mardi 24 novembre 2015

Tried, hide, cried, died




Vivre un drame à l'intérieur d'un drame, c'est bien ma veine.
Le genre de truc auquel tu t'attends pas, tu te dis pas toi.

Il a l'air inoffensif, il a des jolis yeux. Tu es bien saoule mais ses potes disent que c'est un mec bien, en plus lui il a pas de copine, pas comme les derniers que t'as ramené chez toi. C'est déjà un progrès. 

Jusqu'au bout tu es consentante.
Ou presque. Parce que beaucoup d'alcool quand même. 

Tu l'avais senti un peu pressent quand vous vous êtes retrouvés tous les deux, du coup t'avais un peu les nerfs. Mais au final, t'es bien contente de pas être seule.

Sauf que ça va trop vite. Qu'avant même que tu aies pu en placer une sur le fait que tu prends pas la pilule et qu'en plus vous vous connaissez pas et qu'il faudrait vraiment se protéger là, c'est trop tard. Il est déjà partout sur toi, en toi. Et le joli garçon fluet pèse désormais trop lourd pour tes petits bras. 

Alors tu lui dis "Non, arrête" plusieurs fois, mais ça ne s'arrête pas. Tu le pousses, mais c'est impossible, pas dans cette position. Il ne bouge pas. C'est comme s'il n'entendait pas. Tu finis par crier. 

Tu te souviens que ta coloc est là, à deux portes, et que c'est une meuf et qu'elle va comprendre et qu'elle va venir. Mais tu cries et tu paniques et tu bouges mais rien n'y fait. 
Alors en désespoir de cause, tu griffes et tu tires ses cheveux. 
Là, il a un mouvement de recul, un mouvement de réflexe. 
Tu en profites pour gueuler plus fort, et te dégager. Il a l'air hébété. Tu sais qu'il n'est pas méchant, mais il a quand même fait ça. 

Tu t'enfuies dans la salle de bain où tu t'enfermes et tu pleures, en te disant que merde t'avais bien envie de le revoir, éventuellement, celui-là, à la base.
Beau, drôle, intelligent. Tu l'as pas fait des tas de fois, mais tu as déjà ramené des garçons, et jamais, jamais, tu n'aurais imaginé ça. Pas avec lui, pas chez toi. 
Ca n'arrive qu'aux autres.

Depuis, il y a le vide et le froid. 
Tu as bien essayé de le localiser. Mais, après avoir quand même dormi chez toi, il a bien pris soin de vérifier que tu n'avais aucun moyen de contacter qui que ce soit de son groupe d'amis, et il est parti. 

Il ne te reste qu'un prénom, une vague occupation, et beaucoup de trous noirs.

Le vide et le froid, tu dois les gérer seule. Parce que tu es toute seule. Parce que ta coloc t'a laissé gérer toute seule. Parce que la pote avec qui t'étais en soirée t'a laissée toute seule et que pour te consoler tu t'es laissée attendrir par lui
Parce qu'à force d'être seule, tu deviens folle. Tu sors, tu bois, et ça te réchauffe un peu de savoir que tu plais autant. Qu'ok on te claque la porte au nez dès que tu ouvres un peu ton coeur, mais au moins y a plein de bras qui veulent bien de toi. 
Que t'as besoin de personne.

Ce soir, j'ai besoin de plein de gens. Je sais pas comment le dire, je sais pas comment faire. Parce que ça tombe mal cette histoire. Ca tombe quand plein de gens ont besoin de plein de gens. 
Plein de gens avec des drames différents, mais autrement plus importants. De ceux dont on ne se remet pas.

Alors pardonnez-moi de ne pas avoir été assez forte pour décrocher mon téléphone et vous appeler et vous le dire, mais c'est ici que s'inscrivent mes drames, et c'est ici qu'ils continueront à s'amonceler. 
C'est ici que je me sens moins seule.
J'avais besoin de passer par là. 

lundi 16 novembre 2015

Flu



D'abord il y a des mots qui sortent de ma bouche, trois, les mêmes. "Non." "Non !" "Non !!!".
Puis il y a le scroll du dernier espoir. Twitter, dis moi que c'est pas ce que je crois. 
C'est ce que je crois. 
Je sais juste pas à quel point. On ne le saura pas avant une poignée d'heures encore.
Je me lève. Je me rassois.
Je regarde avec défiance ma télévision éteinte. Combien de temps vais-je tenir avant de l'allumer et de revivre les meilleures heures de janvier dernier ?
Je me dis que ça peut attendre. Je reprends le pouls de Twitter.
Je vois le mot "Bataclan".
Puis encore.
Et à nouveau.
Je comprends. Je dessaoule direct.
Je checke le site, je vérifie le groupe.
J'envoie un premier message, à mon amie qui est de tous les concerts. 
Elle répond aussitôt. Non, elle n'y était pas, mais elle est à Saint-Denis et elle a entendu des explosions. 
Alors c'est vrai.
Mais mon esprit revient à la salle de concert. Je la connais. Si c'est encore en cours... je sais que ce sera une boucherie. 
Je n'ai pas eu beaucoup de date dans ma vie, mais j'en ai eu une au Bataclan.
Je fais le tour mental de mes amis susceptibles d'être à ce concert. Ceux qui bossent de près ou de loin dans la musique. 
La deuxième personne à qui je pense, et le premier garçon, et celui qui reviendra inlassablement dans mes pensées à chaque temps de répit, c'est aussi le dernier à m'avoir brisé le coeur. 
Pourquoi lui ? Les mystères du cerveau. J'étais pourtant sûre d'avoir exorcisé un truc en couchant avec son sosie (en plus jeune < 3 )
Bon. Non. 
Alors je passe aux autres. Je dis même pas ce qui se passe, je vais à l'essentiel "t'es où ?" et "rentre chez toi". J'explique après. 
Je m'aperçois que j'avais un appel en absence, je me dis qu'on s'inquiète pour moi. Je rappelle, je tombe sur le répondeur, je dis de pas s'inquiéter, que si c'est à cause de ce qui se passe : je suis chez moi, je suis safe.
Safe. Le mot qui reviendra miraculeusement s'apposer sur tous les visages de mes proches. De mes gens au premier degré. 
Les uns après les autres.
On me rappelle : "De quoi tu parles Johnson ? Ton message m'a foutu la trouille !" 
C'est vrai que j'ai la réputation d’exagérer, tout, tout le temps. Mais là non. Et j'aurais préféré.
Me voici dans le rôle de celle qui doit annoncer à son amie que le resto dans lequel on aime manger a été touché, que le bar dans lequel on se pinte régulièrement, aussi, que la rue de la Fontaine au Roi, que... Elle sanglote. Elle essaye de répéter aux gens autour d'elle. Mais elle est en province et ils s'en foutent.
Ils se rendent pas compte.
Nous, parisiens, en 2/3 mots clefs, on a tous saisi.
On a compris qu'on était leur cible. Que si Charlie, c'était le symbole, on était la chair à canon. 
Parce que quand Paris m'a adoptée, c'est pas dans mes minuscules apparts que je me sentais en sécurité. Mais à la Flèche d'or, au Truskel, à la Cigale et au Bataclan.
A la Maroquinerie, à la Bellevilloise, à l'Olympia et au Trabendo. 
Au Zèbre, au Pop in, à la Caravane. 
Ce n'est que le lendemain que je me souviendrai que j'étais au Carillon, il y a encore deux semaines, pour l'anniversaire d'un pote. De la gentillesse du barman. Que je fume pas, mais que j'étais sur cette terrasse, parce que j'ai suivi le groupe.
Les rapprochements, je ne les fais pas vite. 
Une fois que les proches sont "safe", il s'agit de faire le tour des proches de proches. Ceux qui sont sortis de ma vie, ceux qui s'en sont éloignés. Les gens importants pour mes gens importants.
Dans un coin de ma tête, il y a toujours les miens injoignables. Ceux dont je n'ai pas le numéro. Ceux dont je n'ai pas le nom. Ceux qui sont derrière des bars, inamovibles, et que je n'ai jamais jugé bon d'archiver autrement dans ma vie. 
J'envoie des mails. Des bouteilles. 
Je me ressers un verre, en me souvenant que j'ai dessaoulé et que c'est vraiment pas le moment. 
Les rapprochements, je ne les fais pas tout court.
Je suis sur le cul d'être passée entre les mailles du filet. Je reste persuadée que ça va taper proche. Que ça va finir par m'éclater à la gueule, personnellement.
Je garde cette idée dans un coin de ma tête. Toujours maintenant.
Mais, jusque là, ça n'est pas arrivé. Les morts sont des amis de connaissances ou des troisièmes degrés de relation, il y a une barrière de protection entre eux et moi. 
Je bosse dans le même immeuble que l'une des victimes. Je réalise ça peu après avoir appris que mon coloc de bureau faisait partie des otages.
Tellement tard. Tellement après la bataille.
La bataille, je l'ai menée sans le calculer. Samedi soir. En sortant boire une bière.
J'ai fait une peur de tous les diables à un type qui se croyait seul dans ma rue. Un malabar. 
On m'a appelé en détresse "t'es sûre que c'est une bonne idée ?". Deux fois.
C'est toujours une bonne idée de sortir aller boire une bière, damnit
Je rejoins la confrérie de la résistance houblonnée. 
Y a tellement personne qu'on a un canapé pour nous. Récompense.
Sauf que je suis Johnson et que j'ai un sens de l'orientation de merde. Mais alors vraiment. Et qu'avant de rejoindre les visages amicaux. Les hugs. Les quatre bières... Je suis descendue à Oberkampf.
Je suis pas gourde. J'ai un cerveau assez rapide d'habitude. Je suis capable de me débrouiller dans la vie de tous les jours.
Mais je suis descendue à Oberkampf.
C'est un réflexe, que voulez-vous, je prends le métro le moins possible, je voulais pas faire de changement, et ce n'est que quand je me suis fait dévisager par les gens de la station que j'ai compris où je foutais les pieds.
En grimpant les marches, j'ai été éblouie par des dizaines de projos. Des journaleux qui pédalaient dans la semoule à faire du remplissage avec du rien. Des badauds qui prenaient des putains de selfie.
Les flics, à cran. 
Fuckfuckfuck que je suis conne
Forcément les "bonnes" rues sont barrées. Je sais pas comment m'exfiltrer, alors je tourne dans le quartier, et je m'enfonce dans un pèlerinage involontaire de plus en plus morbide. 
Je finis par trouver un chemin. Mon chemin.
Je rejoins les autres. En sueur, en tremblant. 
La soirée sera émaillée de mini blackouts. 
Je pense à mon collègue, je pense aux barmens, je pense à lui, puis d'un coup je pense plus.
"Ca va, Johnson ?"
"Comme tout le monde..."
Parce que pour une putain de fois, on s'aime. On est pareil. Tous égaux dans la lose. 
Tous pervers. Tous abominables. 
Je suis une putain d'idolâtre.
Une putain d'idolâtre qui aime beaucoup trop le mot "putain".

Je finis ce message lundi matin. Au bureau. 
Entourée de "Ca tient à quoi." de "Tes proches ?" de "Ca aurait pu.". Les demi-sourires gourds. Les regards qui fuient. Les mains qui tremblotent. 
Mais au moins le silence est terminé.
Le bruit des photocopies, des machines à café, du téléphone. Le bruit de la vie de tous les jours. 
Quelques blagues, même. 
On sent, on sait que cette envie de tous se prendre dans les bras va nous passer bien vite. 
Quelque part ça nous manquera, quelque part bien sûr que pas du tout.

Maintenant, on doit réparer Paris.



mardi 10 novembre 2015

Be the man that gets them up on their feet



Les semaines passent comme des tempêtes parce qu'elles sont remplies à ras bord.
Je n'aspire qu'à une chose, vivre mes quelques moments de répit un énorme casque sur les oreilles, The 1975 à fond, me faire un sandwich, et le mâchouiller devant la mine frustrée de Marlou, en regardant mon plafond, encore et toujours.

J'ai changé plusieurs fois de plafond, hein, mais c'est toujours chimériquement le même. 
Je mâchouille seulement avec de moins en moins de conviction.
Puisque ma conviction, ma force et ma ténacité m'ont quitté il y a à peu près un an, quand tout a basculé.

Quand une poignée d'inconséquents ont fait joujou avec mon coeur just because. Quand ils ont évacué ça les mois suivants avec un "bah on se rendait pas compte".

Bah non.

Puisque les gens ne se rendent jamais compte, à quoi bon les inclure ?

J'ai parcouru mon blog à la même date, il y a un an. Et fuck j'étais heureuse. Comme jamais. 
A quoi ça tient.

Depuis, le sourire franc a disparu tout à fait. Me reste le smirk. Ce sourire en coin qui ne monte pas assez fort et n'atteint jamais les yeux. Ne gonfle pas la poitrine.

Je me roule dans mon canapé ouvert, comme l'année dernière. En commémoration fortuite. Je souffle pour moi.

Une année débile vient de s'écouler. Gâchée comme beaucoup dans ma vie par un "On s'en rendait pas compte". 

La vengeance ne m'effleure même pas, parce qu'il y avait trop d'amour à la base. 
On ne se venge pas d'un fruit appétissant acheté au marché pour son parfum unique et qu'on découvre pourri en le déballant une fois chez soi. 
On le jette.
Et on constate qu'on a perdu une poignée d'euros. 
Voilà. 

Des tapes dans le dos et des encouragements de "T'es hyper forte !" "T'as fait ce qu'il fallait !" d'il y a un an ne restent que des haussements d'épaule et des "Putain, lui je lui claquerais bien la gueule, en toute amitié pour toi Johnson." ou des "Ce mal qu'il a fait en si peu de temps".

Alors j'écarquille les yeux, je réalise une parcelle de plus de la vérité de tout ça, puis je me ressaisis et je leur démontre en deux trois phrases qu'il avait pas un mauvais fond. Pas lui en tout cas.

Je me rends compte dans ces moments là de ce qu'il a infligé à mes proches. Le fait de récupérer la Johnson de 16 ans et demi, avec ses cernes, son dégoût de l'Homme et ses certitudes que toutes ces conneries de sentiments, c'est pas pour elle. 

Le bond en arrière dans ma vie, dans la gueule de mes amis. Le découragement que je lis derrière leurs yeux compatissants, que je croise de plus en plus rarement, parce que je suis une oeuvre de charité désormais, dont on s'occupe comme de ses papiers, parce qu'il le faut bien.

Ca me tue. Ca me ronge. 
Ce sont mes amis l'important, pas ces choses extérieures sur lesquelles je n'ai aucune prise, mais qui me foutent pourtant à genoux. Impropre à la fréquentation. 

Bitch, what have you done... 

I loved you first.



Je tourne les pages électroniquement. Ca fait clic-clic-clic, parce que j'ai dû rendre ma liseuse top notch, et tous les auteurs découverts avec, à la boîte qui m'a rendu ma liberté. Et comme après j'étais libre mais pauvre, je me suis acheté la version antérieure antique. 
Clic-clic-clic donc. Marlowe me juge vaguement, mais reste plus endormi qu'alerte.
Après un paragraphe particulièrement prenant, je siffle entre mes dents.
Il ouvre les yeux puis fronce les vibrisses. 
"Sorry, Marlowe".
Il laisse échapper un "Oomph" miséricordieux et repose sa tête sur ses pattes.
Je poursuis la lecture et n'en puis plus. La pression monte. Je me tends, je me tords. Je laisse échapper un "NAN MAIS C'EST PAS POSSIBLE." auquel échoincide un "Meow!" outragé.

Il a raison. Ca fait 1 an trois quart qu'on vit ensemble et il ne m'avait jamais vue faire autant de simagrées pendant que je lisais. C'est pour ça, d'ailleurs, qu'il s'était laissé aller à un sommeil réparateur contre ma cuisse (chaleur humaine) sous l'ordinateur (chaleur pas humaine) et la lampe de chevet (parce que la liseuse est de première génération et n'est donc pas rétro-éclairée).
Bordel à cul qu'il s'attendait pas à ce que je trépigne comme une dinde épileptique en poussant des jurons étouffés.

J'ai un peu tué une des seules choses qui me rendait heureuse en devenant éditrice. Les livres ça ne me fait plus cet effet, car lire = boulot, généralement en anglais, généralement en biais parce que pas le temps, généralement caca parce que c'est le travail d'un chercheur d'or.

Bref, Marl était loin de se douter que j'allais faillir à mon habitude statufication marbresque. 
Et moi aussi.

Je souffle. Je fais autre chose. Je présente mes excuses une dixième fois après avoir réveillé El Marlito pour la onzième fois. Je lui gratouille le sommet du crâne. Je procrastine.
Pour ne pas cliquer une page de plus. Parce que je n'en puis plus.

Parce que depuis le début de ce bouquin, je lis mon histoire, mon ressenti. Le condensé de 11 ans de blog en quelques pages vives, efficaces et terriblement annihilantes pour ma stabilité. 
C'est comme si je me découvrais sous un nouveau jour, comme vraisemblablement certains gens me voient.
Ca n'est ni un drame, ni une satire, ni un truc glauque.
C'est drôle, enlevé, il y a un fond de drame, certes, mais ce n'est pas à ça que je m'identifie.
Non, c'est une putain de romance
Et Dieu sait que j'en ai lu des tonnes grâce à E.L. James (pour les noobs, sachez que si un livre devient un best seller, on ne lira, nous éditeurs, que ça dans les 5 années à venir, même s'il s'agit de la vie d'une branche de brocoli. Imaginez 1000 bouquins sur des brocolis. Et non, me dites pas "bahoui", ce que vous voyez en librairie c'est la pointe de l'iceberg, et surtout vous avez pas à vous les tartiner tous sans tri et sans exception "PARCE QUE C'EST CE QUI VEND."). 
Bref, ce n'est pas un problème de genre. C'est juste que les répliques, le passé, les émotions, les systèmes de défense pourtant uniques (aka : pas lus ailleurs) de l'héroïne sont les miens. 
Dans les premières pages elle évoque même MON homme idéal. 
Du coup, forcément, j'ai lu la suite au premier degré, l'identification marchait complètement, au point que, j'ai commencé à avoir les mêmes réactions à sa vie qu'à la mienne.
Et j'ai compris tout un tas de choses sur pourquoi je merdais. 
Je ne voulais pas qu'elle ait le garçon. J'avais peur comme elle, pour elle. Et j'étais ravie qu'elle se barre à gauche quand l'évidence était à droite.
Je devais faire des pauses, tellement j'hyperventilais. Tellement d'une page à l'autre, je courais le risque de réaliser que j'avais eu tort, toute ma vie. 
Et puis j'ai tourné quand même une page, un nouveau chapitre. Et j'ai découvert l'intrusion du point de vue de son intérêt romantique. Il devenait narrateur pour la première fois, à plus de la moitié du bouquin. 
Et j'ai souffert fort. Parce que ça n'avait rien à foutre là. Réfléxe d'éditeuse. Que c'était la première maladresse vraiment gênante de tout le bouquin et que j'espérais plus que tout qu'il se tienne de bout en bout. 
Et puis, le pro mis à part, je ne voulais surtout pas savoir. Pas savoir ce qu'il pensait. Pas savoir qu'il pouvait éventuellement être un total connard, oui. Mais surtout pas savoir qu'il pouvait être un mec bien.
Parce que savoir que quelque chose est possible, ça entrouvre Pandora's box. Tous les feels inside te sautent à la gorge et ils se remettent en place. 
C'était peine perdue.
J'ai mentalement, sans pouvoir lutter contre, passé en revue tous les hommes de ma vie. Enfin, ceux qui ont compté, vraiment. Qui, en fait ne sont pas ceux avec qui je suis sortie, ou avec qui j'ai couché, parce que ma vie est mal faite. 
Je me suis vraiment mise dans leur point de vue. Je n'ai rien faussé avec le mien. Je n'ai pas voulu me donner raison ou tort, ou me torturer. J'ai juste pris la position de l'héroïne dans ma propre vie tout d'un coup propulsée comme vue par les yeux du héros. 
C'était instructif. C'était bien.
Et puis rien n'allait plus.
Car ça se tenait ce choix narratif, ça s'est justifié. Et donc c'est pas le côté pro, qui a fait complètement flancher mon sourire et qui m'a fait sortir de la torpeur provoquée par ce roman. 
Ce qui m'a refroidie et m'a expulsée loin, et c'est terrifiant à dire, ce qui m'a sortie violemment de ce petit nid, c'est le happy-end.

Parce que comme quand mes ami(e)s parlent de leurs familles aimantes, et de leur bonheur conjugal et de leurs envies d'enfants, mon esprit vagabonde. Parce qu'il n'a rien à dire sur ces sujets là. Parce qu'il n'y connait fichtrement rien. Parce qu'il ne peut entendre ces arguments. 

Généralement, dans ces cas-là je bois ou je me goinfre. Parce que c'est socialement admis, de pas parler parce qu'on a la bouche pleine. Puis j'enchaîne avec un sujet que je maîtrise dès que je sens le vent tourner.

On peut pas faire ça avec un bouquin. J'ai beau arrêter ma lecture ou la ralentir, je dois aller jusqu'au bout. Aussi bien professionnellement, que personnellement, je dois me fader ce putain de bonheur. Eclater Pandora's box et confronter mon pire ennemi qui fait son grand comeback : l'espoir. 



mardi 3 novembre 2015

Beneath the sheets of paper lies my truth





La dernière fois que j'ai voulu écrire ici, j'ai commencé par "La dernière fois que j'ai dormi avec un garçon,..." et puis la vie m'a interrompue et la note n'a jamais été terminée/publiée. 

Depuis cette tentative, cette première phrase n'est plus vraie. 

Les compteurs sont remis à zéro.

J'ai l'impression, ces jours ci, de vivre dans Alias sans qu'on m'ait tellement briefée. Comme si j'étais un Time Lord au lendemain de sa régénération. 

Je glisse de palace de la rue la plus chère du Monopoly, en Sorbonne - mais sur l'estrade cette fois, en bras de jeune homme qui croit que j'ai 22 ans, moi aussi, de grand rassemblement de l'internationale hipster, en salle de cours où j'étudie aux côtés du producteur le plus en vue du moment, et même que quand j'en parle, dans un restaurant, les inconnus voisins m'interrompent et s'immiscent, comme si je faisais partie d'un tout. 

Je n'ai plus 22 ans depuis 5 ans, mais j'ai par contre un syndrome d'imposture toujours fermement chevillé au corps. Auquel s'ajoute un syndrome post-traumatique, depuis peu. Et un chauffe-eau en rade.

Je suis au bord de la crise de nerf tandis que les chiffres de vente de mes livres explosent. La pression s'intensifie, aussi. La perfidie prend de l'ampleur, et j'incarne le défouloir parfait, plus que jamais. 

Depuis que je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas de place pour un significant other dans ma vie, j'ai du mal à cerner ce qu'il me reste à accomplir ici-bas. Tout l'intérêt de mon existence repose sur une masse de 5 kilos de poils noirs mi-longs qui mordillent ou ronronnent au choix, selon l'humeur. Cet été m'a prouvé que je pouvais tout perdre très rapidement. 

Plus d'illusions. Rien de très excitant, en perspective. En venir à la conclusion que pour s'en prendre le moins possible dans la gueule, il fallait éviter de bouger. Ne pas lever le petit doigt. Ne pas sourciller.

C'est dans ma nature profonde, pourtant, de me révolter et de faire bouger les choses. On m'a rappelé il y a peu qui j'étais, avant. 
Avant que la vie et ceux qui la parsèment s'emploient à me faire comprendre à grands coup de tacles à la gorge que ça ne fonctionnait pas comme ça. Que les gens comme moi ne gagnaient jamais, ou alors pas très longtemps. 

Je suis ce que je déteste : blasée, immobile et au bord de la compromission. 
Ca me saoule tellement qu'on s'intéresse à moi, qu'on me fasse raconter mes journées, qu'on mette la focale sur ma petite vie, que j'en deviens ronchon. Si je fréquente les autres, c'est pour me changer les idées, être rassurée sur le monde et tenter de leur apporter une aide quelconque. D'améliorer leur vie. 
Le projecteur est trop aveuglant quand il est braqué sur moi. Ca me transforme en animal sauvage. 

J'ai démissionné de la vie il y a un moment. 
Il n'y a pas grand-chose à savoir sur mes journées : je meuble, je m'efforce de me divertir, de penser à autre chose qu'au vide car tout le monde sait combien j'ai le vertige. 
A croire que ma vocation réelle était en fait de devenir ange gardien. Mais j'ai vérifié, il n' a pas d'annonces de ce genre chez Pôle Emploi.

Avant, je passais ma vie à attendre, quelque chose, quelqu'un, pour moi.
Maintenant que j'ai compris que j'étais coincée ici - à cause des autres -, j'attends l'opportunité d'être utile à quelqu'un, à quelque chose. 

Je suis à dispo et non plus dispo.