jeudi 25 avril 2013

So few come and don't go


En devenant ce que je suis depuis décembre, je suis devenue publique. 

Pas Johnson-publique mais vraie-moi publique. Je parle bien de l'incontrôlable petite chose qui dit ce qu'elle pense et qu'on regarde souvent de traviole.

Il était temps de mettre un peu de cadre dans cette personnalité réelle mal foutue et bancale anyway
C'est donc chose faite. 

Je suis un erzatz d'Enjolras (ou de Saint-Just) pour des inconnus, une amie "exceptionnelle" pour mes proches et, maintenant que je suis à nouveau sur le marché, une sorte d'OVNI, apparemment, pour les garçons hétérosexuels célibataires.

Dans mes rencontres récentes (oui, maintenant je rencontre des gens), je me suis aperçue que ma "réussite" professionnelle était un facteur de plus qui me dissociait de la "moyenne" (la "normalité" étant un mot banni dans les cercles où je traîne), or, le boulot, c'est un peu le sujet que tu abordes quand tu connais pas la personne : "Tu sors du boulot ?" "Aujourd'hui, au boulot..." "Et au fait, tu fais quoi dans la vie ?"

Quand je commence à rester vague, le piège se referme. Parce que je fais un boulot qui provoque généralement la curiosité des gens. Et ça se termine irrémédiablement par : "mais, c'est pas le genre de trucs qu'on est sensés faire à 40 ans ?"
Oui oui. Pas ma faute si je suis meilleure que tout le monde hein.
"Oh, oui, c'est vrai, c'est assez rare de croiser des gens de mon âge à ce poste, rassure-toi, tu avais raison de t'imaginer ça comme ça."

Je crois qu'en fait, j'atterris tout juste dans l'humanité. Jusqu'ici je pensais que tout le monde vivait la même chose et que j'étais juste plus sensible que les autres et que c'est moi qui réagissais différemment. 

Scoop : en fait non. 

Du coup, je suis un peu tombée de quelques étages quand j'ai réalisé que toutes mes relations ne seraient pas comme celle que j'avais avec le dernier ex en date.

Que cette envie constante de se sauter dessus, cette compartimentation qui se crée systématiquement dès qu'on est dans la même pièce, ce 6eme de sens qui fait qu'on ressent ce que l'autre ressent au même moment. Bref, si j'avais conscience au moment où je vivais cette relation qu'elle avait quelque chose d'exceptionnel, j'avais fini par me laisser convaincre du contraire - puisque tout le monde me le disait

Et maintenant que je suis en face de garçons aussi neutres que la Suisse, je comprends peu à peu que l'alchimie n'est pas un truc courant. (oui, je reviens de très loin, en même temps, certains comprendront mieux que d'autres la dimension "déformation professionnelle" de la chose)

Je suis donc dans ma phase "Ah ouais, c'est comme ça un garçon moyen ?", ils sont pas beaux ni moches, pas sinistres, pas cinglés. Ils sont petits, grands, bronzés, pâlichons, musclés ou crevettes et ils provoquent en moi toujours la même réaction : un haussement d'épaule suivi d'un "meeeeh..."

A croire que, jusqu'ici, je n'avais su m'entourer que de miracles sur pattes, car, même mes relations amicales sont toujours plus palpitantes que les prémices de ce qui se joue dans ma vie actuellement.

Je pensais vraiment que tout le monde vivait des relations aussi épiques que les miennes, avec des garçons qui veulent sauter du 4eme étage, qui traversent des pays entiers pour me voir une poignée de jours, ou viennent me sauver la vie sur commande.
Les garçons rollercoaster.

C'était certes fatigant, mais comment vivre une vie rangée après tout ça ? Alors oui, ça ne menait à rien, et je me retrouvais systématiquement assise sur un trottoir, le coeur posé à côté de moi dans le caniveau. Les yeux vides, un goût de sang dans la bouche et un an minimum devant moi pour me remettre... mais je crois que, quelque part, c'est devenu ma routine. 

Le garçon sympa, gentil, voire même adorable, dévoué et poli ne fait jamais le poids contre le garçon qui devance tes goûts musicaux, sait exactement à quel moment il peut te plaquer comme une affiche au mur*, et te comprend d'un seul coup d'oeil.

Et c'est ce syndrôme, je pense, qui fait croire aux gentils garçons, aux mecs sympas, aux boy next door que nous préférons les connards.

Si beaucoup de filles confondent les garçons rollercoaster et les garçons foncièrement cons, j'ai eu la chance de toujours faire la différence - et dieu merci, car avec mon level d'attraction de ces deux typologies, je serais perdue. 

Le jour où le garçon rollercoaster (reconnaissable au fait qu'il cumule généralement l'effet "ouragan dans ta vie" avec une certaine propension à être un gentleman) sera droit dans sa vie, sûr de ce qu'il veut (et ce qu'il veut, c'est forcément moi, toi, nous), et qu'il mettra en place un plan démoniaque (mais gentleman) dont il est forcément spécialiste, pour l'obtenir : il deviendra le maître du monde (hétérosexuel).

Ou, en tout cas, il peut m'appeler.



*Pardon.

mardi 16 avril 2013

In the darkness, the trees are full of starlight


Je ne sais pas si c'est parce que la formatrice avait un peu trop malmené l'image de la France que mon inner-Enjolras a érupté.

Mais, voilà. Alors qu'on m'expliquait qu'il fallait avoir une représentation mentale positive (de l'autre et du monde, en général) et que c'était la clef d'une communication réussie (et donc d'une vie parfaite dans une société parfaite avec des gens parfaits qui répondront tous "oui" à tout), même lorsque nous devions faire passer des messages avec lesquels nous n'étions pas d'accord.

Ca m'arrive tous les jours. Je les fais passer, oui, mais je garde mon droit d(e ne pas)exprimer ce que je pense vraiment. Pour ma formatrice, il faut se convaincre soi-même pour être crédible, car l'autre sent tout. Il faut donc accepter les messages qu'on nous envoie comme du tout cuit. Pour le bien de l'entreprise/de la France/de l'univers.

Comme personne ne l'ouvrait et que je me sentais basculer doucement mais sûrement vers Le meilleur des mondes, j'ai donc dit "mais, la pensée unique, c'est pas un peu dangereux ?" "Mais non mais non voyons, vos supérieurs savent ce qu'ils font.", "Et, selon vous, je ne peux pas garder mes opinions et faire avec ?" "Oh mais non, voyons, ce serait tellement plus confortable si vous en étiez persuadée !"
"Je préfère mes opinions au confort."

Autant vous dire que EnJohnlras était lâchée. Que je retrouvais les bancs du collège/du lycée/des hautes études (non je déconne, tout cela a commencé quand j'ai voulu cramer l'école Maternelle avec Elizabeth T.) où la confrontation a toujours été la même. 

Mon esprit buté contre celui d'un professeur sensé être "éclairé" (pour ceux qui ne suivent pas : j'ai failli me faire virer 3 semaines avant le Bac comme ça), je ne me suis jamais attaquée aux faibles, toujours à celui sensé être mon égal intellectuel (c'est comme ça que j'ai fait chialer ma psy, deux fois), et ça peut vous en dire beaucoup sur mon égo.

Je voulais voir jusqu'où allait la théorie en 10 points que la formatrice nous servait depuis 48h. J'ai, comme toujours, cherché le fil qui dépasse et sur lequel il ne faut surtout pas tirer.

Je ne sais pas pourquoi je fais toujours ça. Pour le challenge intellectuel ? Parce que mes oreilles ont reçu trop de bouse prémâchée ? Parce qu'il faut bien que quelqu'un parle ?

Je sais combien ces petits combats que l'on croit grands sont vains - je suis une fan des Misérables, hein. 
Je sais que le petit meurt toujours à la fin, même si c'est en chantant.

Cette fois, pourtant, à la pause, ils sont tous venus me voir, ou presque, les uns après les autres, pour me taper sur l'épaule et me dire "merci" "tu as raison" "on pensait tous ça".

Depuis quand moi JohnsyJohns, je suis devenue la porte parole d'un peuple, aussi insignifiant qu'il soit ?
Je vous rappelle qu'il y a 10 ans, on me jetait des cailloux en pleine figure, quand même. 

On m'a très - trop - souvent dit de fermer ma gueule (mon père le premier), pour que je le fasse. Je crois que je dirai toujours ce que je pense, je crois que j'écrirai toujours ce blog quand personne ne sera là pour l'entendre. 

Je me suis retenue de lancer "To the barricades!" ou "Until the earth is freeee!" - encore une fois, je sais comment se finissent ces choses.

Je me suis juste rendue compte qu'on ne m'avait jamais prise au sérieux parce qu'on m'étiquetait ado-rebelle, et que maintenant que je suis une jeune cadre dynamique, ma parole a malheureusement plus de poids.

"Malheureusement" car je suis assez fatiguée, et isolée, pour avoir renoncé à dire quoi que ce soit qui compte vraiment.


jeudi 11 avril 2013

You clear your throat you raise your eyebrow but you don't say


Dans ce marasme de non-ressenti universel persistant, le nouvel appartement m'a tout de même arraché quelques sourires.

Les voyages s'empilent. Le travail prend toute sa mesure tentaculaire sur ma vie.

J'arrête twitter, je n'ai plus le temps pour le blog de l'hormone, des amis commencent déjà à me reprocher de ne plus donner de nouvelles.

Oui. Bon. Je suis éditeuse. J'ai pas le temps.

Ma routine c'est plutôt Boulot - Bistrot - Dodo. Pour oublier que je suis l'esclave de ma passion.

Si on m'avait dit où je finirai quand je hantais les étagères de la bibliothèque municipale de Trouducul-les-oies dans ma tendre enfance, j'aurais haussé les épaules en disant "mais nan mais moi j'aurai une maison à la campagne avec un mari des enfants aux prénoms chelou et je serai décoratrice d'intérieur/chanteuse.".

Quand on connait mon timbre de voix et ma capacité à saloper une pièce en 12h à peine, on rit bien fort.

Lorsque j'étais ado, une de mes raisons de vivre était ce blog. L'occasion de montrer au monde que je n'étais pas juste le fruit du jeunadultisme ignoble qui parcourait les couloirs d'un lycée trop petit pour ses ambitions. Régulièrement, on me disait que j'écrivais bien, et c'était pour moi comme si on décernait une médaille d'or aux J.O.
Le plus grand compliment qu'on puisse me faire.
De l'amour en barres.
Ma drogue.

L'écriture passe avant les garçons, mais j'aurai toujours l'écriture - au moins celle des autres.

Depuis que je suis parvenue, un peu trop tôt ?, c'est un fait acquis. J'édite, je rewrite, je relis, je corrige le gloubiboulga de mes auteurs, je tranche, je biffe, j'étire, je sarcle. Ce que je n'ai jamais réussi à faire sur mes propres textes.

Les gens se bousculent au portillon de ma collection, de mon linkedin, je suis en passe d'embaucher des gens qui - dans une autre vie - m'ont estimée pas assez douée pour être leur subalterne.

Je ne me rends infiniment pas compte de ce qui m'arrive, de la vitesse à laquelle c'est arrivé, de ce que cela représente, à l'échelle d'une vie, d'être responsable de collection à 25 ans. D'avoir déjà une vingtaine d'auteurs et un planning 2013 de 50 titres. De tout faire, de A à Z, comme ce type très étrange qui a été mon premier boss à Paris. Une sorte de quiproquo improbable m'avait placée derrière un bureau du 6e arrondissement, j'étais son ombre quand il n'était pas là, j'avais déjà des rênes trop grands pour mes petites mains. J'ai fait beaucoup de n'importe quoi - comme tout le monde au début, je n'ai jamais trop reparlé à ce type, il a quand même édité, quelques années plus tard, le bouquin que j'avais repéré.

J'avais servi à quelque chose.

C'est là que j'ai rencontré les gens déterminants de ma vie actuelle.

Je ne suis plus tellement germanopratine. J'ai compris que mon intérêt n'était pas l'élitisme pendant la crise. J'ai compris que l'élitisme n'avait que très peu d'intérêt. Je préfère l'académisme de loin. Comme un Panthéon qui se découpe dans le soir.

Ma Sorbonne me dit que je lui fais honte mais salue mon parcours et me demande de venir témoigner. Pas de bol, c'est le jour où j'ai changé de rive, d'appart', de rectangle où dormir et s'enfermer.

Je crois que mon parcours restera définitivement le mien, et seulement le mien, que personne ne saura tout à fait ce que ça m'a coûté, ce que j'ai traversé, ce que j'ai subi, comment je l'ai fait.

Et personne ne me dira jamais "Woah Johnson, si j'avais su que tu parviendrai à ça !"
Parce que tout le monde savait.
Tout le monde savait sauf moi.

mercredi 3 avril 2013

Someone hold me I am done with this game


Je range mon héritage dans les petites étagères vides de mon bureau et c'est comme si je prenais le voile.

La collection de romans sentimentaux de Mémé, secret bien gardé derrière une couche de livres "respectables" qui finissent exposés dans mon antre d'éditrice.

Dans moins d'une semaine je vais habiter à 10 minutes d'ici et, dès lors, être tentée de devenir cette machine à abnégation qui ne vit que pour son travail.

Mon héritage, ce n'est pas seulement une quarantaine de vieux livres de poche en sale état.

C'est la certitude que Mémé aussi avait l'esprit taraudé par les choses de l'amour.

Que je ne suis pas une exception génétique.

Quand on a retrouvé son portefeuille, il ne comportait pas la photo de l'homme "officiel" de sa vie - mon grand-père - mais celle de celui d'après (ou d'avant, ou de pendant, ou les trois).

Est-ce que c'est un signe du destin pour me dire qu'il n'est jamais trop tard ?

J'y crois moyen.
Mémé avait une force que je n'ai pas. Une force de la nature, quand je suis un rachitique petit John Keats/Freddy Lyon.

A la question "alors ça fait quoi d'avoir 25 ans ?", je ne pouvais pas répondre.
Parce que dire "Étonnée d'être encore en vie." passe mal dans un contexte de joyeusetés.

J'ai 25 ans et je suis plus que jamais seule au monde.

J'ai fait le deuil d'établir un lien véritable avec les mortels, ma vie sera désormais une longue autoroute où des gens m'appelleront "Mon éditrice", "Mon amie", "Ma tante/Ma soeur/Ma cousine", mais où je n'appartiendrai plus à personne.

Cette distance s'est installée pour durer. Ca n'est pas un état de choc. C'est un état de renonciation.
Je ne me suis pas remise de ma rupture de l'année dernière : elle a brisé les derniers espoirs que je fondais en l'humanité. Comme si la vie avait voulu me prouver une bonne fois pour toute que ça n'était pas fait pour moi, ces choses-là.

Je m'éloigne du Père-Lachaise et de ses immortels pour mieux me plonger dans le thanatos d'une vie boulot/dodo sans plus de métro - maigre consolation.

Plus rien ne me touche et, j'ai à peine frémis, quand, en dépliant ma valise j'ai retrouvé le dé à coudre ramené de Bratislava pour la collection de Mémé. Je ne l'ai pas retrouvé à temps. Je ne lui aurai jamais donné.

Je suis restée, 2 secondes, peut-être 3, à faire la grimace avant de poser le dé sur une étagère - vide - et de reprendre le fil de l'empaquetage.

Le dé suivra le cours de son existence.
Mémé n'existe plus.
Moi plus trop non plus, mais, à la manière des étoiles mortes, les gens pensent que parce que je bouge je vis encore.

Et qui suis-je pour les détromper ?