lundi 29 octobre 2012

This doesn't have to end in tragedy


Elle est blonde, elle est suédoise, on en est à notre troisième verre de vin rouge.

Elle me dit "Tu veux pas un petit pansement ?"

Je suis pas sûre de comprendre ce qu'elle veut dire, je me dis que c'est parce qu'elle est blonde, qu'elle est suédoise, et qu'on en est à notre troisième verre de vin rouge. 

Mais elle insiste "Un petit pansement ! Non ?"

Du coup je suis partie backward dans la discussion.

On m'a demandé, maintenant qu'on bosse plus directement ensemble, de parler de ce que j'écrivais. 

Du coup, j'ai pensé à Oscar Wilde. Mais pour parler de ça il fallait parler de pourquoi je suis tombée dans ma monomanie des comédies musicales. Il fallait que je parle du copain qui était au début comme Hugh Grant dans une comédie romantique et à la fin, comme Hugh Grant dans la vraie vie*. 

Du coup j'en ai parlé. Un peu réticente. Parce que je me suis pris tellement de "boarf..." et de "roh ça fait longtemps", "roh ça veut rien dire ça a pas duré longtemps". La tête entre les épaules, le vin qui remonte dans l'oesophage, j'ai parlé. 

En retour j'ai eu des "Roh le con", "Un mail ? C'est qu'il était pas bien." et, enfin, le "mais la douleur que tu ressens dépend pas du temps passé avec quelqu'un.". Hallelujah. 

Et puis est venu la tirade du petit pansement.

Du coup je lui demande de m'expliquer.

"Oh c'est simple, quand on est trop sensible c'est galère : on peut pas se remettre en couple tout de suite parce que c'est trop dur et on peut pas avoir de plan cul régulier parce qu'on s'attache, et que ça fait trop mal, alors il y a les petits pansements, pour la nuit, juste pour se sentir bien, avec un gars bien..."

"...mais pas assez longtemps pour s'attacher."

J'ai tout de suite senti que cette appellation allait changer ma vie.

C'était ma première soirée dehors depuis mon retour. Comme si, Paris, essayait de me dire d'arrêter de m'en aller, que tout irait bien, qu'il y a plein de gens qui valent le coup, ici.

Et ça, c'était en plus des deux gentlemen-canons que Paris m'a envoyé pour porter ma valise à l'improviste à deux stations de métro différentes. 

Je reste méfiante. Je reste distante. Paris est froid, Paris est plein de recoins noirs de la mélasse de mes souvenirs. Paris veut me faire tomber dans le piège du romantisme, à nouveau, comme le Diable me tenterait pour avoir mon âme.

Alors je me suis prévu deux tromperies, une à Rome, une à Londres, histoire de signifier à Paris que je suis pas si attachée que ça, et qu'il va falloir plus que deux garçons furtifs et des gentilles, jolies, amies pleines d'esprit pour me retenir, pour me faire totalement revenir.


*Merci, Mindy.

mardi 23 octobre 2012

Can’t you see this? I’m a man without tomorrow

Je vois R. à la télé.

Je vois R. sur mon ordinateur, en réalité décalée.

Je vois R., tête penchée.

Il parle de moi, il parle des autres. Il parle du temps d'avant.

Il ne ressemble plus à mon souvenir. C'est lui, mais différent.

Je le capte d'un autre angle.

Je vois R. à la télé et c'est un reflet de ma vie entière.

Je suis rentrée dans un Paris lointain, distinct, dans un appartement changé, sans repères et pourtant semblable.

Je sais tout faire encore : des courses au métro, j'ai consciencieusement ouvert mon courrier.

J'ai répondu à un entretien téléphonique pour un job comme un cinquantenaire va baiser une pute, juste pour me prouver que je pouvais encore assurer, alors qu'au fond je n'en avais pas vraiment envie.

Mon coeur fait de plus en plus d'embardées. Je l'entends affluer, surtout dans les périodes de grand calme.

Je touche ma vie du bout des doigts, oui je suis encore là. Mais plus rien n'est important.

Il n'est important de rester en vie que pour les autres.

Ceux qui rient à mon humour compliqué. Le même humour que R. qui lui, maintenant, les fait à des heures de grande écoute.

Je sais que ça ira pour les autres. J'ai été accueillie dans deux bouches de métro différentes par deux des plus beaux garçons que j'avais jamais rencontré, tous les deux m'ont proposé de porter ma valise. C'était furtif, mais ils étaient là. A porter mon fardeau, à alléger le poids du retour. Avec leurs grands yeux clairs, leurs tutoiements un peu cabotins et leurs grands bras. J'aurais aimé qu'au lieu de ma valise, ils m'enserrent moi. Juste trente seconde. Juste assez pour ne pas me briser le coeur en partant.

Je sais que ça ira pour les autres parce qu'ils ont compris plus vite que ma tête que nous étions une race de polygames masochistes, que l'amour n'est pas le couple et vice versa, qu'écouter ses pulsions fait moins mal qu'écouter son coeur, sa tête, sa morale.

Je sais que ça ira pour les autres parce qu'ils ne sont pas comme moi.

jeudi 11 octobre 2012

Your ears are full but you're empty

[Photo by C., éternelle stagiaire de l'hormone]


Ici, r.à.s depuis mon arrivée - à un jet d'oeuf et de cure-dent près (oui, mais un jet d'oeuf et un jet de cure-dent depuis le 6ème étage, quand toi t'es sur le trottoir, c'est impressionnant). 

C'est un peu disneyland. 

On sait que la presse est muselée, que le prime minister est un néonazi et que tout n'est pas bleu à Budapest.
On le sait, quelque part, loin, mais en fait non. Ca ne se voit pas. 

Comme l'absence de couleur. Tous ces gens tout blanc dans les transports en communs. 
J'en viens à regretter les familles africaines à 8 gamins qui prennent ma ligne 3 le dimanche, à Paris.

Les rues sont vides, les yeux des gens un peu aussi. Personne n'est triste, personne n'est heureux. Tout le monde attend que le feu passe au vert.

Je suis dans le même état. J'erre.

Je n'ai plus de buts dans la vie. Avant, j'espérais connaître l'amour un jour, ou du moins, une vie à deux, pour voir. Maintenant, j'en suis revenue. Je n'ai plus d'espérances de ce côté là. Je n'en ai plus ailleurs non plus.

Je n'aime pas mon métier. J'en ai fait le tour dans la dimension où on me laisse progresser - c'est à dire l'assistanat jusqu'à 30 ans, just because

En trois ans, je suis allée au Japon, à Stockholm, retournée à Prague, retournée ici, et sur la liste de mes choses à faire avant de mourir, j'ai dû batailler ferme pour trouver quelque chose à écrire... 

Il reste Damon Albarn et quelques destinations. Il reste des choses comme ça.

Je suis donc un zombie hongrois comme un autre. Je profite juste un peu plus du prix affolant des restos, du bon vin et de pouvoir me balader en chemise mi-octobre. Ca n'est pas si mal.

Ici, ils n'ont pas détruit les statues du communisme, ils les ont rassemblées dans un petit parc à l'extérieur de Budapest, comme nous faisons avec nos ordures dans un immeuble, un peu. J'ai quelques jolies photos. 

Pendant ce temps là, Viktor l’extrémiste parraine un musée sur les deux terreurs consécutives qui ont écrasé le pays, du coup, ça va.

Pendant ce temps là, plus un rom dans les rues. Ou si, un. Histoire de. Il y a 20 ans, ils étaient partout, par grappe, 8, 10, 12, comme les oeufs. Je me demande bien comment ils ont pu s'évaporer. Je crois qu'il est préférable de ne pas trop se le demander.

Une jolie ville avec une âme très sombre.

jeudi 4 octobre 2012

Deep in the cell of my heart

[I will feel so glad to go]

Dear Friend,

J'aimerais t'écrire que je vais mieux. J'aimerais t'écrire que je ne me réveille pas chaque matin en cherchant les débris éparpillés de la grande et forte fille que j'avais cru réussir à construire, un jour, quelque part, l'année passée.

J'aimerais te dire qu'un garçon, en très peu de temps, en un mail, n'a pas réussi à l'abattre. 
J'aimerais te dire que cette semaine, je n'ai pas fini The Perks of being a wallflower et que ça ne m'a pas laissé pour morte cérébralement pendant deux jours.

J'aimerais te dire que si je n'écris plus ici, si je n'écris plus ailleurs, c'est que j'écris beaucoup pour moi.

J'aimerais être, sincèrement, comme ces gens qui changent de vie tous les mois, qui progressent à une vitesse fulgurante et qui passent à autre chose.

J'aimerais que ce garçon soit arrivé à quelqu'un d'autre que moi. 
Parce que j'étais la dernière à le mériter.

Parce qu'il aurait fait du mal à une autre, mais certainement pas autant qu'à moi.

J'aimerais ne pas sursauter, ne plus trébucher, ne pas baisser les yeux. J'aimerais retrouver la personne sûre d'elle que j'avais patiemment conçue, que j'étais petit à petit devenue. 

Je ne la retrouve nulle part.
En tout cas pas sur cette plage que je parcours tous les soirs, au milieu des débris.
Pas sur cette plage où je m'assois et me demande comment la plus jolie chose qui me soit jamais arrivée n'était belle que pour moi. 

Comment j'ai pu, une fois encore, vivre quelque chose d'unilatéral, et sans m'en rendre compte une seconde.

Comment je peux me souvenir de cette période comme d'une fulgurance brillante, comme d'un bonheur tonitruant, coupé court et coupé net aussi soudainement que violemment, quand, en fait, il s'agissait de toute autre chose.

Je ne vis plus. Je suis en attente de quelque chose qui n'arrivera pas. D'une réponse sans laquelle je pleurerai encore tous les soirs. 

Cher ami, je sais que tu te frappes le front en lisant ces lignes, je sais que tu pensais que ce voyage ferait l'affaire, que je chopperai graveleusement du mec de l'est en me disant l'autre n'était rien
Mais New York a été un chemin de croix, et Budapest est le purgatoire.

Je ne sais ce qui m'attend, à part une longue vie d'attente.