mercredi 21 juin 2017

You go to my head, and you linger like a haunting refrain



Il a l'accent grec. (+1000 points) 
J'ai toujours eu un faible pour les grecs, de mon premier crush pour Demetrios, le serveur de notre croisière dans les cyclades quand j'étais en 4e, à Yannis Philippakis, que je ne vous présente plus.

Il ressemble à mon pépé (+ ∞ de points)

Il m'a fait attendre pendant une heure sous 45° dans sa salle d'attente aux chaises en plastique sous les toits alors qu'en vrai j'attends ce rdv déjà depuis 6 putain de mois  (- une tonne de points s'il s'avère être décevant).

Mais je m'efforce de ne plus m'énerver. (Ca augmente la température corporelle)

"Alors pourquoi vous êtes là ?"

"Euh..."

Il rit, je ris.

"...Disons que c'est un tout ? Une sorte de trop plein ?"

En décembre dernier, je n'avais plus un sous en poche, j'étais au fin fond de ma dépression et mes amis me poussaient à consulter, alors je me suis renseignée et je suis passée par un CMP (gratuit, donc), qui m'a renvoyé vers une psychiatre, qui elle-même m'a renvoyé vers le big boss de la psychiatrie qui se trouve devant moi. (Et qui a son propre article wikipédia.)

J'ai traversé une gigantesque prise de sang, des atermoiements multiples et des kilomètres de chassés croisés dans Paris pour que BigBoss me reçoive et me valide.

S'il dit "ok banco", je serai suivie par un psy, gratuitement, toutes les semaines.

Rien ne se met entre Johnson et ses objectifs, pas même 6 mois de pulsions suicidaires plus ou moins fortes, pas même le challenge des anti-dépresseurs, alors un entretien d'une heure, tu penses... 

Du coup, vous l'aurez deviné, j'ai passé la journée en pleine crise d'angoisse. Sous 35°. Would not recommend. 

Mais BigBoss est là, avec son accent chantant et son ventilo et je commence à déblatérer.
C'est quand lui prend la parole que je me raidis. 

"Mais pourquoi vous voulez être prise en charge ?"
"Bah..."
Je sèche rarement quand je veux obtenir quelque chose. J'ai du répondant. De la repartie. Et je suis même régulièrement taxée d'insolence.
"Non parce que ce que vous me décrivez là, c'est une situation plutôt satisfaisante, non ? Vous voulez changer quelque chose à votre vie ?"
"Euh... non."
"Alors vous n'avez pas de problème, si ?"
"Non. Enfin, les autres pensent que si, donc bon."
Il ferme les yeux comme un vieux petit chat et souris.
"Et vous avez un compagnon ?"
"Mmmnn. Gnnn. Gr-Non."
"Et vous en rêvez ?"
"Oulah Jean-Michel Périclès on va se calmer tout de suite, on avait dit pas les habits et pas les histoires de coeur."
(En vrai j'ai eu l'air interloquée et il a détaillé sa question:) 
"Vous voulez vivre avec quelqu'un, construire une famille ?"
"Euh... non. Enfin... Est-ce que partir en vacances avec quelqu'un ça compte ? Parce que ça j'aimerais bien."
Apparemment ça comptait pas.

Pour la première fois depuis le début de notre entretien le sosie athénien de mon Pépé a l'air chaffouin. Alors, en bonne élève, je m'empresse de rajouter :

"Mais j'ai une vie sexuelle hein !"

Il relève la tête, très satisfait de ma petite éructation, en me disant "Donc c'est un choix : une vie sexuelle, pas d'amour, et vous êtes bien comme ça ?"
"Bahoui."
"C'est très positif ça."
"Ah d'accord."
(Je perds tout sens de la repartie quand on me félicite ou me complimente)

"Et vous vivez seule alors ?"
"Non en coloc pour avoir un appartement assez grand pour avoir un chat *rire de François Hollande*"

Au mot "chat" les yeux du Ménélas de la psychiatrie s'illuminent et je comprends que j'ai affaire à un semblable. Le mec doit avoir 12 félins chez lui et se retient fort de me demander une photo de ma cha... de Molly Brown.

Je lui raconte les mésaventures de Chat-Marlowe, le trauma, le retour des idées noires et des pulsions suicidaires. On fait l'historique de ces dernières :
Les pulsions suicidaires sont autant un réconfort qu'un stimulant, pas forcément négatives, et j'ai du mal à faire comprendre ça à mon entourage.
Très rarement elles sont liées à du désespoir. La plupart du temps, elles représentent un échappatoire possible et un soulagement éventuel, si jamais.

"Mais pourquoi vous voulez changer ça ? Elles font parties de vous."

Je suis bien d'accord.

Je souris fort à Jean-Marc Péloponèse en lui expliquant qu'en l'état, je fais du mal aux autres et que c'est ça que je veux changer, même si en vrai je suis d'accord avec lui que je suis plutôt bad-ass et que mes cicatrices sont croquinounettes et que les imperfections sont le sel de la vie.

Il hoche la tête et me dit en une phrase que j'ai réussi son challenge. Que j'aurai un psy àmoi à la rentrée. Mais que j'ai quand même un gros souci de complexe d'abandon.

Ahahah ! Le mec il a déduit ça d'un rêve que je lui ai raconté et aussi du fait qu'en vrai c'est mes grands-parents qui m'ont élevée et que ma mère a passé son temps à me répéter qu'elle aurait jamais dû me faire et que le plus gros secret de la famille est lié au jour de ma naissance...




To be continued...

jeudi 15 juin 2017

Driving at ninety down those country lanes


[Quand j'ai vu ça, ça m'a fait une sorte de... fussoir.]

Il fait 12 000 degrés à 8h30 du mat' quand je pars avec une heure d'avance pour une des réunions les plus importantes de mon job.
Réunions auxquelles je ne vais qu'une fois tous les 6 mois quand personne d'autre n'est dispo et qu'il faut bien désigner quelqu'un.

J'ai préparé un itinéraire, j'ai pris un petit déjeuner équilibré, choisi mes fringues en mode mi-présentable mi-confortable. 
Je prends ma correspondance easy - je m'assois dans le RER. J'ai 3/4 d'heure devant moi. Je suis large.

Ca fait des semaines que j'essaye de me mettre moins en colère. De respirer. De prendre les choses plus calmement. Pour l'instant ça fonctionne plutôt bien (merci Nintendo de m'avoir fourni une application aussi absurde que celle sur Magicarpe, vous faites beaucoup de bien à mon mental).

Mon arrêt approche. Je me lève. Je lisse ma robe. Je me mets devant les portes, prête à dévorer le bitume en quelques pas graciles quand... ce putain de RER C de merde ne marque pas mon arrêt.

Ni le suivant. Ni celui d'après.

C'est la boule dans la gorge et les yeux humides que j'envoie un désolé et désolant message de retard à ma boss. 

Je me retrouve à Choisy-le-Roi (ouais, toi-même tu sais pas). Qui a la particularité de n'avoir AUCUN taxi à proposer à une jeune fille désespérée à 9h du mat'.
Je sors mon portable teigneux acheté d'occaz, qui a toujours refusé de se montrer coopératif, surtout pour les questions de géolocalisation et qui s'était levé du pied gauche, si tant est qu'on puisse imaginer un Samsung anthropomorphique.

Je finis par repérer un Uber pas trop loin. J'en ai pour 15 balles mais je m'en fous, je peux ENCORE le faire. Je clique pour confirmer.

Ma carte est refusée.

Ah bah oui.
J'imagine que si des caméras me suivaient, je serais déjà millionnaire en abonnés Youtube. 

Je respire fort et je retourne m'engouffrer dans la bouche de l'enfer AKA la gare RER. Je me trompe d'automate. Je finis par trouver celui qui voudra bien me délivrer le précieux sésame pour la gare qui m'intéresse.

Je cours dans la prochaine rame passant à ma portée. Celle-ci dessert bien sûr toutes les gares sauf celle qui m'intéresse.

Retour à Paris.

J'hésite 2 secondes à abandonner, mais rien ne se met entre Johnson et ses objectifs, encore moins quand il s'agit d'un engagement. 

J'ai vaguement le souvenir qu'un bus passe dans le coin qui m'intéresse depuis ce quartier.
Je pars à sa recherche... tout comme une quarantaine de parisiens en goguette qui semblent grogner contre la ligne qui fait n'importe quoi ce matin.

Je ne m'énerve toujours pas. J'attends mon tour. Je me serre contre un mec en costume, je n'ai pas le choix, lui a le cul posé sur la seule barre à laquelle je pourrais me tenir [insérer ici blague grasse et libidineuse]. 
J'essaye de canaliser mon équilibre intérieur tandis qu'au 3e feu rouge je vois qu'il est l'heure du début de la réunion.

Pas mal de gens sortent au prochain arrêt. Je peux enfin respirer. Me tenir. Me recentrer. Le temps de lire un sms de déception de ma boss et de grimacer. Puis le chauffeur annonce bien avant mon stop que c'est mon terminus, parce que LoL. 

Je sors au milieu de la 6 voies, en sandales d'été pas du tout adaptées à ma marche rapide. Je lance google maps qui dit n'importe quoi. Je trottine presque en touchant au but.

J'arrive en sueur dans le bâtiment. Le mec de l'accueil m'indique l'étage, l'ascenseur, le bureau et le numéro complémentaire de là où je dois me rendre. Le temps de mémoriser tout ça, je me recoiffe dans l'ascenseur. J'arrive. La standardiste est au téléphone. Je lui fais des grands signes essoufflés à base de "...réunion ... en retard... LET ME IN."

Elle raccroche, me sourit, et m'annonce patiemment que "C'est à côté". Comprendre : LE PUTAIN DE BATIMENT D’À COTÉ. 

A l'intérieur, je me décompose comme un zombie corporate.
Je cavale jusque dans la prochaine étape labyrinthique de mon périple. 

Aucun accueil. Je zigzague entre les gens. Je comprends qu'on m'a indiqué la mauvaise salle.
Je finis par trouver mon graal. 

J'ai une demi heure de retard. Je titube, le feu aux joues, jusqu'à me trouver une place. 
Plus tard ma boss rira de bon coeur en disant "mais qu'est-ce que tu faisais à Choisy-Le-Roi, t'étais chez un de tes petits copains ?"

J'ai failli lui répondre que non, j'ai le chic pour sortir avec des mecs qui vivent encore chez leurs parents (et bizarrement, pas seulement ceux qui sont en âge de passer le bac aujourd'hui) et puis je me suis dit que j'allais juste rire en tentant de paraître crédible et de lâcher un "Oh la la, j'aurais préféré !"

Il était 11 heures du matin, j'étais déjà au bout de ma vie et la journée ne faisait que commencer.