jeudi 31 mai 2012

Where there's music and there's people

Quand je suis rentrée dans mon appartement parisien, une boîte de Xanax m'attendait avec l'instruction simple "prendre un comprimé si besoin".

Je ne sais plus trop qui a les clefs de chez moi, je ne sais donc pas trop de qui ça vient. 

Ce que je sais, c'est que pour la première fois de ma vie, j'en ai besoin. Pour pouvoir regarder les gens en face sans sombrer ou leur foutre mon poing dans la gueule. 

Vous le savez, je raye les gens périmés de ma vie comme on jette un fruit pourri. D'un geste. Les amis, les amours, le reste.

C'est pour ça que je ne vais pas mettre en application les deux nouveaux plans diaboliques de revanches qui me sont venus, à savoir : lui envoyer la facture de 2000 € de mes vacances gâchées par sa faute et, plus insidieux, lui révéler la seule chose que je lui ai cachée au début de notre relation et qui, pour le coup, concerne une personne à qui il tient vraiment. 

Mais bon, comme je raye, je jette et j'expulse (mais je n'oublie rien, jamais) je me contente d'avaler mes pilules. Bien sagement. A ma fenêtre. En buvant 1, 2, 3... 

En regardant le voisin d'en bas d'en face pelotonné torse nu sur son canapé lit, comme depuis avant.

J'avale ma pilule en me disant "pas les gens Johnson, tu jettes pas les gens".

Mon ménage de printemps est souvent abrasif. Du dernier en date et de notre cercle d'amis ne reste qu'une pote, une amie occasionnelle, qui a clairement définit les limites de notre relation.

Et il les a tous vus. Mes amis. Même ceux qui n'étaient pas les siens. Alors quand je les revois, je le revois. Je nous revois. Alors non. Je les revois plus.
Je ne vois plus personne. Et j'avale ma pilule, et je bois 1, 2, 3...

"Ne jette pas les gens. Pas en même temps. C'est dans une poubelle à part, les gens."

Si j'avais une tumeur, un cancer, je dirais au docteur "enlevez tout", alors oui, j'ai du mal à ne pas découper les gens de ma vie.

Parce que quand je les revois, je m'invente des raisons de les détester. Alors je les garde loin, pour ne pas les perdre complètement.

Et j'avale, pilule après pilule, la confiance durement acquise pendant 5 ans et qui m'a permis - et comme j'en étais fière - de trouver un copain 15 jours après avoir réalisé que j'en avais besoin, 15 jours après avoir décidé qu'il m'en fallait un. 

Je supporte les inconnus et ceux qui ne l'ont pas connu, et quant aux autres, je les préviens, je ne suis qu'un amas de pilules et de 1, 2, 3...

mercredi 30 mai 2012

Dread the day when dreaming ends

Au MET, devant un oeuf Fabergé, je me suis interrogée sur ma vie. Sur mes buts.

J'ai toujours voulu l'amour, et si j'ai beaucoup aimé, je n'aime plus beaucoup, et si j'aurais bien aimé savoir ce que ça fait d'être aimée, les gens, aujourd'hui, ne s'y essayent même plus.

Alors l'amour non. La réussite professionnelle non plus, parce que je ne suis pas faite pour réussir - trop honnête et trop sensible et trop malade. 

Mais j'étais devant un oeuf Fabergé, et, depuis quelques contes russes, ça a toujours été un de mes buts dans la vie, d'en posséder un.

Et puis j'ai vu les Modigliani, et je me suis souvenu qu'aussi, j'en voulais un.

Et puis j'ai visité la Pierpont Library & Museum, et je me suis rendue compte à quel point il me fallait un sanctuaire comme ça.

Une bibliothèque géante en bois, remplie. Et un atrium. Et une entrée secrète en marbre où je pourrais m'allonger les bras en croix les jours d'été. 

De ma liste de rêves et de projets, ne reste que le matérialisme.

Alors mes amis gays applaudiront des deux mains (si, je n'aime que les gays clichés, les autres sont terriblement ennuyeux), mais moi, je resterai béatement le nez en l'air devant mes idéaux toujours et encore irréalisables. 

Jamais je ne serai plein aux as. Jamais je ne serai un riche mécène. Jamais je n'aurai de quoi embaucher un jeune bibliothécaire sexy. 

Je vais finir comme ces américains qui n'ont aucun but dans la vie si ce n'est consommer ce qu'ils viennent de gagner. L'engloutir, plus précisément. 

Je vais errer sans but comme un zombie, entre mes 4 murs et mes petits trésors, chéris et sauvegardés de l'enfance et d'ailleurs. De pays lointains, de personnes connues. Des collections qui ne valent rien mais qui me rappellent que j'aime encore.

mardi 29 mai 2012

Lettre à Mr C.

Il m'arrive d'avoir des moments de lucidité, entre cet antidépresseur et ces deux somnifères. Des moments de lucidité où j'aurais envie de dire des choses claires et posées, mais où, à l'évidence, il vaut bien mieux m'occuper des diverses blessures physiques apparues je ne sais comment, que des blessures internes.

Des hémorragies se stoppent en 5 minutes, d'autres en 5 ans. C'est mon rythme.

Bien souvent, mon estomac me torture et je lui en veux, et puis je me souviens que ça fait 12h qu'il n'a rien avalé. Qu'il crie au manque. Mais que, je ne vois pas pourquoi je le contenterai quand tous mes autres manques sont dans l'impasse.

Je n'en veux pas au garçon, qui, je l'ai répété, est un type bien, ou plutôt un type presque bien comme l'a dit une inconnue à New York. Je n'en veux pas au type auprès de qui je pouvais passer des heures sans parler, ou à l'écouter lui, sur la musique, les arts & sa famille.

J'en veux au mec en lui dont je n'ai pas su voir le réveil venir.

Je n'avais pas compris qu'en chaque gentlemen only (mon graal) se cachait, tapi, un connard rêvant de liberté (souvent pour n'en profiter qu'à un pourcentage infime, d'ailleurs, le connard s'accroche à son illusion de liberté quand il sait qu'il serait mieux avec un lit régulier où réfugier ses terreurs existentielles de connard). Le connard veut pouvoir se taper qui il veut sans conséquences, pense qu'il est le maître de sa vie, qu'il se protège de tout un tas d'emmerdes, et puis, pour jouer le rôle de la fille dans les moments durs, le mec a souvent un bro', à la place.

Je n'en veux pas au garçon qui m'a embrassé au clair de lune sur les quais, qui, dans le bus qui nous ramenait chez moi m'a demandé "mais, hey, c'est pas que à cause de l'alcool hein ?" (c'est à peu près à ce moment là que j'ai fondu), ce garçon qui tremblait ne me tenant les mains et en se rendant compte que je le voulais aussi, ce garçon qui n'a pas fêté mon anniversaire avec moi, qui m'a offert un cadeau pouvant m'ouvrir sur un univers gigantesque, ce garçon qui refusait toutes mes propositions de sorties, sûrement pour ne pas être vu trop officiellement avec moi, ce garçon avec qui je partageais mes copines et nos copines, à qui il disait qu'il m'aimait bien et qui, un mois après, me disait que non, il ne s'était pas attaché finalement.

Ce garçon qui faisait des dizaines de dizaines de kilomètres, parfois pour me ramener devant un appartement où il ne pouvait pas rentrer. Ce garçon que j'ai laissé me toucher comme jamais je n'avais laissé personne le faire. Ce garçon avec qui ça paraissait naturel. Ce garçon dont l'avant-dernier souvenir sera qu'il s'est moqué de mes plus belles chaussures, mises en l'occasion de notre soirée d'adieu avant mon départ pour New York, une soirée où j'étais malade mais où j'étais prête à tout pour qu'il passe une soirée géniale et qu'on enchaîne sur une nuit mémorable. Cette soirée où nous sommes rentrés, lui, la main sur ma cuisse et moi, le regard brillant. Cette soirée où, au moment où j'allais me laisser aller dans ses bras il m'a dit qu'il n'arrivait pas à s'attacher à moi.

Non, le dernier souvenir est celui de le voir couché, au soleil levant, dans mes draps violets, faussement endormi, pour ne pas avoir à m'affronter. Ne se réveillant même pas pour notre dernier baiser.

C'est le moment où il est devenu le mec, celui qui a beau te dire "mais nan c'est pas toi", tu comprends "mais je peux en avoir des dizaines à ta place, et plus jolies, et moins casse couilles, et puis j'ai des jeux vidéos à terminer, tu comprends, alors non, je vais pas essayer de faire marcher notre histoire, je vais pas prendre 3 semaines de réflexion - faut pas déconner, je me refuse à réfléchir sur quoi que ce soit, alors sur toi...."

C'est ce mec et non le garçon qui a piétiné mes derniers espoirs d'être une femme normale un jour. Moi, qui m'était toujours confrontée au mur de l'unitéralité, des garçons indifférents, qui ne savent plus comment te repousser, parfois avec les poings, parfois juste en te laissant un regard voulant dire "toi ? mais jamais !".

Ce garçon m'a regardé et a dit "ok" (il a une (im)pitoyable image de lui, et a sûrement décidé qu'une fille médiocre comme moi, celle dont personne d'autre n'aurait voulu, lui convenait)(une sorte de bonne action ?) et puis ce mec est arrivé tel un huissier, manigançant tout pour que je n'ai pas de droit de réponse "larguons là par mail une fois coincée à la campagne, avant qu'elle ne parte 3 semaines, pour ne pas avoir à affronter les conséquences, à son retour, moi, j'aurais tout oublié, et tout le monde s'attendra à ce que ce soit pareil pour elle."

Le mec est le meilleur avocat du garçon.

J'ai toujours cru que personne ne voudrait de moi. Jamais.
Et puis c'est arrivé..

J'étais enfin (avec) quelqu'un.

Au delà du garçon, de sa personnalité, de ses faits, qui peuvent sembler banales, moyens, sans intérêts, communs, le big deal est que moi, la fille la plus persuadée au monde de ne pouvoir être aimée par quiconque a eu une nouvelle fois la confirmation qu'elle avait infiniment raison.

Le dernier ex qui avait compté avait réagi à ma rupture en me disant "tu es tellement manipulatrice que tu as réussi à me faire croire que je t'aimais."

Et le garçon, lui, m'a montré que j'étais une erreur de parcours, et je ne comprendrai jamais pourquoi il est resté au lit à mes côtés, pourquoi après une semaine de réflexion il a voulu faire partie de ma vie, pourquoi il a accepté de faire le test avec moi... Comment on peut s'aveugler autant quand la vie entière de quelqu'un dépend de soi.

J'aimerais juste revenir à Montmartre, le soir où il a commis son erreur de sortir officiellement avec moi , le soir où il m'a demandé "mais il n'y a personne à qui tu tiens encore ? Parce que je te préviens, j'ai eu le coeur brisé et je ne veux pas que ça recommence. J'ai pleuré les deux fois dans l'avion."

La tentation était trop belle, je suppose, de se venger en brisant le mien avant que je m'envole.

Mais, si j'ai pleuré tous les jours depuis, je n'ai pleuré ni à l'aller, ni au retour.

Et personne, à part moi, ne décidera de quand je serai over it.

lundi 28 mai 2012

Driving in your car I never never want to go home

[Because I haven't got one anymore]

 Le morceau de verre s'est enfoncé loin dans mon pied, effilé comme la pointe d'une aiguille, je ne l'ai senti que très tard, quand j'avais commencé à me reposer dessus. Il n'y a jamais eu autant de sang dans mon appartement. 

Il y avait les Smiths. Et je n'ai pas eu à me poser la question, savoir d'où venait ce bout de verre. Il venait d'une nuit où il était là. J'ai voulu ramasser le sang, et j'ai compris deux choses : la première est que je ne commettrai jamais un meurtre sanglant, c'est bien trop difficile à nettoyer l'hémoglobine, la deuxième est que c'est assez simple, finalement, de saigner abondamment. J'étais comme Langlois devant l'oie égorgée sur la neige et puis, et puis, spotify a passé... 


The lanes were silent 
 There was nothing, no one, nothing around for miles 
 I doused our friendly venture 
With a hard-faced 
Three-word gesture 
 I started something 
 I forced you to a zone
And you were clearly 
 Never meant to go 
Hair brushed and parted 
 Typical me, typical me 
Typical me I started something 
 ...And now I'm not too sure
 I started something i couldn't finish / The Smiths

dimanche 27 mai 2012

When you're the mistake

On ne pourra pas me reprocher de ne pas avoir essayé.

Cependant je n'ai pas réussi. Il y a quelques choses comme ça dans ma vie, et j'ai appris à vivre avec, loupés les épreuves de philo, d'histoire et même le permis...

Loupé le fait de "s'en remettre".

Je suis revenue à Paris, pleine d'espoirs heureux. Revoir mes amis. Plus proches que ma famille, en espérant pouvoir, si je n'arrivais pas à me retenir, m'éparpiller dans leurs bras compréhensifs.

Mais c'est trop tard.

J'aurais dû m'en remettre plus tôt.

J'ai traîné. Je n'étais pas là. Mais la vie a continué.

Il en a embrasées d'autres. Et mes amis ne comprennent plus.

Comment peut on être encore dans cet état presque un mois après ?

Je suis détruite. Détruite et inreconstruisible pour l'instant.

Seulement capable de comprendre une chose : il n'aurait pas dû me toucher. Dès la première seconde, dès le premier regard. S'il savait. S'il savait qu'il ne me voulait pas.

Laisser quelqu'un s'approcher, je ne l'avais jamais fait. Et il aurait dû se poser la question. Comprendre à temps qu'il ne voulait de personne et donc pas de moi. Avant de détruire complètement un coeur qui l'avait été plus d'une fois par le passé.

Un coeur ressuscité par des médecins, par des médicaments, par le lent travail des ans et des amis.

Le coeur de quelqu'un qui aurait dû rester célibataire à tout jamais plutôt que d'avoir à supporter un millième de la déception du chagrin et de l'abandon dont il peine à se redresser maintenant.

Nos amis me disent "il a essayé". "Il ne t'a jamais manqué de respect.".

S'il avait essayé, il aurait essayé jusqu'au bout, on ne trempe pas le bout de ses doigts dans l'eau pour tourner les talons après.

Il ne m'a jamais manqué de respect mais m'a fait avoir confiance en quelqu'un pour rien.

Je suis une erreur.

Une ligne rayée dans sa vie.

Le chemin sans aboutissement pris par égarement. Parce que ça avait l'air sympa, par là.

Aucune prise au sérieux. Aucune considération. J'étais un objet agréable à utiliser, pendant un certain temps.

C'est ce que j'ai toujours refusé.

C'est ce que j'ai toujours évité.

C'est ce que je ne peux assumer.

Etre l'objet d'essai de quelqu'un qui a décidé que, oh, non, finalement, ça ne valait pas le coup.

 Se rendre compte qu'on souffre le martyr juste parce que le garçon ne s'est pas posé la question à temps.

Se rendre compte qu'on a bien berné tout le monde en faisant croire qu'on était forte, et qu'on se remettrait de tout, après l’Himalaya traversé.

Mais non. Je ne deviens pas plus forte malgré les épreuves. Mais extrêmement faible. Médiocre et misérable.

J'ai toujours cru que les épreuves traversées étaient des jalons que je pouvais arborer fièrement. Elles ne sont que des avertissements de la vie : ne va pas par là, ça n'est pas pour toi.

Sois seule.

Imagine.

Tu n'as jamais été faite pour rien d'autre.

jeudi 24 mai 2012

New York city nights


« We are in a southern racist bar, I’m sure of it. MAIS SI c’est leur drapeau ! Il est où Michael ? Nan j’irai pas chercher de la glace. It’s pure vodka, it’s awful. But there’s lime ! Il est où Michael ? On va dans un bar avec de la bonne musique ? Mais je suis sûre que c’est un bar sudiste. Yes it’s a racist bar I’m sure. Me ? Yeah I can spell you my name. But where is Michael ? J’y vois rien. T’es sure que t’as pas vu Michael ? I’m a publisher. A book publisher. No, not publicist. Publisher. In France, of english books. Yeah I know. Il est où Michael ? Il est beau Michael. I was supposed to write here, but I’m not in a good mood, my french lover dumped me – t’as vu je l’ai dit – are you sure it’s not a racist bar ? Il est où Michael ? Hey regarde le sosie d’Elvis. Non mais il la connait la fille ? I’m sure I’m gonna see Jim Morrison’s ghost anytime now. OH I KNOW THAT SONG ! Where is Michael ? Oh shit he was in the other bar. I live in west harlem, Spanish harlem, and yeah I kinda like it, except for the fact that I took dutch – deutsch/German en fait – lessons in high school and not Spanish. Yeah no I’m not going to type tomorrow morning. I’m going to die instead. Oh two dollars beer ! THE BATHROOM DOOR DON’T FUCKING LOCK. NO IT DOESN’T. Look Elvis came back ! C’est un pur candidat pour le blog de l’hormone. J’aimerais bien revoir Michael. »

mardi 22 mai 2012

Stormyweather

J'ai profité d'un orage pour skyper la famiglia, et j'ai eu droit à deux réactions de tout le monde : la première, un "comment ça va ?" avec trémolo dans la voix, la deuxième : "mais euh, tu vas... tu vas revenir ?".

La première est due au fait que l'autoroute de l'info est parvenue jusqu'à ma famille, que mon blog fait le tour des maisonnées et revient toujours aux oreilles du premier cercle de l'enfer aka mes parents et mes soeurs. Ils sont tous restés plus ou moins à l'épisode cachetons + vodka (à cause d'un garçon)(rappelons le si nécessaire), d'il y a 8 ans déjà. Du coup, me voyant partir, le coeur en miettes pour NYC, quasi seule, ils ont sûrement pensé qu'ils ne me reverraient plus jamais.

Heureusement, Mémé, qui est la seule à avoir dépassé cet épisode (à ce moment là, elle avait autre chose à faire qu'à se soucier de moi, elle avait son propre deuil) m'a dit "oh je m'en fais pas, t'as pas les deux pieds dans le même sabot, tu sais te débrouiller."

Et ouais, j'ai su me débrouiller. Mais je comprends mieux l'expression "jungle urbaine". L'humidité et la température, déjà, et puis les rues, les rues à l'infini, et le béton, partout. 

Je reproche à NY ce que mes amis normands reprochent à Paris, donc la réponse est non. Je ne vais pas rester. Et, à moins d'un cataclysme énorme qui ferait qu'on me proposerait le job de mes rêves ici, je ne vais pas habiter ici. Il me reste Londres, comme option, dans le monde de l'édition, et je compte bien exploiter cette branche l'année qui vient. 

Vous avez remarqué que je parle de l'avenir ?

Ca, c'est parce que j'ai découvert une rue de la soif à Lower East Side où les pintes sont à 3$, et ça, ça a beaucoup aidé. 

vendredi 18 mai 2012

Wearhouse


Voilà, je suis une autrice. Enfin, je suis comme tous les apprentis sorciers de la littérature new yorkaise qui n’ont pas de quoi s’acheter un loft à Brooklyn : je suis assise au dernier étage du Barnes&Noble de Union Square, un sac Whole foods market avec du vegan dedans à mes pieds, et un sac plein de bonnes affaires (une robe bordeau, des basket violettes et noires à carreaux & un t-shirt violet) car ouais, j’ai repensé aux conseils des maries-connasses de mon entourage. Mais si, vous savez, ces filles qui sont derrière vous constamment dans les bus, chez le coiffeur, dans la file d’attente du cinéma... Qui balancent des phrases toutes faites sur la vie, l'amour, le destin qui font "après une rupture moi jeumcoupe toujours les cheveux, nouveau look pour une nouvelle vie" "han ouais trop, moi je refais ma garde robe hihi". 
Le fait est que je ne vais PAS me couper les cheveux. Alors j’ai fait du shopping.

Je suis une autrice donc. Je suis comme tous ces New Yorkais faussement concentrés sur leur écran – dehors il fait un soleil radieux et des gens font du vélo d’appartement dessous, sur la place, tous en cercle autour d’une sono assourdissante. En vrai, les gens du café se dévisagent. Et c’est peu courant aux states. Ils regardent, envieux, quand les autres – comme moi -, tapent frénétiquement sur leurs mini laptops. Certains, plus modestes, ne font que lire. D’autres sont là en famille, et s’excusent presque de troubler l’atmosphère – et ça aussi, croyez moi, c’est peu courant dans cette contrée d’enfant roi.

Ce matin, je me rappelais des marches du MET, où je ne m’étais finalement pas installée hier, parce que, partout autour de moi, je ne voyais pas de jolis de garçons. Et puis je m’étais fait la réflexion que c’était le cas dans tout Manhattan et à fortiori dans le Bronx - Brooklyn restant à part question bogossitude. L’appareil armé, je voulais shooter en rafale pour le Blog de l’hormone, mais rien ne venait. Rien ne vient parce que la petite voix, déjà là quand nous n’avions pas encore décidé de nous mettre ensemble, ne veut pas se taire. La petite voix geignarde qui, quand elle voit un vendeur d’A&F en civil dans le métro, fait « nananan, j’en veux qu’un et c’pas lui ». Je la fais taire comme je peux cette petite voix, mais cette nuit, dans le silence le plus retentissant depuis mon arrivée à Harlem, je me suis quand même endormie à moitié noyée dans mes sanglots. Lost in Manhattan.

Ce matin donc, je pensais à ça, un peu distraitement, quand une rangée de drapeaux a fini par m’accueillir à l’O.N.U. J’étais toujours un peu distraite quand le vendeur de billets m’a demandé si je préférais un vrai guide ou un audioguide, j’ai préféré la première solution, je ne sais pas pourquoi, je suis plutôt du genre à éviter le contact des hommes au maximum. J’étais toujours un peu distraite quand une asiat’ a appelé le numéro de mon groupe.

Je n’étais plus du tout distraite quand il m’a saluée. Pas grand. En costume. Avec son badge. Ses cheveux bruns. Un sourire caractéristique que j’aurais reconnu d’entre mille.

Des yeux marron pétillants et pleins d’une ironie très européenne. J’étais en territoire international, j’aurais pu tomber sur n’importe qui et ce fut le guide italien.

Il y a 8 ans, j’avais 16 ans, une robe transparente, surtout par temps pluvieux, et j’étais tombée raide dingue de Giovanni, qui m’avait tenu compagnie quand j’avais boycotté la 100e visite d’église de notre croisière méditerranéenne. J’en avais tiré une nouvelle. Terminée. Qui est quelque part. Ah, je viens de la retrouver et elle fait 7 pages quand même. Je n’ose la relire. Elle s’intitule Syndrom, bien évidemment.

Enfin voilà, ce guide ce matin (t’as remarqué je dis pas son nom ? Nan parce que si je le dis je vais me faire vanner pour les siècles des siècles)(du coup t’auras deviné quand même)(voilàvoilà) m’a redonné foi en l’hormone. Je peux encore regarder un garçon et palpiter. Je crois même que s’il m’avait invitée à boire un verre sur un rooftop, j’aurais dit oui. Je crois même que s’il m’avait proposé de le suivre dans son appart’ miteux du Bronx, j’aurais pas dit non. Je crois que ça veut dire que ça va mieux.

J’ai bien sûr pris des photos de lui, elles sont – bien sûr – toutes absolument ratées.


jeudi 17 mai 2012

Don't wish, don't start Wishing only wounds the heart


Toute seule à New York. Voila. Ca y est. J'en avais rêvé. Je l'avais redouté. Puis tout était devenu nuageux. 
C. est partie vers des contrées sirop d'érablées et j'ai bien été obligée de me débrouiller. 

La vie étant une bitch, c'est tombé le jour où, avec le tinman, ça aurait fait 2 mois.
Voilà dans quel état d'esprit j'étais quand, mes pieds, forts utiles dans une ville où il faut énormément marcher, ont décidé de me lâcher. 
Voilà dans quel état d'esprit j'étais quand, pour la seconde fois en une semaine, la fermeture éclair de mon sac à main s'est brisée beyond repair.
Voilà dans quel état d'esprit j'étais quand j'ai poussé les portes du MET.
J'ai trainé ces pieds en grève jusque devant les bustes helléniques dans le but de me réconforter devant Alexandre ou (et, si j'ai de la chance) Antinoüs. Ils étaient là tous les deux, mais petits, et cassés. Et beaucoup moins beaux que ceux du Louvre. J'ai donc chouiné. Au MET. J'ai grimacé en voyant ces affichages vagues "buste d'un jeune homme / d'une jeune femme" "tête d'un dieu", quand moi même j'arrivais à voir de qui il s'agissait certainement. 

J'étais perdue. Je me suis souvenue avec ironie de ma première grosse crise d'angoisse de ma vie d'adulte. C'était à ma première visite solo à La Défense. Et puis je me suis souvenue que je m'y étais habituée.

Pendant tout l'art Egyptien, je me suis arrêtée. J'ai même acheté un cookie au chocolat en dernier recours pour retrouver le sourire. 

J'ai maudi le tinman de m'avoir gâché mes vacances rêvées. De m'avoir noirci la tête avant les deux semaines qui auraient dû servir à l'assainir, à la ranger, à la préparer à avancer. Je l'ai maudi de m'empêcher à écrire, à force d'être tout le temps dans ma tête, à force de me répéter les événements décisifs. A force de me demander "et si ?" "et pourquoi ?" "et... vraiment ?"

J'ai tant et si bien ruminé que je suis arrivée à la section "Modern Art" et que, portrait après portrait, nu après nu, Modi a, patiemment, comme Rufus une semaine avant, cousu morceau par morceau ce qui restait de ma peau de chagrin cardiaque. Et Soutine était juste à côté, comme pour justifier ma théorie du "Chaïm faisait du Amédéo bourré".

Après lui, je suis tombée sous le choc de trouver là Mäda, sûrement mon Klimt préféré, sûrement le seul tableau du monde où je me reconnais vraiment.  Je me suis éclatée entre Hopper, Warhol, Pollock & Balthus. Je crois que j'ai souri.

Et puis j'ai voulu me trouver jolie à nouveau. Alors je suis allée la fleur au fusil faire du shopping sur la 5th Avenue. J'ai commencé à reprendre confiance quand la vendeuse m'a appelée miss (il faut dire que je suis vexée comme une pouxe qu'on ne me demande jamais mon ID quand je commande de l'alcool), mais elle a aussitôt interpellé une sexagénaire de la sorte aussi... 

Je me suis promis que demain serait un autre jour. Que je laisserai du répit à mes pieds. Que si le soleil voulait bien, on irait dans Bryant Park et qu'on écrirait la suite de ce qu'on a commencé.

C'est pas parce que personne, en ce moment, ne finit ce qu'il a commencé qu'il faut que je me laisse toucher par l'épidémie. Je ne vais pas abandonner mon héroïne en si bon chemin et surtout pas parce que j'aurais peur d'où elle pourrait m'emmener.

Au contraire, le plus loin sera le mieux.


Ev'ry so often we long to steal
To the land of what-might-have-been
But that doesn't soften the ache we feel
When reality sets back in

lundi 14 mai 2012

Come take in 8th street after dark



New York ne m'atteint pas, ou me tape sur les nerfs. Il y a, bien sûr, quelques rayons de soleil qui parsèment les journées, mais je ne suis pas émerveillée. Et j'ai besoin d'émerveillement. New York ne me fait pas l'effet de Prague ou même de Stockholm. New York est sale, bruyante, les gens y sont encore plus égocentrés, gueulards et tonitruants que dans le reste des US. 

Restent les moments magiques. Comme Wicked. Comme Rufus. Comme tomber sur des sculptures de Barry Flanagan presque par hasard, et ressortir sur une avenue où un tournage est entrain de se faire. Comme se retrouver dans la queue pour assister au Saturday night live quand on cherchait à monter sur le toit du Rockfeller center. Comme passer devant une fenêtre dans Greenwich village et interpeller un chat qui, à mon miaulement, a essayé d'ouvrir la fenêtre puis le cadenas qui la condamnait. 

Puis il y a ces moments de bad. Quand je me suis arrêtée devant ce disquaire de Bleecker Street en pensant "oh ça aurait fait le cadeau parfait pour lui.", et que, pour la première fois, la frustration m'a envahie. 

J'aime bien faire des cadeaux parfaits. 

Et puis il y a la semaine qui vient, où, seule, je vais devoir affronter beaucoup de choses. Un challenge excitant et plombant à la fois. 

Je vous parle de tout ça en détail (et en photos !) très bientôt.


jeudi 10 mai 2012

14th street



Je ne sais pas si c'est mon coeur en mille morceaux, mais, for the day, je suis hermétique à New York.

Surtout quand, en passant en métro par la station14th Street j'ai pensé aux paroles de Rufus Wainwright, cet air jovial qui fait :


"Why'd you have to break all my heart ? / Couldn't you have saved a little bit of it ?"

J'ai trouvé ça fort à propos, surtout que j'allais voir Rufus le soir.

Ce qui m'a tenue éveillée pendant mon insomnie de décalage horaire ce fut cette pensée incessante.

L'injustice.

L'injustice parce qu'il a été le premier.
L'injustice parce que tandis qu'il m'a déjà partiellement oubliée, je suis condamnée à me souvenir de lui pour le reste de ma vie.

Et à quoi je le condamne, moi, en retour ? A ne plus jamais me voir de sa vie. A ne plus recevoir une parole de ma part. A être intouchable pour lui, dorénavant. C'était la méthode - efficace, du reste - que j'avais employée pour oublier l'ex violent (car oui, si j'ai réussi à outrepasser une relation chaotique avec un pervers narcissique, je me suis fait zapper par l'ex actuel car on l'avait trop aimé, dans une relation passée)(décidément, les hommes sont des femmes), sauf que cette méthode, sur un pervers narcissique, l'a fait pété les plombs, chercher à me recontacter, et au final, lui a fait extrêmement mal, car il a senti tout du long le moment où je lui filais entre les doigts. Ce n'est pas le but de la manoeuvre, ici et maintenant. Le garçon n'était pas très pervers et seulement occasionnellement et humoristiquement narcissique. Non. Je me protège moi. 

Je me protège car je sais que je ne supporterai pas de le voir avec une autre - et pourquoi m'aurait-il jetée avant New York par mail quand il aurait pu attendre patiemment mon retour, je vaux bien ça, si ce n'est pour profiter de tout ce qui bouge dans les trois semaines à venir ? Car, c'est ma manière de procéder. Je m'efface de la vie des gens comme on appuie sur reset. Je sais bien que je lui rends service en fait, en réagissant comme ça. Je sais bien qu'en tant qu'Heights, Slapette & Johnson, j'aurais dû faire pire. Bien pire.

J'aurais dû envoyer une jolie carte postale à la maison familiale avec "Kikoo ! L'avortement s'est bien passé. xoxo" écrit au revers. J'aurais dû prendre au pied de la lettre son mail de rupture qui proposait faussement un choix et le faire mariner pendant 3 semaines en lui disant "mais si, tentons quand même, tu verras, un jour tu m'aimeras". J'aurais dû le rendre malheureux. Me rendre mémorable. Partir dans un bang. Claquer la porte mélodramatiquement comme je sais si bien le faire. 

J'aurais dû mais j'ai pas fait. Parce que 1) il a encore les clefs de chez moi (!), 2) c'était un nouveau genre de relation, sain, du moins au début, et j'essaie un nouveau type de rupture. Le type chirurgical. Ablation du corps étranger responsable des bris du coeur. 

Et puis j'ai eu peur. Très peur pendant ces quelques jours depuis le mail fatal. Très peur qu'il me passe sa malédiction du "hanlala ouin je suis incapable d'aimer qui que ce soit". Mais ce soir, quand j'ai entendu Rufus, alors qu'il était encore dans le noir, mon coeur s'est mis à fondre et se ressouder partiellement. Mon cerveau lui a crié sans discontinuer "je t'aime je t'aime je t'aime je t'aime je t'aime". Les larmes ont coulé. Des larmes de délivrance. Des larmes de foyer retrouvé.

J'aime Rufus. J'aime Carl B. J'aime mes amies. Mes amis. J'aime de loin certains gens des internets. J'aime Broadway. J'aime cette blonde avec qui je voyage si loin. J'aime mon chat mort. J'aime beaucoup. J'aime pleinement. J'aime toujours. J'aime malgré.  

Et le prochain, car il y en aura un - et même il y en aura deux, et même ils se battront - je l'aimerai si je dois l'aimer. Même s'il doit m'arriver la même chose. J'ai depuis longtemps signé un pacte d'honnêteté. Il est temps de l'appliquer à ma vie sentimentale. 

Et si, par un étrange soir, le prochain me dit que c'est réciproque, je lui répondrai : 

"Am I only the one you love?"

dimanche 6 mai 2012

Oh that boy's no different today Except in every single way

Je ne pensais pas partir à New York avec le coeur brisé.

Si j'arrive à en retrouver tous les morceaux avant de partir, pas sûr qu'ils rentrent tous dans la valise, pas sûr qu'ils passent à la douane. Ils sont tellement effilés  ces morceaux, d'avoir été recollés, chaque fois avec plus de minutie, que si une pince à épiler est considérée comme dangereuse alors eux seront certainement classifiés "armes de destruction massive".

Vous me connaissez pour traîner ici depuis que le monde est monde, depuis que j'ai 16 ans, et depuis que je suis persuadée d'être inadaptée à la vie sentimentale.

En cette soirée électorale, j'ai envie de vous dire qu'après une grosse claque dans ma face : j'en tire les conséquences et me retire de la vie amoureuse à jamais.

Car ouais, moi, Heights Slapette Johnson, jeune, jolie et immarcesciblement intelligente, je n'ai pas passé le second tour.

Je me suis fait avoir, je ne voulais pas, plus, jamais, non, oulalah moi ?, never, faire confiance à nouveau à un garçon. Si bien qu'à 24 ans, après 5 ans de célibat, j'étais prête à adopter 8 chats et à me reclure dans mon 20m² ad vitam aeternam.

Et puis un type bien est arrivé. Un type comme je ne pensais jamais qu'il m'arriverait. Alors au début je n'ai pas voulu y croire. Et puis il m'a regardée dans les yeux, m'a dit qu'il ne voulait plus que je vois d'autres garçons, m'a serré dans ses bras dans mon endroit préféré à Paris, et je me suis laissée avoir.

Je me suis dit "Ouais, t'as bien fait d'attendre pour un gentleman. Depuis l'autre, tu t'étais dit "c'est gentleman only", et t'as gagné ton pari, meuf. Tu l'as gagné."

Ca aura duré 1 mois et demi.
C'est pitoyable 1 mois et demi.
C'est tout ce que je suis capable de tenir dans une relation.
C'est moi.
La fille qui ne peut passer traverser une période d'essai.

On était heureux. Le temps filait. Les draps changeaient. Mes amis l'aimaient. Et puis, quand je n'étais pas là, il glissait à l'oreille de nos amies communes "je l'aime bien ta copine", et bien sûr, elles me le répétaient. Et moi, je disais, en rougissant, "mais nan mais nan on en est pas là...".

Et puis je lui ai dit, et dieu sait que j'ai eu du mal, "hey, viens, on passe le test VIH quand je reviens de New York !" et il a dit oui. Et j'étais contente. Parce que ça voulait dire qu'il était fidèle. Qu'il pensait qu'on serait encore ensemble au bout de 3 mois de relation.

Je ne m'attendais pas à partir à New York avec le coeur pilonné.

Parce que j'ai beaucoup de défauts mais j'ai du courage. Parce que j'ai peu de confiance en moi mais je sais qu'il ne faut pas passer à côté des choses quand on les a. Parce que Carl Barât est la réincarnation d'Oscar Wilde et qu'un jour, il a dit "My greatest regret... Not knowing what I had when I had it.". Parce que j'honnis notre génération du plan cul. Notre génération sans attaches. Notre génération lâche. Parce que je suis assez têtue pour vivre encore 5 ans à me taper la tête contre les murs de solitude, loseuse, comme toujours, comme au collège, comme au lycée, comme pendant mes études, comme depuis le début de ma vie d'adulte. Repoussée et rejetée, par ma famille, par mes cercles d'amis successifs, puis, par le garçon qui avait su me redonner confiance en la vie.

Je lui écrivais que grâce à lui je voyais enfin l'avenir comme radieux.
Je le vois ce soir comme radioactif.

Je ne m'attendais pas à partir à New York avec le coeur saccagé.

vendredi 4 mai 2012

Morning Glory

J'ai réalisé cette semaine que la grande fracture de ma vie se situait en 1994.
J'avais 6 ans.

Ma vie était celle d'une enfant un peu constamment en état d'ébriété, qui ne pigeait absolument rien à tous ceux de son âge et qui déambulait en se cassant la gueule régulièrement dans la cour de récré. Je regardais des gens asseoir leur autorité sur leurs petits camarades en leur faisant ingurgiter du papier aluminium, je participais à la tentative de faire brûler l'école maternelle avec une "grande", je regardais, enfin, ma mère, de l'autre côté des barreaux. Du côté de l'école primaire, alors qu'elle s'occupait de plein d'autres enfants que moi.

J'ai eu beau être la petite dernière, et la plus chouchoutée par ma reum selon mes soeurs, je l'ai toujours beaucoup partagée. Au moins avec les 25 élèves de ses classes tous les ans. Ca fait beaucoup.

Avant mes 6 ans, le week-end était marqué par les match de foot de mon père, où j'allais le voir, publiquement outrée de ses gros mots, secrètement fière. Et puis quand j'ai eu 6 ans, il y a eu sa blessure, il n'a plus joué au foot, il a passé les week-end chez nous, et j'ai pu découvrir à loisir que c'était pas vraiment un type bien. A l'adolescence, je me suis intéressée au foot dans l'espoir de relancer ça. De faire revenir un père un peu plus brillant. Un peu plus intéressant.

Avant mes 6 ans, le week-end était marqué par les repas en famille avec mes deux soeurs, qui se battaient toute la matinée pour ne pas avoir à me brosser les cheveux après le shampoing de ma longue crinière, le repas commençait toujours super tard, mais souvent il y avait l'apéro, avec des biscuits, de la grenadine, des trucs chelou pour touiller à mettre dans les verres. J'avais ma place autour de la petite table. J'avais ma place. Le soir, mes soeurs partaient parfois en boîte, et j'arrivai à me glisser derrière elles quand elles et leurs amies se préparaient dans la salle de bain. Je ne comprenais rien, mais je savais que c'était chouette d'être là à ce moment là. J'avais déjà de l'intuition. Je me demandais à quoi ressemblait cette "boîte" à une boîte en carton ? de conserve ? On ne m'en disait que du mal (cher, alcool, talons pour rentrer ouille aie) mais je savais qu'il y avait une autre vérité derrière.

Avant mes 6 ans, ma deuxième soeur habitait à la maison, quand elle est partie avec l'amour de sa vie, elle a laissé son chat à la maison, et moi. Le chat en avait vu d'autre. Moi c'était la première fois.

Cette année 1994 était pleine de rebondissements, on avait accueilli des marins pendant l'Armada. J'avais appris "officiellement" à lire. La blessure de papa. Mon pépé avait sûrement dû se faire opérer encore. J'avais dû voir mes cousins. Extrêmement bébés.

Après plus rien n'a été comme avant. L'équilibre bouleversé après le départ d'une soeur faisant que l'autre prenait toutes les agressions seule, et me les faisait payer,  peut-être pas volontairement. Tout a changé spécialement le jour où mon père a insulté mon grand-père - qui n'était pas son père. J'ai compris qu'au-delà du fait qu'il n'était pas un type bien, c'était en vérité un sale type. Ma mère n'a pas ou peu réagi, comme toujours, et j'ai compris - si je ne le savais déjà - qu'elle n'était pas si fiable. Qu'il allait falloir trouver une autre solution de backup dans les temps de crise.

C'est le moment où j'ai commencé à me rabattre sur les chats. A voir en eux tout l'amour, la tendresse et l'affection qui manquait ailleurs. A regarder leurs yeux en sachant qu'ils avaient déjà compris depuis longtemps, eux, spectateurs aux premières loges.

J'ai commencé à comprendre qu'il faudrait me tirer vite, je m'étais fixé 14 ans, parce qu'on est grand à 14 ans. Mais Mémé, à qui je l'avais confié, n'était pas très d'accord. Elle avait d'ailleurs cafté. Tout le monde a toujours cafté. Et la surveillance s'est resserrée. La suspicion. Ma fausse réputation de menteuse qui est devenue vraie, à force. La maison est devenue un ghetto plus qu'une prison.

On ne sait jamais comment les choses vont tourner quand on fait des enfants je suppose.

mardi 1 mai 2012

Come home

Je sais ce qui va me manquer le plus à NY, et, si je n'écoutais que moi, je laisserai au frigo un camembert pour mon retour. Alors certes mon retour à mon chez moi se fera sûrement vers 7 ou 8h du matin, mais ça fait un 2h du mat' là-bas, et ça ne m'a jamais effrayé.

L'air de rien, c'est un voyage plein de challenge, encore, même si comme ça, j'ai l'air d'avoir bravé toutes les montagnes. Je vais prendre l'avion toute seule, au retour, et il faudra me faire violence pour me rendre à l'aéroport. Personne ne m'y accompagnera. 

La tentation sera grande de partir avec mon sac en bandoulière, mes 3$50 restants en poche, sur les routes - et de mourir assassinée par un tueur en série quelque part en Arizona.

C'est à se demander si la vie m'a donné exprès une raison principale de revenir juste avant de partir - je veux dire à part le camembert, la baguette & le champagne, raisons principales que j'avais depuis bien longtemps. 

Je crois que là bas, ce qui va me manquer, c'est d'être dans le même pays que la moitié de ma famille tout en étant toujours à des milliers de kilomètres - et à des millions quand il s'agit de proximité de l'esprit, mes cousins qui étaient un frère et une soeur pour moi sont des étrangers perdus de vue.

Tout s'est tellement accéléré dans ma vie, que, quand je suis remontée sur ma balance board, l'écran m'a engueulé : cela faisait presque un an. 

Les années passent comme des flèches, maintenant. Et je me souviens, et me souviendrai toujours, de mon premier jour de sixième où 4 années me semblaient insurmontables - et j'ai bien failli ne pas les surmonter.

Quatre années c'est le temps qu'il m'a fallu pour avoir un master et un début de vie d'adulte. Quatre années c'est à peu près le temps depuis lequel je suis la moi actuelle. 

Quatre années où les souvenirs sont flous - c'est sur cette même période que ma vue a baissé, d'ailleurs. 

Quatre années où je n'ai plus beaucoup lu. Quatre années et deux garçons à l'opposé l'un de l'autre, en tous points. 

Quatre années et une seule figure stable et lointaine, cohérente, presque omnisciente.

J'ai presque mangé la moitié de mes 20 ans. C'était bien. Passionnant. Avec des crises, des regards vides, du sang, des larmes, des rires, beaucoup d'alcool, beaucoup de rock&roll, beaucoup de rockstars, beaucoup de jus d'abricot et d'amis qui défilent. 

Et dans quatre ans ? 

Une seule chose est sûre : je me donne rendez-vous ici, qui sera peut-être ailleurs, mais qui, lui, existe depuis plus de 8 ans. 

Et en huit ans, on peut faire plein de choses.