puissent toucher des gamins de 19 ans au bout de leur vie sous la pluie de la campagne anglaise.

Quand un artiste me touche intégralement, je découvre généralement qu'on a tout plein de points communs, dans nos trajectoires et/ou notre façon d'être câblés. 

Samedi, j'étais complètement ivre quand je me suis retrouvée à discuter 15 bonnes minutes avec un des petits SWMRS (dont je parlais là). Il était un peu planqué dans un coin et a accroché timidement mon regard. J'ai levé les épaules en mode why not, et j'ai lancé "Max, right?". Et s'en est suivi un échange où je lui donnais de manière tout à fait déplacée des conseils sur sa carrière et sur la façon de traiter le public - rétif - français. Un moment de lucidité, en mon for intérieur, m'a fait réaliser que "qui j'étais pour dire ça ?", et j'ai alors fait plus attention à ses réactions. Il était tout content, et m'encourageait à lui en dire plus et me remerciait. Là j'ai compris que c'était peut-être pas tout à fait déplacé, vu qu'il avait l'âge de mon neveu et que j'ai assisté à 2 à 3 concerts par semaine depuis un an sur la scène parisienne. Et qu'en plus j'étais sincère. A un moment j'ai voulu m'éclipser, parce qu'il faut jamais trop tenir la jambe à une rockstar (c'est comme un pokémon rare, ça s'enfuit vite), mais il a eu un geste comme pour me retenir et puis il a dû se souvenir qu'il était américain et m'a juste fait signe de rester. Alors on a parlé 5 minutes de plus. Mais je tournais un peu en rond, et puis je commençais à sentir une drôle de pression dans mon dos. Quand j'ai fini par regarder, j'ai découvert une masse extraordinaire de groupies qui attendaient toutes de se faire signer au mieux leurs albums au pire des parties de leur anatomie. Max m'a regardée d'un air contrit, il a soupiré puis s'est remis à sourire en signant diligemment tout ce qu'on lui soumettait.

J'ai compris, malgré mes 3 grammes et mon pas chancelant, que si je détestais les courses à l'autographe et à la selfie et si je me sentais mal à l'aise à attendre pendant des heures pour un regard, un geste ou même qu'on me bouscule sans le faire exprès - c'est qu'il y avait une sorte de sentiment d'égal à égal. 

Comprenez bien que je n'ai jamais rien fait de remarquable artistiquement. Que je n'ai toujours su qu'à peu près écrire et que, n'ayant pas été encouragée et n'ayant jamais rien produit d'assez convaincant, j'ai fini par me spécialiser dans l'encadrement artistique. 
L'écriture et la communication, pour être plus précise.

Ce week-end, j'ai fini par comprendre que j'étais sans doute moins une fangirl que quelqu'un qui a bossé son sujet depuis des années et qui du coup, ne dit pas que des conneries. Non pas que je pèse dans le game, mais je dois transpirer une certaine assurance et avoir les mots qu'il faut pour le confirmer. Comme quoi mon aimant à rockstar n'est peut-être pas seulement un produit du destin. 

lundi 5 septembre 2016

Feel love before it's gone




Beaucoup de mes potes me surnomment Little miss ouin-ouin. Et ce depuis toujours. 
C'est très injuste. Car, à la limite, je suis plutôt le fruit des amours de Little miss catastrophe et de Mister Brutal Honesty, mais jamais je ne force le trait, jamais je n'exagère quand je me plains.

C'est juste qu'il m'arrive tout plein de choses horribles. Que quand les choses peuvent mal se passer, dans ma vie, c'est ce qui arrive. L'issue n'est jamais positive.
Et ça, ce sont des faits. 
Vous n'avez qu'à parcourir les millions de signes des archives ci-présentes.

Du coup, cette fois, les potes se taisent et me laissent cuver ma détresse tranquille. 
Par contre, je sais que si je mets deux ans à m'en remettre, ça va encore être la fête du "Shut up, Johnson! Be quiet sad!"

Ils ne sont jamais bien loin, les potes moralisateurs du "ça pourrait être pire". Les biens pensants qui te rappellent toujours qu'il y a des enfants qui crèvent au faministhan, incapables d'appréhender la notion éminemment complexe de "contexte". 

Dans le contexte de ma vie de meuf seule, perdre l'unique être que je m'autorisais à aimer inconditionnellement, c'est Titanic meets L'Atlantide meets 9/11.

Depuis dimanche dernier, je hurle intérieurement. Mes monologues internes se résument à :
"AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHH!"

Alors j'ai décidé de prendre les bien-pensants au mot et d'adopter leur philosophie. Voici donc le TOP TEN des raisons de me réjouir que mon chat soit mort !

1) Je peux laisser traîner des verres d'eau. Aucun coup de patte ne viendra provoquer une réaction en chaîne commençant par un court-circuit et finissant par un incendie de tout le 13e arrondissement.

2) Je peux laisser ma baie vitrée grande ouverte sans craindre que Marlowe ne décide de tester une nouvelle fois son aérodynamisme.
(Je ne veux aucun commentaire sur le fait qu'il ait choisi de décéder le dernier jour de la canicule.) 

3) Je peux organiser un vide-dressing de croquettes, vu qu'il a refusé les unes après les autres toutes les marques qu'on a testé cette année, j'ai pour plus de 300€ de croquettes véto dans mon garage, prêtes à ravir tous les gosiers des félins de mon entourage !

4) Je suis désormais à nouveau so edgy. Pas mal de mes potes ayant décidé de m'emboîter le pas et d'adopter, maintenant je suis l'unique catless catlady de mon entourage. Je réfléchis au nouveau truc à lancer. J'ai croisé une blatte de 8 cm l'autre jour dans ma rue, je tiens peut-être un concept.

5) Je peux me brosser les dents sans subir de regards réprobateurs.
(Marl n'aimait vraiment pas l'eucalyptus, ce qui est une bonne nouvelle pour les koalas, par ricochet)

6) Je peux aller faire pipi sans entendre des hurlements mortels juste derrière la porte parce que celle-ci est fermée.
(J'ai une nouvelle coloc mais elle a l'air de plutôt bien supporter cet état de fait, pour l'instant). 

7) Je vais pouvoir faire plein d'économies ! (Enfin, dès que j'aurai remboursé mes dettes grâce à mon troisième travail ♥)

8) Je pourrai laisser le fromage à découvert lorsque je serai affairée à préparer des trucs dans la pièce d'à côté quand j'organise un apéro. 

9) J'ai plein de place dans l'appart. Je peux donc me coucher sur le sol en étoile de mer pour hurler "Pourquoi moi ?????!!!" en toute liberté.

10) Ce traumatisme m'a transformée en robot et je suis devenue super efficace, ce qui est formidable vu que j'ai actuellement trois jobs pour pouvoir rembourser les dettes contractées par le dit traumatisme ! 

La vie est belle.



mardi 30 août 2016

Pluck up your hearts, since fate still rests our friend




Ce qui est arrivé est très cynique. Absolument injuste. Et incroyablement ironique.
Depuis quelques jours, Facebook me renvoyait les souvenirs d'il y a un an, de la convalescence de Marlowe (autrement connu comme Marlito, Mojito, Maaaarrête d'être dans mes jaaaambes).

Je l'ai regardé avec amour, posé à côté de moi sur le canap (mon lieu de travail), en me disant qu'un an était passé et qu'on était enfin sortis de cette période horrible. Cauchemardesque. Des dettes. De la souffrance. De la peur de se perdre l'un l'autre.

Quand je le fixais trop longtemps il finissait par paresseusement lever la tête et me gratifier d'un "Vrrrou ?" interrogatif. Du genre "qu'est-ce tu me veux ?"
Alors j'abandonnais mon ordi pour aller faire une pause "gratouille derrière les oreilles". Il fermait les yeux d'aise. Je lui murmurais que tant qu'on était ensemble tout irait bien. 

Quand je l'ai embarqué chez le véto et que je l'ai glissé dans son panier, je lui ai promis qu'on partait pour une grande aventure (!)

Quand je l'ai vu pour la dernière fois, dimanche matin, j'ai utilisé la méthode Coué qui ne me ressemble absolument pas et je lui ai promis, en serrant sa petite tête, que "tout allait bien se passer".

Life is shit and then you die.

Ca a été son cas. Il a eu une mort atroce. Ca servait à rien que je demande à sa véto s'il avait souffert. Je me fais pas d'illusion. 
C'était un angoissé de la vie, pour ça on s'était bien trouvés. C'est ce que son doc a dit : "ne culpabilisez pas, s'il était tombé sur qui que ce soit d'autre que vous, il aurait été incompris et mal traité, vous l'imaginez dans une famille avec trois gosses ?"

Oh hell no.

Marlowe était un bébé dans un corps d'adulte qui voulait jouer au grand, rouler des mécaniques maladroitement et garder une espèce de dignité qui ne trompait personne. 

L'hiver, il dormait entre mes jambes, par dessus la couverture, me clouant au lit de ses 5,5 kilos. M'empêchant d'aller où que ce soit.

Les minutes que je passais enfermée dans la petite pièce verrouillée avec la bassine-à-eau-qui-fait-du-bruit-et-où-on-n'a-pas-le-droit-de-boire étaient une torture pour lui. Il hurlait à la mort. Et puis je ressortais, il avait disparu et m'attendait à ma prochaine destination : près du lavabo de la salle de bain.

Son grand amour fut l'eau, il buvait à s'en rendre malade, se couchait sur l'émail humide et jouer à pécher ses jouets dans une grande bassine lors des vagues de chaleur. Parfois les deux pattes dedans.

Quand il y avait du monde à la maison, il faisait son tour de reniflage, se frottait un peu, puis allait toiser ces gens forcément indignes depuis son mirador, en haut de ma bibliothèque.

Seul le bruit des paquets en plastique le faisait descendre de son perchoir. Persuadé qu'il s'agissait de ses croquettes magiques, il accourait et hurlait comme un damné en manque.

Chaque soir, quand je rentrais, il m'accueillait comme si on ne s'était pas vus depuis 3 semaines. En mode chien. Je me roule à tes pieds et je m'accroche à eux. Je te montre mon bide et réclame des caresses, je me roule et agrippe tes chaussures. Le rituel immuable.

Un des meilleurs souvenirs, c'est celui de l'avoir suivi à la découverte du couloir de notre appart. La grande aventure de sa vie.
Tout fier de me protéger dans cette exploration au combien dangereuse, il faisait des ronds autour de moi et des bonds surexcités, se frottant à ma main en se levant de toute son impressionnante hauteur.

Marlowe était un chat pas suffisamment sevré qui s'attaquait avec les dents à tout ce qu'il trouvait, ses câlins finissaient irrémédiablement par des morsures et il nous léchouillait ensuite pour nous signifier "pas pu m'en empêcher, trop tentant, mais c'pas contre toi, hein !"

Il avait des habitudes dégueu, comme venir se délecter de mon haleine au petit matin, ou après mon café. Comme se coincer la tête dans les chaussures de sport de mes colocs. 

J'avais fini par tout lui pardonner.
J'avais fini par croire, avec toutes les frayeurs et les mauvais pas dépassés, qu'il était mon petit survivor et que plus rien ne le terrasserait.

C'est assez tranquillement que je l'ai emmené chez cette nouvelle véto. C'est avec une grande surprise que j'ai accueilli la nouvelle qu'il n'allait pas rentrer avec moi.

Ca m'a pris à rebrousse poil. Mais comme je m'étais habituée à cette idée l'année dernière, quand on avait failli le perdre, je n'ai eu qu'à puiser en moi pour trouver une stabilité. Un état d'entre deux. Une dissociation légère. 

L'état de choc est confortable. Mon pire cauchemar est devenu réalité. Ce n'est pas la première fois que ça m'arrive. C'est même la troisième. On s'habitue à tout.
On est hyper efficace, quand on est en état de choc. Hyper "to the point".

Je refuse les câlins, parce que ça me ferait pleurer. J'accepte la compagnie, parce que ça m'empêche de pleurer. Je m'auto-persuade que statistiquement la roue va tourner. C'est obligé.

Il faut patienter. Le temps est la réponse à tout. 

Il me fera oublier notre vie à tous les deux. La texture de ses poils de chaton, de son pelage d'adulte. Sa truffe toute noire et la tâche sombre sur son palais. Ses yeux changeants. Ses soupirs exaspérés. Ses "Mihihi" fiers quand il rapportait des trophées de chasse. Ses combines pour m'attirer dans la pièce où il souhaitait me voir en hurlant à la mort pour de faux. Ses sauts gigantesques mais à peu presque qui m'ont coûté une arcade sourcilière. Son odeur.

Alors j'en laisse un morceau ici. Et j'irai déposer ses cendres à Deptford Green. A Saint Nicholas Church où repose son illustre homonyme. 

My Marl.


lundi 29 août 2016



Marlowe est mort ce soir à 22h30. Je n'aurais peut-être pas dû jouer avec le sort et donner un nom de chat noir à mon chat noir. On dit plein de conneries dans ces cas-là, et les gens qui lisent se disent pour la plupart "tout ça pour un chat". Quelques uns, pourtant, savent. La différence que ça peut faire dans une existence. Passer d'avoir envie de mourir à une raison de vivre. Marlowe m'allait bien. On était bancals, on avait le même mauvais caractère. Je me voyais vivre 20 ans avec lui, rien que lui. Il me suffisait. Maintenant il va falloir faire sans. Comme avant. L'adopter c'était une décision d'adulte. M'exposer à des responsabilités, me lier à quelqu'un pour longtemps (enfin, c'était le plan...). Quelqu'un que je ne pouvais pas quitter. Qui ne pouvait que m'aimer. Au final il n'a fait qu'un tout petit tour. C'était court, mais tellement bien. J'ai rarement vu plus beau chat, objectivement. Et je me suis rarement autant liée à qui que ce soit. Quand son coeur s'est arrêté, j'étais sous les étoiles. Foals jouait Spanish Sahara et quelque part, j'ai su.
Profitez de ceux qui vous permettent de vivre un peu mieux, quels qu'ils soient. 

Cut is the branch that might have grown full straight - Docteur Faustus, Christopher Marlowe.

mercredi 17 août 2016

I'm crooked but upright



Pour canaliser les hyperactifs, on les colle au sport. 
Pour canaliser mon hypersensibilité, personne n'a jamais rien fait. 
Enfin si, des docteurs m'ont lancé des petites pilules comme on lance une pokéball mais je me suis échappée loin dans les hautes herbes. 

Il a fallu que j'attende un âge plus qu'adulte pour trouver une solution viable : je mets tout mon surplus de sentiments et d'émotions dans mes bouquins.
Pas ceux que j'écris, puisque je suis en writer's block depuis... 2007 ? 2008 ? mais dans ceux des autres, dont j'ai la responsabilité. 

C'est très capitaliste comme façon de se gérer, j'en conviens. Mais au moins c'est un mal pour un bien. 
Je ne peux et ne dois entrer dans les détails, mais en ce moment je travaille sur une roman portant sur un parcours de vie particulièrement difficile et se focalisant sur l'adolescence. Le personnage principal est une jeune fille qui a toujours été rejetée pour ce qu'elle était profondément, persuadée que son père ne l'a jamais aimée, qui traverse les épreuves les unes après les autres, jusqu'au moment de trop. Le point de non retour et la saturation de la vie. Et elle se rate, et elle repart "de plus belle". 

Ok, c'est pas gai. Mais quand je bosse un livre, je l'ai lu en VO avant, donc je suis prévenue. Pour celui-ci, je m'étais gardé la fin pour la découvrir en VF car, à ce qu'en disait la fiche de lecture détaillée, ce serait ardu à retranscrire émotionnellement. Je ne voulais pas être influencée par la VO, qui est de toute manière indépassable et doit généralement être adaptée pour correspondre au pacte de lecture. Pardon de jargonner, mais pour ceux qui se demandent, je fais partie de ces éditeurs qui pensent que le traducteur "réécrit le livre" dans sa langue, qu'il est son deuxième auteur. 

C'est donc la fleur au fusil que j'entame le passage "inédit" à mes yeux de ce roman, lors de ma pause déjeuner de mon autre boulot (oui car je fais partie de ces éditeurs crève-la-faim qui empilent les jobs - généralement trois, en ce moment deux - pour survivre, vu qu'apparemment rémunérer les gens qui vivent de leur passion, c'est sale).
Ca fait partie des idées à la con d'une hypersensible tellement surchargée de boulot qu'elle oublie qu'elle va devoir se plonger dans un état émotionnel extrême avant de pouvoir assurer toute une aprem de vie lambda de bureau. 
Normalement, je fourre tout dans une petite boîte intérieure et je serre les dents en pensant à ma patrie. (Ma fameuse métaphore du diable dans la boîte, le tas d'émotions qui risque de surgir à n'importe quel moment, mais généralement au pire qui soit). Mais là... 

Notre héroïne nous offre un flash-back et nous décrit très exactement sa tentative de suicide. Jusqu'ici tout va bien. Je sors de deux éditings de romans avec des cancéreux en phase terminale, deux suicidaires dont un orphelin et une suicidée victime d'abus sexuels pédophiles, donc rien ne me fait peur en théorie. En tout cas pas une scène de tentative de suicide en flash-back. Surtout quand on sait que moi-même je suis passée par là. (Pour les plus motivés je raconte ça ici et ici).

Sauf que là, stupeur et poneys foudroyés, ça commençait pareil. Pareil que la mienne, je veux dire. Puis ça continuait pareil. Puis... 
Vous l'aurez compris, une auteur états-unienne a complétement plagié ma TS pour en tirer profit. 
Hum, non. C'est pas le propos.

Le propos, c'est que j'étais en mode "boîte ouverte, diablotin toutes cornes dehors" pour bosser à fond ce roman, et que je me suis pris ça en pleine gueule. 
Comme j'étais abasourdie par les ressemblances, je suis fadée mes propres notes citées ci-dessus, pour vérifier si j'hallucinais ou si je ne projetais pas. 

Et c'est comme ça que j'ai pleuré, vraiment, pour la première fois depuis "celui avec qui il ne s'est rien passé", mais bon, il m'a fait pleurer très longtemps celui-là, alors disons qu'en temps humain ça devait remonter au tout début de l'année. 

Le bon côté des choses, c'est que j'ai pu vérifier que mon stratagème pour auto-piéger mon trop plein d'émotions fonctionne : je ne pleure plus autant qu'avant et je vis un quotidien beaucoup plus serein. Le mauvais côté, c'est que je ne suis jamais à l'abri que la littérature me rattrape et me foute un K.O sensitif. 

Et que parfois, il faut que je justifie des yeux de lapin albinos à mes collègues de bureau sans pouvoir dignement entrer dans les détails. 


Force est de constater qu'il y a autant de bordel dans la boîte où le diablotin est enfermé que dans ma propre chambre. Que j'ai beau m'entourlouper afin de mener une vie stable, je ne fais que stocker, comme un hoarder du coeur. 
Il n'y a pas de solutions miracles, seulement des solutions temporaires.